Coupures d’électricité et délestages rythment le quotidien des Kinois

Depuis plusieurs mois, si pas années, des pans des quartiers à Kinshasa sont plongés dans l’obscurité. Des coupures d’électricité et délestages se conjuguent au quotidien. Les coupures d’électricité sont monnaie courante. Les ménages sont dans l’impossibilité de conserver dans les congélateurs des produits vivriers périssables. Des actes répréhensibles par la loi sont commis à la faveur de l’obscurité. Les habitants racontent. 

A Kinshasa, une méga lopole de plus de 10 millions d’habitants, l’axe à l’électricité est un grand luxe. Aucune partie de la ville n’est épargnée. Même la commune administrative de la Gombe qui concentre une grande partie des institutions publiques et des entreprises du Portefeuille de l’Etat, n’est plus épargnée. 

Que dire de la SNEL (Société nationale d’électricité), seule entreprise de l’Etat, fournisseur du courant électrique ? Plombé dans de graves difficultés d’exploitation, la SNEL se débrouille tant bien que mal avec les moyens de bord. Avec un réseau de distribution, totalement désarticulé, l’accès à l’électricité dans la ville de Kinshasa est plus que jamais qu’aléatoire. 

Electricité, un jeu de lumière

Dans la commune de Kinshasa, des gens interrogés ne se font plus de soucis sur l’électricité fournie par la Société nationale d’électricité (SNEL). Raison invoquée : lassés par le mauvais service que cette entreprise publique leur rend alors qu’ils paient régulièrement  leurs factures de consommation. 

Ils comparent l’électricité à un jeu de lumière car à tout moment «elle peut venir et partir ». 

Bernadette Kinemo, étudiante finaliste à l’Institut supérieur pédagogique (ISP)/Gombe et résidante de la commune de Kinshasa, a affirmé que compter sur l’électricité dans leur quartier est une erreur qu’il faut se garder de commettre. 

«Je suis obligée de me rendre à l’ISP, même les jours où nous n’avons pas cours, car je peux m’y servir mieux de mon ordinateur. Et le risque d’observer un retard de rédaction de mon TFC s’écarte », souligne-t-elle.

La même situation s’observe sur plusieurs avenues du quartier Djalo, dans cette commune. Gloire Kaziala, un jeune entrepreneur dans la mécanique d’ajustage, ayant ses clients sur son dos, nous a confié que c’est depuis une semaine que les commandes d’un portail, des panneaux ATF et  les avants n’ont pas été honorées faute d’électricité. 

Cet entrepreneur, dont les activités dépendent du courant électrique, a déclaré que les coupures électriques font partie des difficultés qui perturbent ses activités. Pour lui, c’est décourageant de travailler dans ces conditions. 

«Dès qu’il y a coupure d’électricité, je suis obligé d’arrêter mon travail », a-t-il affirmé. Toutefois, par peur de tourner ses pouces et  pour éviter la pression des clients, il déplace ses matériels dont certains sont lourds, parfois sur une longue distance, là où il peut trouver de l’électricité dans l’unique but d’honorer ses engagements.

Sur l’avenue Ngungu, toujours dans la commune de Kinshasa, « Maman Antho » a affirmé que lorsque la coupure électrique y intervient, ses habitants prennent en charge les travaux de  réparation. Car souvent elle est occasionnée par la vétusté des câbles ou le vandalisme des  hors-la-loi.

Chance Tengetenge, résidante sur l’avenue Maluku au quartier Djalo, a soutenu que le courant électrique n’a jamais été stable sur cette avenue et ses environs. 

Selon elle, la SNEL leur fournit de l’électricité trois jours par semaine. «Nous sommes fatigués de vivre dans l’obscurité », s’est plaint un commerçant du quartier Makala car, selon lui, «les gens ne peuvent pas travailler correctement et ne peuvent conserver leurs produits vivriers dans les congélateurs faute d’électricité ».

Ngiri-Ngiri : mauvaise foi des agents de la SNEL ?

Dans la commune de Ngiri-Ngiri, les habitants s’accommodent de vivre sans électricité. Cependant, ils accusent les agents de la SNEL de mauvaise foi à cause de leur refus de stabiliser l’électricité. Certains ont affirmé payer régulièrement leurs factures de consommation sans pour autant bénéficier de ce bienfait de la civilisation. 

«La fourniture d’électricité est irrégulière et la SNEL ne fournit aucun effort pour résoudre ce problème malgré plusieurs plaintes des abonnés de cette entreprise d’Etat », a déploré Rebecca Kalonji, une habitante de Ngiri-Ngiri.

Dans cette commune, certains habitants ont témoigné qu’ils ont rangé leurs appareils électroménagers faute d’électricité. Conséquence, ils dépensent quotidiennement beaucoup d’argent dans l’achat de braises pour faire la cuisine, alors qu’ils possèdent des réchauds. D’autres ont témoigné également dormir tardivement pour attendre le rétablissement du courant électrique, pour leur permettre de repasser les uniformes de leurs enfants et charger leurs téléphones. 

«Voyez le degré de notre souffrance », a lancé Sophie Matuzolana dépitée.

Kinshasa, «capitale des ténèbres »

D’après certains observateurs, le manque d’électricité favorise le banditisme pendant la nuit. «La SNEL doit prendre ses responsabilités en réhabilitant l’électricité dans la commune de Kalamu», a plaidé Blanchard Mutombo, un de ses habitants.

Certains habitants de cette commune qualifient Kinshasa de «capitale des ténèbres » du fait de l’obscurité quasi permanente observée dans certains pans des quartiers dans la ville.

L’étonnant pour eux est que cette situation semble ne pas mouvoir des responsables de l’entreprise publique chargée de fournir du courant électrique dans le pays. 

«On ne peut pas continuer à vivre régulièrement dans l’obscurité parce que Kinshasa est une mégapole et le siège des institutions internationales», s’est plaint Willy Malula, un habitant de Makala qui a déploré les coupures électriques et délestages récurrents sans y apporter une solution durable.

«Les autorités de la SNEL doivent savoir qu’elles sont là pour rendre service à la population et chercher par tous les moyens à améliorer la desserte en électricité dans la ville de Kinshasa », leur a signifié Cédric Longo, un autre résidant de Makala qui a saisi cette occasion pour déplorer la politique de deux poids deux mesures qu’elles appliquent avec les «départs uniques », une pratique consistant à tirer une ligne électrique individuelle à partir de la cabine électrique de la SNEL.

Une partie de Lingwala dans le noir

Dans la commune de Lingwala, les habitants du quartier Singa Mopepe vivent dans l’obscurité depuis le 5 novembre dernier.  A la base, une panne du courant électrique survenue au niveau de la cabine électrique générale. Les avenues concernées sont notamment Lac Moero, Itaga, Luvua, Kato et Muchi Rails. 

«Le manque de courant électrique ne nous permet pas de conserver nos produits vivriers dans nos congélateurs. Aussi sommes-nous contraint souvent de jeter à la poubelle la mort dans l’âme ceux pourris», a déclaré une vendeuse du marché situé sur l’avenue Kato.

Un coiffeur du salon Molière n’a pas manqué de s’exprimer. «L’électricité nous aide dans notre travail, malheureusement elle fait souvent défaut. Une situation qui nous préjudicie alors que nous payons régulièrement nos factures de consommation», s’est-il plant.

Pour sa part, un locataire de l’avenue Lac Moero a déploré le fait que «l’électricité n’est pas stable depuis quelques jours. Et d’ajouter : «La panne est venue empirer la situation. Nous voulons le changement. Nous voulons le suivi de la part des dirigeants de la SNEL pour intervenir à la moindre panne électrique afin d’assurer une desserte en électricité en permanente ».

A Binza Ozone, dans la commune de Ngaliema, où plusieurs quartiers sont confrontés à une obscurité récurrente, des notables interrogés estiment que le gouvernement doit prendre des mesures urgentes pour résoudre ce problème. Car ces quartiers sont en proie à l’insécurité, œuvre des «Kuluna » qui, la nuit venue et à l’aide d’armes planches, commettent des voies de fait sur la population et délestent des objets de valeur tels que des montres-bracelets, téléphones, bijoux … aux passants.

Avec Ben Tshokuta, Déborah Bazego, Rose Masambi, Jossart Kumeso et Dorcas Kayiko (Stagiaires/IFASIC)