Débat sur la Constitution : réviser ou changer ?

Face à l’UDPS qui maintient son projet de révision (ou de changement) de la Constitution lancé le 23 octobre à Kisangani par le chef de l’Etat, se dressent de plus en plus des forces politiques et sociales qui entendent barrer la route à une démarche à peine voilée destinée, selon ses détracteurs, à maintenir au pouvoir Félix Tshisekedi au-delà de 2028, année marquant la fin de son second et dernier mandat. Autant les rédacteurs de la Constitution protestent contre l’affirmation selon laquelle le texte aurait été rédigé à l’étranger par des étrangers, de même des constitutionnalistes indépendants tentent d’attirer l’attention sur les dangers d’un changement de la Constitution qui ne se justifierait pas hors une situation exceptionnelle. Un coup d’Etat constitutionnel aux conséquences incalculables.

Le débat sur la révision ou le changement de la Constitution né de la déclaration du président de la République le 23 octobre à Kisangani est en passe de prendre des proportions dangereuses.

Une tournure radicale aggravée encore par une nouvelle sortie hasardeuse du truculent Secrétaire général de l’UDPS. «Si le peuple décide que Félix Tshisekedi reste à la tête du pays, PERSONNE ne va s’y opposer», martelait le 31 octobre Augustin Kabuya.

Un ton mpérien qui rappelle le «olinga, olinga te, ekozala bongo» (que vous le veuillez ou non, il en sera ainsi !) du Parti-Etat se souvient le penseur Omer Nsongo die Lema.

Sous la menace à peine voilée, et considérant que Kabuya ne répète que docilement que ce que lui commande Félix Tshisekedi, l’UDPS cache mal son embarras à produire le moindre article de la Constitution qui justifierait au mieux une révision et au pire, un changement de la loi fondamentale du 18 février 2006.

RISQUE D’UN COUP D’ÉTAT CONSTITUTIONNEL

Faute d’une ligne de pensée claire et cohérente, le parti présidentiel a opté d’aligner des vagues de «communicateurs» recrutés vaille que vaille parmi des hordes de spécialistes de la manipulation. Des miliciens des réseaux sociaux se recrutant parmi des professeurs d’université, des «hommes de Dieu», des activistes des droits de l’homme, des syndicalistes, des animateurs de mouvements citoyens de circonstance…

A l’opinion qui rétorque que la Constitution en question n’est pas la cause des embouteillages monstres, de la criminalité urbaine, des arriérés des salaires cumulés  dans la quasi-totalité des couches professionnelles, la hausse vertigineuse des prix des produits de première nécessité sur fond d’une érosion continue de la devise nationale, des inondations dans la capitale ou la lutte contre les érosions, les phalanges de l’UDPS opposent son fond de commerce devenu un classique : tout cela est de la faute à Paul Kagamé ; et ceux qui tiennent ce langage sont ses agents infiltrés qu’il faut combattre sans pitié !

«Toute constitution est révisable», maintient Me Laurent Onyemba (Avocat et professeur de Droit public à l’Université de Kinshasa). «En revanche, un changement de la constitution ne peut intervenir qu’en cas de circonstances exceptionnelles telles qu’un coup d’Etat ou une révolution ».

Pour la simple raison que l’actuelle loi fondamentale qu’il juge l’une des meilleures en Afrique avait été adoptée par le peuple au terme d’un référendum.

«En plus, il est aberrant d’interroger le peuple deux fois sur la même matière». Procéder autrement n’est rien moins qu’un coup d’Etat constitutionnel estime Me Onyemba.

Selon Me Hervé Diakiese, porte-parole d’Ensemble pour la République, la manipulation de l’UDPS atteint des sommets quand, se basant sur l’article 217 relatif à l’adhésion du pays aux traités et organisations sous-régionales et régionales, le parti présidentiel insinue que la disposition stipulant que les Etats s’engagent à abandonner une partie de leur souveraineté est un cheval de Troie introduit dans la Constitution par le Rwanda.

UDPS : FONCER OU SE DÉDIRE

Des observateurs objectifs rappellent que c’est sur cette même Constitution «rédigée à l’étranger par des étrangers» et jugée «inadaptée à nos réalités actuelles» que feu Etienne Tshisekedi, père de l’actuel président avait prêté serment lors de son auto-investiture en 2011 et que ce dernier a répété le même exercice à deux reprises (2019-2024).

Devant cette réalité intangible, l’UDPS développe des stratégies tendant à trouver une voie qui lui évite de se dédire. Et la recette est toute trouvée : il s’agit de tirer à boulets rouges sur les adversaires politiques.

En ligne de mire bien évidemment, la Résistance silencieuse de l’ancien prés ide nt Joseph Kabila e t Moïse Katumbi porté par une Opposition parlementaire qui ne s’embarrasse pas de donner de la voix malgré une présence congrue dans les deux chambres du Parlement.

Quant à l’Opposition extraparlementaire affichée par Martin Fayulu et Adolphe Muzito, elle observe des positions ambivalentes, au moment où Corneille Nangaa et son Opposition armée continue à corser la conclusion de pourparlers de paix de Luanda qu’elle fait mine d’ignorer au prétexte qu’elle n’est pas concernée tant que Kinshasa n’aura pas accédé à sa demande de négociations directes.

UN RISQUE ASSUMÉ

Un autre caillou dans le soulier de l’UDPS est la position affiche par les rédacteurs congolais de la Constitution. A leur tour, les profs. Esambo, et autres Augustin Mampuya, Célestin Kabuya et Wetshokonda sont montés au créneau dénonçant les mensonges de l’UDPS en réaffirmant que la Constitution avait été rédigée à Simi-Simi (Kisangani) par une commission sénatoriale assistée d’experts, dont le Belgo-congolais Bob Kabamba.

A leur tour, ils n’hésitent pas à prendre d’assaut les médias accessibles s’exposant au risque d’être à leur tour taxés d’agents rwandais. Ils sont conscients qu’il s’est installé au pays une nouvelle et étrange culture qui consiste, à la moindre critique même sur les détournements massifs des deniers publics à être assimilés aux complices du M23 et du Rwanda.

ECONEWS