Le dialogue initié par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) suscite de vives interrogations sur son impact réel dans la crise que traverse la République Démocratique du Congo (RDC). Dans un contexte marqué par l’occupation militaire d’une partie du territoire national par les forces rwandaises et leurs alliés du M23, ce dialogue semble, pour certains, être une diversion plutôt qu’une solution concrète. Bref, un pari risqué entre réconciliation et réalités géopolitiques.
QUI VA GAGNER, KAGAME OU TSHISEKEDI ?
Comme un disque enrayé ayant tourné des millions des fois, voici remonte sur le rail le dialogue, l’autre mot qu’adorent les politiques congolais, car celui-ci est le prénom d’un autre substantif, à savoir le partage du pouvoir. C’est l’autre nom de la démocratie congolaise, qui fonctionne sur la contestation systématique de tout, le refus de la perception républicaine de la réalité et l’attente du moment de la dégradation du climat politique pour faire venir l’astuce infaillible, du dialogue. Tous veulent du dialogue, cependant Chacun y donne un contenu qui correspond à leur charge virale politique.
Face à la menace d’une véritable balkanisation à cause de l’agression rwandaise, le Président Félix Tshisekedi a lancé un appel à l’unité nationale, à une mobilisation de toutes les forces vives de la nation en vue de faire face à cette guerre qui augmente chaque jour le nombre de morts. Comme une forme d’union sacrée il a demandé que tous puisent dans leur amour de la patrie pour donner un appui aux efforts de reconquête. C’est cela qu’il a en tout cas dit lors de son dernier message à la nation, le 29 janvier 2025, au lendemain de la prise de la ville de Goma par l’armée rwandaise et ses supplétifs, les terroristes du M23. Une prise, non sans conséquence, car les humanitaires et les services gouvernementaux ont dénombré 3.000 morts, et de nombreuses victimes des viols perpétrés par l’armée d’occupation. Mais voilà que la Cenco y voit un rôle de médiateur comme s’il lui était demandé d’organiser un dialogue, à l’instar de celui de 2016 qui devait gérer à l’époque la fin du mandat de Joseph Kabila, alors chef de l’Etat, pour une période de transition de deux ans avant les élections de 2018. Ce fut un moment de la mise en place d’un consensus calendaire, qui était précédé des répressions sanglantes innommables.
Aujourd’hui les opposants entendent dans cet appel un moyen d’obtenir une décri-spation du climat politique qu’ils estiment être construit sur l’oppression car le régime et non le pouvoir est aujourd’hui exercé sans respect des normes. C’est pour eux, prétendent-ils, une occasion d’apporter leur contribution dans la gouvernance. Car, selon eux, le rôle constitutionnel de l’opposition n’est plus possible. Ils doivent avoir accès aux rênes du pouvoir pour préserver ce qui est encore possible.
La question que la population se pose est de savoir si ce dialogue que la CENCO se prédispose à organiser va aussi toucher le pouvoir de Kigali ? Car ce sont des militaires rwandais qui sont présents à Goma, à Bukavu et ailleurs. Maintenant qu’elle a rencontré le président du Rwanda qui est le véritable patron du M23 et de l’AFC de Corneille Nangaa, quelle force aurait-elle pour imposer une paix au Rwanda qui a un autre agenda ?
Rappelons que cet agenda n’a qu’une seule motivation, à savoir la désintégration de la République Démocratique du Congo, dont l’objectif est irréversiblement; la poursuite du pillage systématique des ressources naturelles de la RDC et la politique du remplacement des peuples. En se proposant comme médiateur, la CENCO accepte ipso facto la balkanisation du pays car elle n’est pas sans ignorer la demande d’autonomisation que réclame le M23.
DES ZONES D’OMBRE
Comment les prêtres peuvent avoir l’audace de simplifier une question aussi grave qui a déjà été couverte d’une dimension militaire aiguë ? La CENCO est-elle au courant que derrière le Rwanda il y a des puissances occidentales dont l’agenda est dévoilé chaque jour dans les différents parlements? Même si Tshisekedi, Fayulu, Katumbi et d’autres redevenaient copains cela empêcherait-il la machine de rapine internationale de tourner ?
On peut réaliser à la veille de cette rencontre que la dimension géostratégique du dossier échappe aux évêques dont la bonne foi ne suffit pas pour résoudre la grande contradiction, la principale qui oppose aujourd’hui la RD Congo au Rwanda. Dans le cas d’une crise, voire d’une guerre, il ne doit pas y avoir de contestation de leadership car une armée divisée comme un pays divisé ne peut faire face à l’adversité. Il y en a qui pensent que le moment est venu pour punir le Président de la République, Félix Tshisekedi, pour des raisons qui leur sont propres, oubliant que ces apocalypses qui nous fragilisent aujourd’hui, résultent d’une planification extérieure contre le développement, l’unité nationale et l’intégrité territoriale de la RDC, portée par Monsieur Paul Kagame qui est la tête de pont de l’occident.
A l’instar de Chiang Kaï-chek, cet homme politique chinois qui, lors de l’invasion japonaise en Chine, avait abandonné son opposition et son adversité à Mao Tsé-toung en s’alliant à celui-ci sans se cramponner à la querelle des responsabilités dans le seul but de faire échec à la menace de conquête des territoires portée par sa puissante voisine la République japonaise. Le résultat de ce véritable front commun patriotique était la victoire de la Chine sur le Japon.
Nous savons ce que représente la Chine aujourd’hui sur la scène internationale. La République Démocratique du Congo a toujours été à la conjonction des intérêts mondiaux, son salut ne viendra que dans l’unité de son peuple. Son élite, qui doit reprendre à la masse ce qu’elle exprime avec confusion afin de le lui restituer en termes de vision claire, a le devoir sacré de construire sa communauté de destin dans le diapason de l’appel à la grandeur de la RDC.
Occulter avec atermoiements, cette mission de la vocation de la nation congolaise, donnerait raison à ceux qui pensent que nous ne méritons pas ce pays, et qu’il faut nous le dézinguer. La fin de cette guerre d’agression ne repose pas essentiellement sur un quelconque dialogue dont les recettes sont connues, le choix des animateurs, la reconsidération de notre politique extérieure et la prise de conscience nationale, sont là les potentiels facteurs névralgiques à la construction d’un Etat congolais fort, susceptible de mettre fin au statut d’un peuple faible et inorganisé à qui on doit rappeler que ce sont les hommes qui fabriquent les frontières…
(*) Le titre et les intertitres sont de la rédaction
Henry Mutombo Mikenyi
Ecrivain, chercheur en fiscalité et en Géostratégie