Contrôle des fonds publics injectés dans le PDL-145 T : ça tire à balles réelles entre l’IGF et le BCECO

Les violons sont loin de s’accorder entre l’Inspection générale des finances et le Bureau central de coordination (BCECO), l’une des agences gouvernementales d’exécution retenue dans la mise en œuvre du Programme de développement à la base de 145 territoires (PDL-145T). A la base, de profondes divergences autour du contrôle des fonds publics mis à la disposition du BCECO dans le cadre du PDL-145T. Dans une lettre adressée, le 16 février 2024 à l’IGF, le directeur général du BCECO s’est opposé à la mission de l’IGF, au regard, a-t-il indiqué, du statut de l’établissement public qu’il dirige. Ce que rejette catégoriquement l’IGF qui dit avoir le droit, selon la loi, de contrôler toutes les structures qui bénéficient des fonds publics, en ce compris, le BCECO.
Depuis lors, c’est le langage des sourds.
Face à l’intransigeance du BCECO qui ferme la porte aux équipes de l’IGF, c’est l’adjoint de Jules Alingete, patron de l’IGF, en l’occurrence Victor Batubenga Pandamadi, qui s’est chargé de remettre le directeur général du BCECO à sa place. Une belle leçon de droit administratif.

Econews

A Monsieur le Directeur Général du Bureau Central de Coordination «BCECO»
Monsieur le Directeur General,

J’accuse réception de votre courrier mieux identifié en marge par lequel vous réagissez à mon ordre de mission n°018/PR/IGF/IG-CS/JAK/BMP/2024 relatif au contrôle de l’exécution du Programme de Développement Local des 145 Territoires «PDL-145 T » sous gestion du BCECO dans les Provinces du Haut-Katanga, Lualaba, Kasaï Central, Kasaï Oriental et Lomami, et vous en remercie.

Je m’étais volontiers gardé d’y réagir, tant il confirme le manque de courtoisie qui, de toute évidence, constitue la signature de vos courriers adressés à l’IGF, et qui n’échappe pas aux Autorités à qui vous en avez réservé copies. Mais pour ne pas abuser de la bonne foi de l’opinion qui risque d’être victime de vos écrits qui lui sont généreusement servis, je me fais le devoir, uniquement pour des raisons pédagogiques, de vous apporter certaines précisions qui vous ont échappé jusqu’à ce jour. Il s’agit de :

1. L’article 8 de l’Ordonnance n°23/003 du 12 janvier 2023 portant création, organisation et fonctionnement du cadre institutionnel de la mise en œuvre et du suivi-évaluation du Programme de Développement Local des 145 Territoires, que vous évoquez sans l’avoir compris, ne fait nullement obstacle à l’exercice, par l’Inspection Générale des Finances, de ses prérogatives découlant de la Loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques «LOFIP» (articles 121 et 122), de l’Ordonnance n° 87/323 du 15 septembre 1987 portant création de l’Inspection Générale des Finances telle que modifiée et complétée à ce jour (articles 2, 2bis et 11) et du Décret n° 13/050 du 6 novembre 2013 portant règlement général sur la comptabilité publique «RGCP» (articles 138 et 139).

En effet, cet article est ainsi libellé : «…Dans le cadre de ses missions visées à l’alinéa précédent et sans préjudice des missions reconnues à d’autres services publics, le CNCP, par les structures existantes qui la constituent, notamment l’Inspection Générale des Finances, est chargé de contrôler l’exécution physique et financière du Programme.»

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…Jean Mabi, directeur général du BCECO, la guerre est ouverte

Ainsi, l’expression «sans préjudice des missions reconnues à d’autres services» qui vous a échappé, laisse aux autres services publics la plénitude de l’exercice de leurs missions malgré la mission de contrôle confiée au CNCP. Ayant donc reçu à la fois du Législateur et de l’Autorité de l’Exécutif, une compétence générale et supérieure en matière de contrôle des finances et biens publics, l’IGF peut diligenter ad nutum et proprio motu, une mission de contrôle du PDL-145 T étant donné qu’il s’agit des finances publiques décaissées pour la construction des édifices publics. Tout comme le CNCP peut lui demander de diligenter un contrôle du PDL-145 T, l’un n’empêchant pas l’autre.

2. Vous voudriez bien noter que ce n’est pas par hasard qu’il y a eu cette incise. En effet, en droit, il n’appartient pas à un reglement (ici l’Ordonnance n° 23/003 susmentionnée), fût-il autonome, de «neutraliser» les compétences d’un service public prévues par la loi (ici la LOFIP), en vertu notamment du principe de la hiérarchisation des textes et de sources de droit.

3. Il est donc on ne peut plus clair qu’une simple lecture de la disposition réglementaire (et non légale comme vous le soutenez faussement) de cet article 8 sus évoqué, suffit pour constater qu’il n’y a ni abus de pouvoir de la part de l’IGF ou de son chef ni encore moins violation d’une quelconque disposition réglementaire. Vos conclusions relèvent donc de votre imagination nourrie par un gros déficit de lecture et de compréhension d’une disposition réglementaire pourtant claire.

4. Enfin, s’agissant de la mission de la Cour des comptes que vous alléguez, tout en notant que vous êtes coutumier de ce fait car c’est la deuxième fois en moins d’une année que vous le faites, je tiens à vous informer que les missions de la Cour des comptes commencent toujours par un ordre de mission qui désigne notamment le magistrat instructeur dont copie est réservée au Ministère public (article 98 de la loi organique n° 18/024 du 13 novembre 2018 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes) et, aux termes de l’article 154 de cette loi organique 18/024, une lettre du Premier Président de la Cour des comptes informe les responsables des services du pouvoir central, de l’ouverture du contrôle. L’alinéa 2 de cet article précise même que la décision de la Cour des comptes de contrôler les organismes publics ou privés,… est communiquée à leurs responsables au moins dix jours à l’avance.

Dans votre cas, vous n’avez produit ni l’ordre de mission ni la lettre d’annonce de la mission, ni encore moins la communication de la décision de contrôle de la Cour des comptes, tous ces documents devant émaner du Premier Président de la Cour des comptes. Pour ce motif, votre allégation n’est donc qu’une fuite en avant, un prétexte fallacieux et une récidive d’une tentative d’obstruction à une mission de contrôle de l’IGF.

Toujours à ce sujet, je vous recommande de lire attentivement le quatrième paragraphe de la lettre n° CAB.PPCC/CC/TKG/371/2023 du 18 juillet 2023 du Premier Président de la Cour des comptes qui, répondant au Gouverneur du Kasaï-Oriental qui opposait aux Inspecteurs des Finances en mission de contrôle de cette Province une mission de la Cour des comptes, a affirmé de façon péremptoire « qu’il n’appartient pas à un responsable d’une entité auditée de se prévaloir de la préséance de la Cour des comptes sur tous les autres organes de contrôle des finances et des biens publics». Il en a conclu que « pareille attitude doit être interprétée et comprise comme une volonté manifeste d’échapper au contrôle er d’éviter, par ce fait-même, de s’acquitter de son devoir sacré de redevabilité en tant qu’agent public. ». Pour votre édification, je joins cette lettre en annexe.

Au regard de tout ce qui précède, je suis convaincu que vous réalisez aisément que tout votre argumentaire, somme toute très laborieux et inélégant, est assis sur un déficit de lecture et de compréhension du texte du PDL-145T ainsi que sur une méconnaissance évidente des textes régissant la Cour des comptes et l’IGF. Il est battu en brèche par les dispositions légales évoquées ci-dessus. C’est pourquoi, l’IGF continuera sans désemparer sa lutte contre les antivaleurs dans la gestion publique et prendra toutes les dispositions légales pour imposer le devoir de redevabilité à tous les gestionnaires et les bénéficiaires des fonds publics, et ce, uniquement pour l’intérêt de la République et de ses populations.

Par ailleurs, je relève à votre attention que, lors de la première vague des missions de contrôle du PDL 145-T, plusieurs irrégularités flagrantes ont été constatées au niveau des ouvrages réalises sous votre supervision.

Pour terminer, je vous exhorte à plus de courtoisie dans vos écrits et tous vos actes comme vous l’exige l’article 19 du Décret-loi n° 017/2002 du 03 octobre 2002 portant code de conduite de l’Agent public de l’Etat.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur General, l’assurance de mes sentiments patriotiques.

Pour l’Inspecteur Général des Finances-Chef de Service, empêché;
Victor BATUBENGA PANDAMADI
Inspecteur Générale des Finances – Chef de Service Adjoint