Ces derniers jours, les noms de Vladimir Poutine et de la Russie surgissent dans de nombreux dossiers internationaux : la destruction d’un satellite, la crise migratoire à la frontière entre Biélorussie et Pologne ou encore la pression mise sur l’Ukraine. De quoi intriguer ?
Ces derniers jours, leurs noms reviennent dans tous les dossiers et pas uniquement pour parler de la vague mortelle de Covid en Russie. Que ce soit quand un satellite est détruit à proximité de la Station spatiale internationale, quand des milliers de militaires prennent position près de l’Ukraine, en médiateur dans la trêve entre l’Arménie ou l’Azerbaïdjan, ou en possibles marionnettistes derrière la crise migratoire qui déchire Biélorussie et Pologne… La Russie et Vladimir Poutine sont sans cesse évoqués.
Mais y’a-t-il une raison derrière cette accumulation? Le président russe et son gouvernement poursuivent-ils un but précis en surgissant sans arrêt dans les affaires internationales des dernières semaines?
Le HuffPost a recueilli l’analyse de Caroline Grimaud Potter, professeure en géopolitique de la Russie à l’université de Montpellier. Or si l’universitaire ne voit pas de corrélation entre les événements, elle dresse un constat clair : la Russie et son président pèsent fortement dans les relations internationales, et jouissent de surcroît d’un contexte favorable en ce moment. Ce qui explique des intérêts certains dans les différents dossiers.
La destruction d’un satellite
Chronologiquement, c’est l’affaire la plus récente. Et peut-être la plus confuse. Car dans un premier temps, les Russes ont nié être à l’origine du tir de missile qui a détruit un vieux satellite leur appartenant, un Tselina-D portant le nom de Cosmos-1408, lancé en 1982 et inopérant depuis des années. Une entreprise qui a créé un nuage de débris potentiellement dangereux pour la Station spatiale internationale où se trouvent sept astronautes, dont deux Russes.
Mais après de longues heures où les rumeurs ont circulé et où les États-Unis ont frontalement accusé le Kremlin, l’armée russe a fini par reconnaître avoir mené cette frappe de test tout en niant le moindre risque pour les occupants de la Station. Pour Carole Grimaud Potter, «c’est un tir qui devait être planifié de longue date» et la communication confuse de la part de la Russie n’est probablement le fait que d’une «désorganisation interne» entre le pouvoir politique, militaire et l’agence spatiale nationale.
Surtout, cela signifie qu’après la Chine, les Américains et l’Inde, la Russie tenait à figurer comme la quatrième puissance mondiale capable de détruire un satellite avec un missile lancé depuis la Terre. «La Russie ne fait que continuer à suivre son agenda», poursuit l’universitaire, «et d’ailleurs c’est un succès puisqu’ils ont effectivement atteint ce satellite ».
En clair, les Russes et leur président n’avait pas l’intention de reporter la possibilité d’accomplir une prouesse simplement parce que d’autres affaires pressent en ce moment. «Et ils n’avaient pas de problème avec le fait que ce tir puisse susciter des réactions internationales»
Les migrants et la Biélorussie
D’autant que si leurs noms apparaissent dans les rubriques «international » du monde entier ces dernières semaines, Vladimir Poutine et la Russie préfèrent de leur côté avancer discrètement. C’est notamment le cas dans la crise migratoire qui se déroule actuellement à la frontière entre leur allié biélorusse et le membre de l’Union européenne qu’est la Pologne.
Accusé par de nombreux observateurs internationaux de manigancer en coulisses et d’être le vrai instigateur de l’affaire, le président russe a fait savoir que son pays n’avait «rien à voir là-dedans ».
D’ailleurs, insiste Carole Grimaud Potter, sur la scène internationale, aucun pays n’a avancé de «preuves» d’une action russe sous-jacente à la crise et il n’y a «pas eu de sanctions européennes » contre la compagnie aérienne nationale Aeroflot.
Ainsi, la Russie se retrouve au centre du jeu géopolitique sans même être incriminée. La France, par la voix de Clément Beaune, le secrétaire d’État en charge des Affaires européennes, a même dédouané Moscou avant qu’Emmanuel Macron passe deux heures au téléphone avec le chef du Kremlin pour lui demander de jouer le rôle de facilitateur dans les négociations.
Les troupes positionnées près de l’Ukraine
D’autant qu’en même temps que se précisait cette accalmie, un autre sujet a rendu encore un peu plus importante la Russie sur la scène géopolitique européenne: les mouvements de troupes à proximité de l’Ukraine. Près de la frontière, le Kremlin a effectivement mobilisé jusqu’à 100.000 militaires, selon les estimations, faisant planer un climat de suspicion et de tension. Un thème qui s’est invité dans l’échange entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, et qui inquiète les dirigeants occidentaux.
Car sept ans après l’annexion de la Crimée par les Russes, l’Occident craint de nouvelles velléités expansionnistes dans une région où les zones pro-russes ou soutenues économiquement par Moscou sont nombreuses. La France et l’Allemagne sont notamment apparues en pointe pour demander au Kremlin de faire preuve de «retenue» et de «transparence» concernant ses activités militaires.
Des interpellations auxquelles les Russes répondent qu’ils agissent ainsi dans le contexte de larges manœuvres militaires de l’Otan en Mer noire et donc à proximité de la Crimée. «Pour la Russie, les exercices menés par les États-Unis et leurs alliés sont très proches et donc ils lui posent problème», décrypte Carole Grimaud Potter.
«Ces opérations sont vues de Moscou comme visant à établir un scénario opposant la Russie à l’Ukraine ». Raison pour laquelle la Russie veut montrer qu’elle est prête à réagir, sans pour autant donner l’impression d’y accorder trop d’attention. «On parle assez peu de cette question des troupes en Russie », précise la professeure à l’Université de Montpellier.
«Depuis l’invasion de la Crimée, la Russie prend à nouveau de la place au niveau international. Et elle est présente en Afrique, dans les élections étrangères via la cyber-ingérence comme aux États-Unis en 2016, elle joue un rôle de médiatrice avec la Biélorussie… ». Pour l’universitaire, «la Russie occupe une place médiatique » majeure et surtout, «elle compte dans les politiques européennes, de l’UE, des États-Unis ». Ce dont la séquence actuelle témoigne parfaitement.
Econews avec Huffpost