De lourdes peines aux assaillants du 19 mai : Bruxelles pas d’accord, Kinshasa relativise

Le verdict dans l’affaire du «coup d’Etat manqué» du 19 mai 2024 est tombé, vendredi 13 septembre. La Cour militaire de garnison de Kinshasa a prononcé une cinquantaine de condamnations dont 37 peines capitales contre les complices de Christian Malanga tué lors de l’attaque du Palais de la nation. Parmi eux, des étrangers des différentes nationalités. Des Canadiens, Britanniques et Américains étaient face à la justice militaire pour terrorisme, association de malfaiteurs et attentat. Si la plupart des capitales se montrent discrètes après le prononcé du verdict, il n’en est pas le cas de la Belgique. Sa cheffe de la diplomatie Hadja Lahbib  a clairement exprimé la désapprobation de son gouvernement farouchement opposé à la peine de mort. Mais le compte rendu de l’échange par la ministre congolaise des Affaires étrangères est pour le moins déconcertant. A «l’opposition énergique» de la Belgique, Thérèse Kayikwamba Wagner relève un «échange constructif ».  

Parmi les trente-sept condamnés à mort dans l’affaire dite du «coup d’Etat manqué» du 19 mai figure Jean-Jacques Wondo, sujet belge et présenté comme un expert des questions militaires et de sécurité. C’est à ce titre qu’il avait été recruté par Daniel Lusadusu, ancien administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Jean-Jacques Wondo n’est pas le seul  »étranger » parmi les condamnés à la peine capitale d’origine congolaise à détenir les nationalités britanniques, canadienne ou américaines.

LA COLERE DE BRUXELLES

A l’inverse de Londres, Ottawa ou de Washington, Bruxelles a été la première à monter au créneau en apportant ouvertement son appui à son ressortissant. L’échange entre les ministres des Affaires étrangères congolaise et belge, abondamment partagé sur les réseaux sociaux, fera date et constitue une excellente  leçon en matière de langue de bois ou mieux, de l’art consommé de tourner le public en bourrique.

La ministre belge Hadja Lahbib ne s’embarrasse pas de tournures  diplomatiques alambiquées. Elle écrit : «Entretien avec mon homologue @RDCongo MAE pour exprimer ma vive inquiétude suite au jugement à l’encontre de M. Wondo. J’ai insisté sur l’opposition absolue de la Belgique à la peine de mort. Le droit à la défense doit toujours être respecté».

A cette position sans ambigüité, Thérèse Kayikwamba Wagner oppose en deux lignes un modèle de communication fumeuse destinée au mieux à occulter la colère des autorités belges avec lesquelles les relations sont « au beau fixe » et au pire, à démontrer aux yeux de l’opinion nationale la détermination de Kinshasa à entretenir coûte que coûte une atmosphère d’entente cordiale avec la capitale de l’Europe.

Thérèse Kayikwamba écrit à son tour sur son compte X : «Echange constructif avec mon homologue @hadjalahbib sur des développements récents et questions d’intérêt commun».

Comme on peut le constater, la ministre congolaise ne fait aucune allusion à la condamnation de Jean-Jacques Wondo pourtant au cœur de l’échange avec son homologue belge.

Il est rappelé que Jean-Jacques Wondo était accusé d’avoir prêté son véhicule à Christian Malanga et d’avoir effacé les messages échangés avec le chef de la conspiration. Il lui était également reproché un discours qu’il avait prononcé au Canada en 2017 sur les différents scénarios en vue du renversement du pouvoir de Félix Tshisekedi.

Dans le cas de l’expert belgo-congolais, il est vraisemblable qu’il soit extradé pour purger sa peine dans son pays comme les autres condamnés dans son cas. Des pressions sont exercées en toute confidentialité sur le gouvernement congolais contrairement à la saute d’humeur de la cheffe de la diplomatie belge.

Dès l’annonce du jugement par ailleurs, le porte-parole du département d’Etat Matthiew Miller a assuré que l’ambassade des Etats-Unis en RDC, présente tout au long du procès, continuera à suivre la situation et un possible pourvoi en appel. Il faisait sans doute allusion aux trois Américains condamnés à la peine de mort : Benjamin Reuben Zalman-Polun, Marcel Malanga et Tyler Thomson.

UNE MESURE DISSUASIVE  

Le rétablissement de la peine de mort en mars 2024, mettant fin au moratoire décrété en 2003 est destiné à   «débarrasser l’armée des traîtres et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’homme».

Depuis juillet, plus de 130 condamnations ont été prononcées contre des soldats dans l’Est du pays pour trahison, fuite devant l’ennemi, violation des consignes ou dissipation des munitions. Mais à ce jour, aucune de ces condamnations n’a abouti à une exécution.

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