Kinshasa applique la règle de «l’ami de mon ennemi est mon ennemi». Dans un contexte de tensions diplomatiques exacerbées entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, Kinshasa a clairement montré ses réserves face à toute proposition émanant d’un acteur perçu comme proche de Kigali. La dernière illustration en date est le rejet ferme de la proposition de médiation formulée par le président turc, Recep Tayyip Erdogan.
Le président Erdogan, lors d’une conférence de presse conjointe avec Paul Kagame à Ankara le 23 janvier 2025, avait exprimé sa volonté d’agir comme intermédiaire dans les tensions persistantes entre Kinshasa et Kigali. Cette initiative intervenait en marge de la visite officielle de Paul Kagame en Turquie, une visite marquée par des déclarations publiques du président turc louant son homologue rwandais.
Cependant, à Kinshasa, ces propos n’ont pas été accueillis favorablement. Les autorités congolaises ont perçu cette proposition comme un geste biaisé et incompatible avec leurs attentes. En réaction, la vice-ministre congolaise des Affaires étrangères, Grâce Yamba Kazadi, a convoqué M. Husun Murat Ulku, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Turquie en RDC, pour demander des explications.
«La RDC n’a sollicité aucune médiation de la Turquie. Nous privilégions des solutions africaines aux problèmes africains», a affirmé Mme Yamba Kazadi, rejetant sans ambiguïté l’offre turque. Elle a également rappelé que Kinshasa soutenait les efforts de médiation pilotés par le président angolais João Lourenço, qui travaille activement à résoudre les conflits dans l’Est de la RDC.
L’attitude de Kinshasa s’inscrit dans une logique politique claire : toute initiative émanant d’un pays entretenant des relations étroites avec le Rwanda est automatiquement regardée avec suspicion. Depuis plusieurs années, les relations entre la RDC et le Rwanda sont tendues, notamment en raison des affrontements récurrents dans l’Est congolais impliquant des groupes armés présumés soutenus par Kigali.
La visite officielle de Paul Kagame en Turquie et les éloges du président Erdogan à son égard n’ont fait qu’alimenter la méfiance de Kinshasa. En rejetant la médiation turque, la RDC souhaite éviter toute ingérence perçue comme partiale et préférerait voir le conflit résolu par des leaders africains connaissant mieux les dynamiques régionales.
PREFERENCE POUR UNE SOLUTION AFRICAINE
Depuis le début des tensions entre Kinshasa et Kigali, plusieurs tentatives de médiation ont été entreprises par des pays africains. João Lourenço, président de l’Angola, joue un rôle de premier plan dans ces efforts. Sa médiation est perçue par Kinshasa comme une approche plus équilibrée et plus proche des réalités du terrain.
Ce choix de privilégier une solution africaine est également une manière pour la RDC de renforcer son autonomie et de promouvoir une vision africaine des conflits du continent. En rejetant l’offre turque, Kinshasa envoie un message clair : la stabilisation de l’Est de la RDC et la résolution des tensions avec le Rwanda doivent passer par des voies qui respectent les priorités et les perspectives africaines.
UN EQUILIBRE DIPLOMATIQUE FRAGILE
Le rejet de la médiation turque souligne également les difficultés pour Kinshasa de naviguer dans un paysage diplomatique complexe où les alliances internationales jouent un rôle crucial. Alors que la RDC cherche à mobiliser un soutien international contre les exactions commises par les groupes armés dans l’Est du pays, elle doit également composer avec les sensibilités régionales et les implications géopolitiques des amitiés de ses voisins.
En attendant, Kinshasa reste fermement attachée à ses principes et privilégie des partenaires perçus comme impartiaux dans leurs relations avec Kigali. Cette posture, bien que risquée, illustre la volonté de la RDC de défendre ses intérêts nationaux face à des enjeux internationaux et régionaux complexes.
Econews
