Entre Kinshasa et Kigali, les rapports ne sont certes pas tendus, mais on sent de plus en plus une distance entre les deux capitales. Apparemment, Kinshasa et Kigali ne parleraient plus le même langage. On se rappelle que, dernièrement à Oyo, à Brazzaville, le président rwandais Paul Kagame a été le grand absent d’une tripartite autour de Denis Sassou Nguesso. Tout récemment au sommet du Mécanisme régional de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, Paul Kagame a boycotté la rencontre de Kinshasa. C’est tout dit. Samedi à l’ouverture de la conférence diplomatique de Kinshasa, le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, a taclé subtilement Paul Kagame. Sans le citer, Félix Tshisekedi a rappelé qu’«il est irréaliste et improductif, voire suicidaire pour un pays de notre sous-Région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits ou des tensions avec ses voisins ».
Entre Kinshasa et Kigali, il y a une certaine froideur.
On sent de plus en plus une certaine réticence de part et d’autre. Et depuis Kigali, le président Paul Kagame du Rwanda ne s’en cache pas. On se rappelle encore de sa menace quand il promettait, dans une rencontre avec ses ministres, de mener la guerre bien au-delà de son pays, chaque fois que l’impératif de sécurité l’exigera.
En réalité, Paul Kagame n’a jamais apprécié sa mise à l’écart dans les opérations militaires «conjointes et concertées » menées entre la République Démocratique du Congo et l’Ouganda. Il s’inquiète de sa marginalisation dans la sous-région, particulièrement dans le travail de pacification de la partie Est de la RDC.
C’est donc sans surprise qu’on ne l’a pas vu à Oyo (Congo/Brazzaville) dans la quadripartite convoquée par le président Denis Sassou Nguesso. Tout récemment à Kinshasa, Paul Kagame a encore brillé par son absence au sommet du Mécanisme régionale de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
En réalité, Paul Kagame s’est rendu compte qu’il perd de plus en plus le contrôle de Kinshasa. Fini le grand amour entre lui et Félix Tshisekedi, tel qu’on l’a vécu au lendemain de la passation de pouvoir entre le Chef de l’Etat et son prédécesseur, joseph Kabila.
A Kinshasa, Paul Kagame n’est plus cet allié incontournable. Bien au contraire. Dans la sous-région, Félix Tshisekedi a trouvé mieux de s’ouvrir à Kampala qu’à Kigali. Et dans la capitale rwandaise, la position clairement affichée a fait mal, très mal.
Tshisekedi sort ses griffes
Kigali cherche sûrement à rattraper le retard perdu par rapport à Kampala. Comment ? Félix Tshisekedi n’est pas non plus naïf. Samedi à l’ouverture de la Conférence diplomatique de Kinshasa, il pressent un mauvais coup de Kigali.
Il a, dès lors, prévenu : «Ni la République Démocratique du Congo ni ses voisins ne redessineront au grand jamais la carte du monde, ce qui, par conséquent, nous condamne à vivre ensemble pour l’éternité. Pour la petite histoire, il est tout de même incompréhensible que ceux qui de l’autre rive de la Méditerranée et d’outre-Atlantique ne s’appellent jamais frères, soient plus solidaires entre eux que nous autres, africains, qui aimons nous appeler affectueusement frères ». Avant d’envoyer un message à ses voisins de la sous-région : « C’est pourquoi, je suis profondément convaincu qu’il est un devoir sacré de chaque État de notre Sous-Région d’éviter tout acte générateur de tensions et de conflits avec les autres ou, à tout le moins, d’en minimiser le risque ».
Quand Kigali s’agite, jusqu’à brandir la menace d’exporter la guerre au-delà de ses frontières, au nom de sécurité, Félix Tshisekedi prévient : « En tout cas, il est irréaliste et improductif, voire suicidaire pour un pays de notre Sous-Région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits ou des tensions avec ses voisins ».
Cependant, il ne ferme pas la porte à une coopération mutuellement avantageuse. «En ce qui concerne notre pays, je m’emploie, sans naïveté ni faiblesse et avec beaucoup de lucidité, depuis mon arrivée à la tête de cette république, à restaurer la confiance dans les relations avec nos voisins ainsi qu’à développer une coopération multisectorielle bénéfique à nos peuples respectifs par la conclusion des accords bilatéraux et multilatéraux, la réalisation des projets d’intérêt commun et les concertations régulières entre nos gouvernements ».
Sûrement qu’à Kigali, le message de Félix Tshisekedi n’est pas passé inaperçu.
Francis M.