Porté à la présidence de la chambre haute du Parlement, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge rêve de doter le Sénat d’un nouveau siège. Dans l’opinion publique, ce projet de construction a été accueilli de diverses manières, suscitant une profonde controverse, alors que le pays fait face à de nombreux défis relevant non seulement de la sa survie comme Etat, mais aussi des conditions de vie de son peuple. Sur la toile, deux acteurs politiques, en l’occurrence Noël Tshiani, candidat à la présidentielle de décembre 2023, et Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, principal opposant au régime de Tshisekedi, ont vivement réagi au projet de l’ancien Premier ministre. Certains, à l’instar de Me Charles Kabuya (voir encadré, adhèrent au projet de Sama.
Porté à la présidence de la chambre haute du Parlement, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge nourrit l’ambition de doter le Sénat d’un nouveau siège. Ce projet, annoncé avec enthousiasme par l’ancien Premier ministre, suscite cependant des réactions contrastées au sein de la population congolaise, divisée sur la pertinence d’une telle initiative en période de crise socio-économique.
Le rêve de Jean-Michel Sama Lukonde tombe dans un contexte particulièrement délicat pour la République Démocratique du Congo (RDC). Le pays, confronté à des défis majeurs, tant en matière de sécurité que de développement économique, semble avoir des priorités plus pressantes que la construction d’un nouveau bâtiment parlementaire. Alors que plusieurs régions souffrent de la pauvreté et de l’insécurité, le projet de siège du Sénat est perçu par une partie de l’opinion publique comme un luxe inutile.
REACTIONS EN CHAINE SUR LA TOILE
Sur les réseaux sociaux, deux figures politiques se sont démarquées en critiquant vigoureusement le projet de Sama Lukonde.
Noël Tshiani, candidat à la présidentielle de décembre 2023, n’a pas tardé à exprimer son désaccord, qualifiant cette initiative de « non prioritaire » et appelant à une plus grande responsabilité de la part des dirigeants.
Selon lui, le pays doit se concentrer sur la relance de son économie et l’amélioration des conditions de vie de sa population.
Sur son compte X, Noël Tshiani déroule sa pensé en ces termes : « Faut-il construire un nouveau siège du parlement ? Le Palais du peuple peut être à titre provisoire, mais il convient parfaitement pour servir de siège de l’Assemblée nationale et du Sénat au vu d’autres défis auxquels la RDC est confrontée. Au vu du niveau du budget national, il faut admettre que les institutions de la République consomment trop d’argent qui pouvait être alloué aux projets créateurs d’emplois et de réduction de la pauvreté. L’éducation, la santé, l’eau, l’électricité, la sécurité nationale et la réforme de la justice et de la gouvernance (lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics) semblent être plus prioritaires que la construction d’un nouveau siège du Parlement.
Lorsque l’Etat aura des moyens suffisants (par exemple un budget national de $ 75 milliards par an), il faudra envisager un projet global de relocation des institutions de la République en construisant pas seulement le siège du Parlement, mais tous les ministères de façon à créer un cadre raisonnable de travail pour toute l’administration publique.
En attendant ce moment-là, nos sénateurs et députés nationaux feraient œuvre utile d’utiliser intelligemment le Palais du peuple en nous fabriquant des lois de qualité et en réduisant les dépenses publiques pour donner la chance aux autres priorités d’être financées. C’est ça que j’appellerai une meilleure redistribution des richesses nationales.
Aujourd’hui, une question qui doit être posée est celle de savoir si vraiment la RDC a besoin d’un Parlement à deux chambres. L’Assemblée nationale compte 500 députés nationaux et le Sénat à 108 sénateurs. Pour un pays avec un budget national très faible; ne faut-il pas envisager la suppression pure et simple du Sénat pour rester avec une seule chambre (assemblée nationale) qui jouerait le rôle du Parlement ? De cette façon, les ressources épargnées après la suppression du Sénat seraient investies dans des projets créateurs d’emplois ou de réduction de la pauvreté de la population. J’invite les autorités publiques à mener une telle réflexion pour sortir des sentiers battus.»
Olivier Kamitatu, porte-parole de Moïse Katumbi, principal opposant au régime de Félix Tshisekedi, a également condamné le projet.
«Le décalage entre la souffrance d’un peuple condamné à vivre dans des conditions inhumaines et les préoccupations de ‘confort’ des institutions censées le représenter est tout simplement hallucinant !
Plutôt que d’alourdir la charge publique pour construire les bâtiments du Parlement et maintenir le train de vie des institutions, n’est-il pas impératif d’accélérer la réhabilitation des milliers de kilomètres de routes complètement délaissées ces cinq dernières années, de lutter contre les érosions qui menacent nos villes et de sauver le programme du PDL-145 du désastre ?
Après l’horrible massacre de Makala, est-il vraiment acceptable de ne pas concentrer nos efforts sur la construction de nouvelles prisons, de donner à notre justice les moyens de ses missions, d’améliorer les conditions des militaires sur le terrain et de garantir la prise en charge des blessés de guerre, des veuves et des orphelins ?
Sama Lukonde a décidément fait preuve d’un manque de discernement alarmant.
Il est, en effet, beaucoup plus aisé de récolter des applaudissements pour un projet touchant une centaine de sénateurs que de recevoir des louanges pour la gestion d’un État qui, comme tout ancien Premier ministre le sait, doit prioriser des enjeux cruciaux comme le contrôle de l’inflation, la maîtrise du taux de change, l’amélioration de la gestion des dépenses publiques, l’optimisation des recettes et l’exécution d’un budget d’investissements ambitieux », écrit Olivier Kamitatu sur son compte X.
L’initiative de Sama Lukonde a donc suscité un véritable débat national, mettant en lumière les attentes et les frustrations d’une population qui aspire à un meilleur avenir. Si certains applaudissent, à l’instar de l’analyste politique Charles Kabuya qui adhère au projet de Sama Lukonde d’un Sénat plus moderne et fonctionnel, nombre d’observateurs y voient plutôt une preuve d’irresponsabilité au moment où le pays est confronté à des crises répandues, notamment en matière de gouvernance et de droits humains.
Econews