Maigre moisson pour les pays du Bassin du Congo à la Conférence des Nations Unies pour le climat (COP26) qui se tient à Glasgow. Pour tous les pays de l’Afrique centrale qui partage le Bassin du Congo, avec près de 47% pour la seule République Démocratique du Congo, à peine 1,5 milliards Usd leur ont été alloués dans l’effort de préservation de leur forêt, contrairement à l’Afrique du Sud qui s’en sort avec 8,5 milliards USD pour l’aider à se désengager de l’électricité par le charbon. Un traitement déséquilibré qu’on a du mal à expliquer.
La deuxième journée des travaux de la COP26, essentiellement consacrée au domaine forestier, n’aura pas été de tout repos pour le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Intervenant dans le cadre du panel de haut niveau sur les forêts et l’utilisation des terres organisé par le gouvernement britannique, Félix Tshisekedi s’est livré à un véritable plaidoyer sur la prise en compte des atouts naturels dont regorge son pays dans le processus d’atténuation des émissions des gaz à effets de serre, actuellement au cœur d’un enjeu planétaire.
Le Chef de l’Etat, qui est intervenu sur cette tribune aux côtés du président américain Joe Biden, du Premier ministre britannique, Boris Johnson, ainsi que du président gabonais Ali Bongo, a martelé sur la préservation du bassin du Congo.
Une dizaine de pays et le Fonds Bezos pour la Terre ont, dans la foulée, manifesté leur engagement à l’égard de ce grand massif forestier en annonçant une contribution collective d’au moins 1,5 milliard USD de financement entre 2021 et 2025 visant à maintenir les forêts de cette région, les tourbières ainsi que les autres réserves de carbone, essentielles pour la planète.
Autre temps fort de cette deuxième journée des travaux de la COP26 aura été la signature par le Président Félix Tshisekedi et le Premier ministre Boris Johnson du Royaume-Uni, au nom du Conseil d’administration de l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale (CAFI), d’un engagement ambitieux d’une durée de 10 ans (2021-31) pour la protection de la forêt de la RDC, deuxième plus grande forêt tropicale du monde.
La Comifac se félicite …
La Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac), organisation de convergence propre aux dix pays de la sous-région Afrique centrale, chargée de l’harmonisation des politiques forestières et environnementales et la coordination des actions en matière de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers, s’est félicité de la promesse de financements de 1,5 milliard de dollars pour préserver les écosystèmes forestiers d’Afrique centrale.
La somme de 1,5 milliard de dollars permettra notamment d’appuyer les efforts des pays membres de la Comifac dans tous les domaines de leur action : protéger les écosystèmes, gérer la forêt de manière durable et impulser une croissance verte. La protection des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale conditionne la survie des populations régionales, mais joue aussi un rôle de premier plan dans la lutte contre les changements climatiques au niveau mondial. Cette sous-région est le plus grand puits de carbone au monde et constitue l’une des pièces maîtresses qui permettront de respecter les engagements de l’Accord de Paris afin de conserver un réchauffement global inférieur à 1,5°C.
Président en exercice de la Comifac, M. Jules-Doret Ndongo a déclaré : « Cette promesse de financement sans précédent représente un espoir immense pour les forêts d’Afrique. C’est pourquoi je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à nos partenaires engagés à nos côtés. J’encourage aussi nos gouvernements et nos organisations au niveau local à poursuivre leurs efforts pour prendre le chemin d’un développement vert, protéger la biodiversité, les populations locales et tout particulièrement les femmes et les enfants. Nous, pays africains, devons montrer l’exemple et nous avons plus que jamais besoin de l’engagement de nos partenaires pour concrétiser nos ambitions. Car cet enjeu dépasse largement les frontières de l’Afrique centrale ».
… alors que l’Afrique du Sud se tape 8,5 milliards USD
Si avec tous ces Etats membres (le Burundi, le Cameroun, le Congo/Brazzaville, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République Centrafricaine, la RDC, le Rwanda, Sao Tomé et Principe et le Tchad), la COMIFAC doit se contenter du montant de 1,5 milliards USD sur la période 2021-2025, la seule Afrique du Sud est sortie de la COP 26 avec une enveloppe consistante de 8,5 milliards USD.
Réunis à Glasgow, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, mais aussi la France et l’Allemagne, ont annoncé, le mardi 2 novembre, avoir conclu un accord avec Johannesburg pour soutenir la « transition énergétique juste » de l’Afrique du Sud, très dépendante du charbon.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Union européenne, mais aussi la France et l’Allemagne, apportent 130 milliards de rands (8,5 milliards de dollars) à l’Afrique du Sud pour «accélérer le passage du charbon aux énergies renou-velables», rapportait le Mail & Guardian. Ce partenariat international «pour une transition énergétique juste » est « le premier du genre» qui lie les pays du Nord à un pays du Sud.
«Les pays riches partenaires mobiliseront un montant initial de 8,5 milliards de dollars [7,3 milliards d’euros] dans les trois à cinq ans pour soutenir la transition du pays vers une économie à faible émission de CO2 et une société résiliente au changement climatique », précisait le média de Johannesburg.
C’est un «moment décisif, non seulement pour notre propre transition, mais aussi pour le monde entier», a déclaré le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, après avoir rappelé que son pays venait de s’engager, à la COP26, dans le cadre de sa contribution déterminée au niveau national (CDN), à «réduire ses émissions de CO2 dans une fourchette comprise entre 420 tonnes d’équivalent CO2 et 350 tonnes d’équivalent CO2 d’ici à 2030». Un objectif qu’il juge «compatible avec les objectifs ambitieux de l’accord de Paris et [qui] représente le meilleur effort du pays pour faire face au changement climatique».
La première phase de financement par les pays partenaires prévoit «différents mécanismes, dont des subventions, des prêts à conditions préférentielles, des investissements et des instruments de partage des risques, notamment pour associer le secteur privé», indiquaient les parties prenantes dans un communiqué.
Le président français, Emmanuel Macron, s’est félicité que cet accord « mobilise un soutien très important à l’ambitieux projet de décarbonation de l’Afrique du Sud » et espère qu’il « servira de référence pour d’autres partenariats de ce type à l’avenir ». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné que cette première devait servir de « modèle pour la façon de soutenir une transition juste dans le monde entier », relève le média sud-africain.
Tout pour le Brésil, des miettes pour les africains
Premier poumon du monde avec sa forêt de l’Amazonie, le Brésil devait être le grand bénéficiaire de la manne financière qui se distribue à Glasgow.
En effet, un «premier accord majeur du sommet sur le climat de la COP26 » prévoit d’allouer 16,5 milliards d’euros de fonds publics et privés à la lutte contre la déforestation, jugeait la BBC. Même le Brésil, où des pans entiers de forêt amazonienne ont été abattus, fait partie des signataires de cet accord, confirmait le média britannique.
Les chefs d’État de plus de cent pays, dont la Chine, l’Australie, l’Indonésie et les États-Unis, se sont engagés lundi «à mettre fin à la déforestation d’ici à 2030» dans le cadre de la COP26 à Glasgow, pour «préserver les forêts, qui jouent un rôle vital pour absorber le dioxyde de carbone et ralentir la hausse du réchauffement climatique», écrivait le New York Times. Les gouvernements ont prévu de verser 10,3 milliards d’euros et «les entreprises privées ont promis de verser sept milliards de dollars [6 milliards d’euros] pour protéger et restaurer les forêts de diverses manières, dont 1,7 milliard de dollars [1,47 milliard d’euros] pour les populations autochtones».
L’intérêt des forêts dépasse leur impact carbone. « Elles filtrent l’eau, rafraîchissent le climat et font même pleuvoir, soutenant ainsi l’agriculture par ailleurs. Elles sont essentielles au maintien de la biodiversité, qui connaît sa propre crise avec l’augmentation des taux d’extinction».
Curieusement, sur les milliards que le monde est prêt à engager pour limiter la déforestation, l’Afrique, représentée essentiellement par les pays du Bassin du Congo, ne s’en sortent qu’avec à peine 1,5 milliards à partager entre tous les pays de la Comifac, dont la RDC.
En contrepartie, les pays du Bassin du Congo se sont engagés à «travailler collectivement à arrêter et inverser la déforestation et la dégradation des terres d’ici 2030, tout en assurant un développement durable et en promouvant une transformation rurale inclusive».
Toutefois, il reste encore une grande inconnue, dans la mesure où, révélait le très sérieux Financial Times, «la manière dont l’engagement sera mis en œuvre reste incertaine ». Il s’agit bien d’une «première étape essentielle, même si elle ne précise pas comment les progrès seront évalués et ce qui se passera si les pays ne la mettent pas en œuvre».
Qu’est-ce qui s’est donc passé à Glasgow pour qu’on en arrive là ? Y a-t-il eu un déficit dans la capacité des experts du Bassin du Congo à défendre leur cause, contrairement au Brésil et l’Afrique du Sud qui s’en tirent avec des montants faramineux.
«Pays solution» dans la lutte contre le réchauffement, la RDC ne fait pas non plus exception. Le pays devra se contenter des miettes à partager entre tous les pays membres du Comifac, tout en se soumettant aux durs engagements de se priver de ses forêts, source de subsistance d’une bonne parie de sa population.
Il ne faut pas oublier que près de 100 millions de personnes vivent des ressources du Bassin du Congo, dont une large part demeure sous le seuil de pauvreté avec 1,9 dollar par jour. Ils devront s’en priver au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, en contrepartie des maigres milliards de dollars US qui arriveront d’ailleurs en compte-gouttes.
Faustin K.