Les pays d’Afrique australe ont promis de déployer des troupes dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Mais les contours de cette nouvelle force, qui vient se superposer à la force régionale, aux casques bleus de l’ONU et à l’armée congolaise, restent des plus flous.
La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) «a approuvé le déploiement de forces» afin de «soutenir la RDC pour restaurer la paix et la sécurité» annonce le communiqué de l’institution sous-régionale qui s’est réunie, lundi à Windhoek, la capitale namibienne. Des troupes de la SADC vont donc intervenir au Congo pour tenter de rétablir la paix dans une région secouée par les conflits à répétition depuis bientôt 30 ans.
Depuis fin 2021, l’armée congolaise a vu ressurgir la rébellion du M23 dans le Nord-Kivu après 10 ans d’accalmie. Mal formées, mal équipées et rongées par la corruption et un manque patent de discipline, les Forces armées de République démocratique du Congo (RDC) ont échoué à faire reculer les rebelles, qui ont pris le contrôle de nombreuses localités.
Echec de la force régionale est-africaine
Devant l’impuissance de l’armée régulière et des casques bleus de la Monusco, le président Tshisekedi s’est d’abord tourné vers ses voisins de l’East african community (EAC). Un rapprochement qui a fait grincer des dents aussi bien à Kinshasa que dans la sous-région, le Rwanda et l’Ouganda, accusés de soutenir ou d’aider le M23, faisant partie de l’institution. Après plusieurs mois d’un déploiement laborieux des soldats de l’EAC, force est de constater que Kinshasa n’a pas réussi à reprendre la main sur la situation militaire.
Les rebelles ont certes libéré quelques positions, mais ils se tiennent toujours dans la région, prêts à reprendre l’offensive à tout moment devant le refus des autorités congolaises à ouvrir des négociations. Le conflit a été gelé, mais pas résolu.
Des troupes avec un mandat offensif
A Windhoek, la RDC est venue chercher un «plan B» pour venir à bout du M23. Kinshasa a reproché aux troupes de l’EAC de ne pas être offensives contre les rebelles et d’avoir créé de simples «zones tampons» entre l’armée congolaise et la rébellion, empêchant les FARDC de reprendre le contrôles des localités libérées. Félix Tshisekedi a donc obtenu ce qu’il était venu chercher : un déploiement de troupes avec un mandat plus offensif.
Diplomatiquement, c’est donc une victoire pour le président congolais. D’autant que certains membres de la SADC, comme l’Afrique du Sud, avait vu d’un très mauvais œil l’adhésion de la RDC à l’EAC. Malgré les réticences et les méfiances, l’Afrique du Sud et la Namibie, très impliquées dans le dossier, ont fini par faire pencher la balance du côté de Kinshasa.
Une intervention militaire encore floue
Mais le communiqué de la SADC sur l’envoi de troupes en RDC pose davantage de questions qu’il n’importe de réponses. Les soldats d’Afrique australe vont venir se superposer à la présence de la force régionale est-africaine. Les troupes de l’EAC vont-elles devoir partir, comme le souhaite Kinshasa, ou devoir cohabiter avec celles de la SADC? Quid des casques bleus de la Monusco, dont les contingents contiennent déjà des soldats de la SADC dans leurs effectifs ?
Le communiqué annonce une «coordination» de l’ensemble des forces armées dans la région par Kinshasa.
On peut se demander si les FARDC, déjà en grande difficulté sur le terrain militaire et tactique, seront en mesure de proposer une coordination efficace de ces mille-feuilles militaires ? A quelle date arriveront les troupes de la SADC? Combien d’hommes ? Quels seront les pays contributeurs ? Pour combien de temps ? Avec quel financement ? Les interrogations sont nombreuses.
Renouveler la victoire de 2013 contre le M23
Cet empilement de troupes étrangères sur le sol congolais donne le vertige, car pour l’instant, la sur-militarisation de la région n’a donné aucun résultat. En cherchant à tourner le dos à l’East African community, Félix Tshisekedi va maintenant sous-traiter la sécurité de l’Est du Congo à la SADC. Le chef de l’Etat espère que l’expérience réussie de la brigade d’intervention rapide (FIB) qui avait mis fin aux avancées du M23 en 2013, notamment avec des troupes de la SADC, va se renouveler. A Windhoek, la Namibie, réputée proche de Kinshasa, était à la manœuvre pour convaincre les autres pays de soutenir l’envoi de troupes au Congo.
L’Afrique du Sud et l’Angola ont fini par céder, notamment dans l’espoir que les élections se tiennent dans les temps en RDC. Au sein de la SADC, chacun va également vouloir tirer profit de sa participation au contingent qui interviendra au Congo. Comme la Tanzanie, qui vient d’obtenir l’agrément pour qu’une de ses banques opère en RDC. Mais l’heure n’est pas encore aux contre-parties… puisque l’on attend de connaître le calendrier et le mandat précis de la mission de la SADC, qui n’ont pas encore été publiés.
Christophe Rigaud (Afrikarabia)