Sale temps pour Glencore, le géant suisse de négoce, particulièrement actif dans le secteur minier de la RDC. Accusé et condamné pour corruption aux Etats-Unis qui lui a collé des pénalités de plus d’un milliard de dollars américains, sans compter ce qu’il doit payer en Grande-Bretagne et au Brésil, Glencore est aujourd’hui dans le viseur de la Cenaref (Cellule nationale de renseignements financiers).
Après les Américains, c’est la République Démocratique du Congo qui a décidé de passer au scanner les comptes de Glencore. C’est l’ambition qu’affiche M. Adler Kisula Betika, avocat général près la Cour de Cassation et secrétaire exécutif de la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref), dans une lettre datée du 13 juin 2022 qu’il a adressée à Mme la ministre d’Etat de la Justice et Garde des sceaux.
Sous l’intitulé « Constitution de partie civile de la RDC dans les dossiers des enquêtes en cours à charge de Glencore pour corruption et manipulation des marchés et demande de copie du dossier », la Cenaref dit avoir suffisamment réuni des «faits de corruption et de manipulation des marchés reprochés à Glencore », par ailleiurs, «corroborés par le rapport de contrôle de l’Inspection générale des finances sur la gestion des finances de la Gécamines».
Dans sa correspondance, M. Adler Kisula rappelle les faits infractionnels à charge de Glencore tels que repris dans le rapport de l’IGF. Il s’agit, note-t-il, de la cession des parts de la Gécamines dans les joint-ventures Metalkol et Mumi « en abandonnant définitivement aux partenaires étrangers les actifs miniers non pris en compte comme parts du capital de ces joint-ventures, faute de leur valorisation comme apports en nature de la Gécamines ».
S’appuyant sur le même rapport de l’IGF, le secrétaire exécutif de Cenaref revient sur la cession, en décembre 2019, «des actifs miniers et immobiliers de Kamoto Copper Company (KCC) sans certification pour 250.000.000 USD».
Enfin, la Cenaref veut pénétrer le secret de la signature, en date du 22 janvier 2015, « avec les sociétés Africa Horizons Investment Ltd (AHIL) et Kamoto Copper Company (KCC), d’un acte transactionnel au terme duquel les royalties générées par les 2,2% du chiffre d’affaires net de KCC ont été cédés d’une manière définitive et irrévocable à AHIL ou à des sociétés sœurs et mère ».
Pour tous ces faits, à la Cenaref, on est convaincu que « la RDC, étant victime de ces agissements criminels de Glencore, a droit à une réparation pour tous les préjudices causés tant à l’Etat qu’à ces citoyens ». A ce sujet, le secrétaire exécutif de Cenaref rappelle que cette même année, Glencore avait déjà fait l’objet d’une enquête similaire aux Etats-Unis et avait déboursé 700 millions USD de pénalités pour clore cette affaire.
Aussi, au travers de cette lettre à Mme la ministre d’Etat de la Justice, la Cenarf sollicite-t-elle, l’implication du Gouvernement pour « obtenir copie du rapport d’enquête et/ou des actes d’arrangement entre ces juridictions (Ndlr : américaines) et Glencore aux fins de permettre aux services congolais d’application de la loi, chacun en ce qui le concerne, de diligenter des enquêtes en interrne à charge des fonctionnaires impliqués et des sociétés du Groupe Glencore en RDC pour corruption et blanchiment des capitaux ».
Lourdes condamnations aux Etats-Unis
Pour rappel, le géant suisse de l’extraction minière et du négoce de matières premières était dans le viseur de la justice de plusieurs pays. Après avoir plaidé coupable, les Etats-Unis ont condamné, en mai dernier, Glencore à payer près de 1,5 milliard de dollars pour régler ses litiges.
Le géant des matières premières tourne la page d’une série de litiges avec les autorités américaines, britanniques et brésiliennes, dont certains remontent à une dizaine d’années. Aux Etats-Unis, le groupe, qui opère dans les mines et le négoce de pétrole a plaidé coupable pour corruption et manipulation de marché. Il devrait faire de même au Royaume-Uni.
Le montant de la sanction financière en Grande-Bretagne doit encore être fixé lors d’une audience au courant de ce mois de juin. L’accord passé avec les autorités américaines prévoit aussi la nomination d’un auditeur externe pendant trois ans.
Aux Etats-Unis, la société suisse a été condamnée pour deux affaires distinctes. L’une concerne un système de pots-de-vin pour obtenir des contrats d’exploitation de pétrole en Amérique latine et en Afrique, l’autre porte sur des manipulations des cours du carburant américain.
Selon les résultats de l’enquête américaine, Glencore n’hésitait pas à verser quelques millions à des agents locaux ou à des intermédiaires pour sécuriser son accès à du pétrole. Le géant suisse est impliqué dans des cas de corruption dans une multitude de pays : Nigeria, Venezuela, RDC, Brésil et Cameroun.