Sans lâcher la pression sur le front militaire, Kinshasa n’écarte pas l’option diplomatique dans le conflit armé qui l’oppose à Kigali. Ayant réuni suffisamment d’éléments sur l’agression du Rwanda, la RDC a vite fait de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Pour cette énième agression de la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, Kinshasa a décidé de déployer les gros moyens aussi bien militaires que diplomatiques. Sur le front des opérations, à la frontière avec le Rwanda, les Forces armées de la RDC (FARDC) ont renforcé leur position par le déploiement de nouvelles unités, prêtes à riposter en cas d’attaques.
Parallèlement, il y a une grande diplomatie qui se met en place pour ne pas laisser au Rwanda de se victimiser comme il en a généralement l’habitude en s’arc-boutant derrière l’éternelle question des FDLR. Depuis Malabo, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, a saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies, présentant des preuves ne pouvant prêter à aucune confusion sur «l’agression de la RDC par le Rwanda».
Après un rappel des faits qui mettent en lumière, de manière éloquente, l’attitude va-t-en-guerre des autorités rwandaises, Christophe Lutundula note que « ces actes délibérés des Forces Rwandaises de Défense constituent non seulement des violations graves de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Démocratique du Congo, saisit le Conseil de Sécurité de l’ONU et lui demande d’assumer toutes ses responsabilités statutaires en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale notamment :
1. En condamnant, sans équivoque et fermement, les attaques du groupe terroriste M23 contre les FARDC et la République du Rwanda pour le soutien qui’ llui apporte, la violation de l’intégrité du territoire et de la souveraineté de la République;
2. Le président de l’UA « gravement préoccupé », appelle «au calme»
Le chef de l’État sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA), s’est dit dimanche «gravement préoccupé» par la «montée de la tension» entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC), exhortant les deux pays «au calme et au dialogue».
«Je suis gravement préoccupé par la montée de la tension entre le Rwanda et la RDC », a déclaré Macky Sall dans un tweet face à l’escalade des tensions des derniers jours entre les deux pays voisins. «J’appelle les deux pays au calme et au dialogue pour la résolution pacifique de la crise avec le soutien des mécanismes régionaux et de l’Union africaine », a ajouté M. Sall.
Lundi, le président sénégalais s’est entretenu au téléphone avec les deux chefs d’Etat protagonistes. «Je remercie les présidents Tshisekedi et Kagame pour nos entretiens téléphoniques d’hier et aujourd’hui dans la quête d’une solution pacifique du différend entre la RDC et le Rwanda. J’encourage le président Lourenço, président de la CIRGL, à poursuivre ses efforts de médiation dans ce sens», a écrit sur son compte twitter le président Macky Sall.
Le Rwanda a affirmé samedi que deux de ses soldats étaient retenus en captivité après leur enlèvement par des rebelles en RDC, accusant les autorités de ce pays de les soutenir.
Cette déclaration intervient après que la RDC a convoqué l’ambassadeur du Rwanda et accusé son voisin de soutenir le groupe rebelle M23, actif dans sa région orientale.
Selon les Forces de défense rwandaises (RDF), ces deux soldats ont été enlevés lors d’une patrouille et sont détenus dans l’Est de la RDC par des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Cet incident faisait suite à une attaque menée en début de semaine le long de la frontière par les forces congolaises et les rebelles des FDLR, selon l’armée rwandaise.
Les combats entre les forces congolaises et le M23 ont éclaté sur plusieurs fronts cette semaine au Nord-Kivu, une province déchirée par la guerre, frontalière du Rwanda. Kinshasa affirme que le M23 – un principalement parmi la centaine de groupes armés opérant dans l’Est de la RDC – est soutenu par le Rwanda. Kigali a nié toute implication.
Samedi dernier, les autorités congolaises avaient décidé de suspendre les vols de la compagnie Rwand’Air.
La RDC et le Rwanda entretiennent des relations tendues depuis l’arrivée massive dans l’Est congolais des Hutu rwandais accusés d’avoir massacré des Tutsi lors du génocide des Tutsi au Rwanda perpétré en 1994.
Kinshasa a régulièrement accusé le Rwanda de mener des incursions sur son territoire et d’y soutenir des groupes armés. Les relations avaient commencé à se dégeler après l’élection du Président Félix Tshisekedi en 2019, mais la résurgence des attaques du M23 a récemment ravivé les tensions bilatérales.
Hugo Tamusa
A Mme la Présidente du Conseil de Sécurité des Nations Unies à New York
Objet : Agression de la RDC par la République du Rwanda
Madame la Présidente,
Au nom du Gouvernement de la République Démocratique du Congo, je me fais le devoir de porter à votre connaissance que dans la nuit de (M23) défait depuis 2013 et ressuscité avec le soutien de certains pays voisins, a attaqué les positions des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, FARDC, et les troupes de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en RDCongo, MONUSCO dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu.
En réaction à ses attaques dont elles ont été l’objet par le M23, les FARDC et les troupes de la MONUSCO se sont défendues et ont repoussé l’ennemi qui s’est enfui vers la frontière avec la République du Rwanda.
Prétextant que des villages de leur pays auraient été atteints par des bombardements venant du territoire congolais, les autorités rwandaises ont décidé de « répliquer ». Mon collègue, le Ministre rwandais des Affaires Etrangères m’a communiqué officiellement de cette décision le même jour.
Je lui ai demandé de bien vouloir transmettre au Président du Rwanda, Son Excellence Monsieur Paul Kagame, le message du Président de la République Démocratique du Congo, Son Excellence Monsieur le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le priant de renoncer à cette décision et d’attendre leur entretien de la soirée de manière à gérer ensemble cette situation selon le Mécanisme Conjoint de vérification de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs, CIRGL, et autres instruments juridiques pertinents de la sous-région en pareilles circonstances ; ce qui permettrait d’éviter l’escalade qui mettrait en péril les bonnes relations entre leurs pays respectifs et le processus de Nairobi institué ensemble sous le leadership du Président en exercice de la Communauté de l’Afrique de l’Est, Son Excellence Uhuru Kenyatta, Président de la République du Kenya.
En dépit de cet appel pressant du Président de la République Démocratique du Congo à l’apaisement et au respect des procédures convenues pour le règlement pacifique d’éventuels différents entre les deux Etats, les Forces Rwandaises de Défense, RDF, sont passés en action et ont largué plus de 20 obus et bombes, le mardi 24 et ce mercredi 25 mai, sur le territoire congolais à KATALE, non loin de la piste de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), à RUMANGABA.
Le matin de ce mercredi 25 mai, le M23 appuyé par les RDF a attaqué les positions des FARDC dans les localités de Kibumba et de Jomba, à 20 km de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, désormais sous haute tension. Des milliers de femmes, enfants et personnes âgées habitants les localités citées ci-dessous sont ainsi forcés à quitter leurs domiciles pour les combats et s’abriter ailleurs.
Ces actes délibérés des Forces Rwandaises de Défense constituent non seulement des violations graves de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Démocratique du Congo, saisit le Conseil de Sécurité de l’ONU et lui demande d’assumer toutes ses responsabilités statutaires en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale notamment :
- En condamnant, sans équivoque et fermement, les attaques du groupe terroriste M23 contre les FARDC et la République du Rwanda pour le soutien qui lui apporte, la violation de l’intégrité du territoire et de la souveraineté de la République;
- En enjoignant le Gouvernement de la République du Rwanda de retirer sans délai ni condition ses troupes du territoire congolais, de cesser de soutenir directement ou indirectement le M23 et de faciliter la mise en œuvre du processus de Nairobi comme convenu par les Chefs d’Etat de Burundi, de l’Ouganda, de la RDC et du Rwanda sous la médiation du Président en exercice de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le Président Uhuru Kenyatta.
Compte tenu de la gravité de la situation, je vous saurais gré de bien vouloir accorder à la présente le bénéfice de l’urgence et toute l’attention qu’elle requiert.
Tout en vous demandant de bien vouloir faire circuler la présente comme document officiel du Conseil, je vous prie Madame la Présidente du Conseil de Sécurité, d’agréer l’assurance de ma considération très distinguée.
Christophe Lutundula Apala Pen’Apala
Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères
(En mission à Malabo, en Guinée équatoriale)