Alors que le Dr Mukwege ne s’est jamais ouvertement présenté à la présidentielle congolaise, ses partisans n’ont pas présenté suffisamment de candidats en vue des élections générales qui se tiendront le 20 décembre. Ils dénoncent une «manœuvre politique». Il reste quelques jours avant la clôture du dépôt des candidatures pour les élections de fin d’année.
A mesure que se rapprochent les échéances, le climat se tend en République démocratique du Congo (RDC) : d’ici le 1er septembre, la Cour constitutionnelle fera connaître les noms des candidats autorisés à se présenter au scrutin présidentiel qui, le 20 décembre prochain, sera couplé aux élections générales.
A ce stade de la course, le plus célèbre des candidats présumés qui auraient été «recalés» est le prix Nobel de la paix et médecin Denis Mukwege. Le regroupement intitulé Alliance des Congolais pour la refondation de la nation (ACRN), qui entendait proposer sa candidature, n’aurait pas atteint le quota exigé des 290 candidats pour les 484 sièges en jeu, soit 60 %, le «seuil de recevabilité».
Roger Puati, président du regroupement des amis du Dr Mukwege, dénonce une «manœuvre politique» et assure que son mouvement a déposé 449 candidatures.
«La Cour constitutionnelle dispose d’encore 8 jours, d’ici le 1er septembre, pour examiner la validité de ces dernières et, dans l’hypothèse où cent candidatures seraient rejetées, il en resterait encore 350, donc nous serions bien au-dessus du seuil fixé à 290».
Albert Moleka, conseiller politique du Prix Nobel de la paix, ne dit pas autre chose : «On attend la suite, car c’est entre le 9 septembre et le 8 octobre que seront ouverts les bureaux de la Commission électorale indépendante chargés de réceptionner et de traiter toutes les candidatures à l’élection présidentielle». Autrement dit, rien n’est joué.
Katumbi, Muzito et Matata dans l’arène
A noter cependant que le prix Nobel de la paix ne s’est jamais jeté clairement dans la bataille, préférant appeler ses partisans à s’organiser d’abord et à faire appel à lui ensuite. En réalité, de nombreux amis du médecin, refusant de faire confiance au pouvoir en place, auraient préféré voir le prix Nobel prendre la tête d’une «transition» de plusieurs mois, accompagnée d’un «dialogue» – la formule favorite des Congolais –, précédant des élections réellement démocratiques et inclusives.
Si l’Union sacrée de la nation (majoritaire au Parlement) et le parti de Félix Tshisekedi, l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), répètent à l’envi que les élections générales auront lieu dans les délais impartis, d’autres formations politiques ont déjà dépassé le «seuil de recevabilité» et pris place dans la course.
Ainsi, le parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République, arrive en tête avec 549 candidats ; l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito présente 301 candidats ; et un autre ancien Premier ministre Matata Ponyo peut compter sur 383 candidats. L’indépendant Delly Sesanga, à la tête de la formation ENVOL, a lui aussi passé le cap de la «recevabilité» avec 333 candidats.
Quant à Martin Fayulu, qui s’était toujours considéré comme le vainqueur des dernières élections, il s’est retiré. Cette course à l’élection présidentielle est cependant théorique car le scrutin présidentiel de décembre se jouant en un seul tour, le président sortant détient un avantage presque mathématique.
Pas de coalition de l’opposition
En réalité, seule une coalition des principales forces d’opposition autour d’un candidat unique pourrait, théoriquement, changer la donne, mais on en est loin : 66 structures politiques ont été provisoirement retenues. Cet émiettement n’empêche pas un durcissement «préventif» qui vise particulièrement Moïse Katumbi, resté très populaire. Son porte-parole Simon Kalonda est toujours en état d’arrestation.
Et l’assassinat du député Cherubin Okende, voici 45 jours, n’a pas été élucidé et son corps n’a pas été restitué à sa famille. «Il faut que l’enquête suive son cours», répète au Soir Christophe M’Boso, le président de la Chambre, de passage à Bruxelles, soulignant qu’il a été fait appel à deux experts, belge et sud-africain, ainsi qu’aux services de la Monusco (Mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo). Aucune information n’a encore été livrée alors que ce crime non élucidé plombe lourdement le climat de la campagne.
Christophe M’Boso relève cependant un élément d’apaisement : «La loi Tshiani n’a pas été votée». Ce projet de loi, très controversé, projetait de réserver le droit de se présenter aux seuls candidats pouvant prouver qu’ils sont «de père et de mère» congolais.
Compter sur d’autres forces
Outre les candidatures au scrutin présidentiel, la pondération des forces en présence retient également l’attention : c’est l’AFDC (Alliance des forces démocratiques du Congo) créé par le président du Sénat, Modeste Bahati, qui apparaît comme le premier parti ayant présenté 2.600 candidats, suivi par le MLC (Mouvement de libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba, puis Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, et en quatrième positionl’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le parti du Président Tshisekedi.
A quatre mois du scrutin, «les chiffres ne disent pas tout», conclut le politologue JokOga. «La légitimité n’est pas que juridique. Il faut aussi compter avec d’autres forces, comme la CENCO (les évêques catholiques) ou l’ECC (les Eglises protestantes) et s’assurer de la loyauté de l’armée…».
A ce sujet, Christophe M’Boso assure qu’à l’Est du pays, toujours occupé par les rebelles du M23, l’état de siège pourrait être levé d’ici les élections, et le pouvoir rendu aux civils.
Avec Belga