Malgré le rappel à l’ordre de son chef de regroupement, le Ministre d’Etat Constant Mutamba, le sénateur Jean-Claude Baende s’est lancé dans la course au poste de rapporteur adjoint du bureau définitif du Sénat, un poste repris dans le quota de l’opposition politique. Toute honte bue, l’ancien gouverneur du Grand Equateur a curieusement revêtu les habits d’opposant, reniant son appartenance à son regroupement politique, désormais membre de l’Union sacrée de la nation, qui aligne Constant Mutamba dans le Gouvernement Suminwa. Ce samedi 10 août, les sénateurs ont l’occasion de faire un choix judicieux en barrant la route à un usurpateur. Au nom de la raison et de l’unité, le poste de rapporteur adjoint revient à Salomon Idi Kalonda, dit SK Della.
La chambre haute du Parlement élit ce samedi 10 août son bureau définitif. L’enjeu est crucial. Sept membres élus devront donc prendre les rênes du Sénat durant les cinq prochaines années.
C’est dire que ce samedi, tous les projecteurs seront braqués sur les sages du Parlement de la République. A l’Union sacrée de la nation, la majorité au pouvoir, six postes ont été mis en compétition, à savoir le président, les 1er et 2ème vice-présidents, le questeur et questeur adjoint ainsi que le rapporteur. Seul le poste de rapporteur adjoint a été réservé dans le quota de l’opposition, essentiellement porté au Sénat par le parti politique Ensemble pour la République de Moïse Katumbi Chapwe.
Salomon Kalonda, l’unique candidature crédible
Pour éviter toute amalgame, l’opposition siégeant au Sénat a fait le choix de Salomon Idi Kalonda, dit SK Della, au poste de rapporteur adjoint. C’était cependant sans compter avec la versatilité d’un politicien atypique – comme la RDC en connaît d’ailleurs – pour brouiller les cartes.
Ainsi, à la surprise générale, Jean-Claude Baende, membre dde Dypro, regroupement politique de Constant Mutamba, désormais membre de la coalition au pouvoir, de se lancer dans la course à ce poste de rapporteur adjoint.
Comme le ridicule n’a jamais tué en RDC, Jean-Claude Baende se réclame aussi opposant. Par quelle magie ? Il est le seul à en avoir le secret.
Samedi de tous les enjeux
Toujours est-il qu’après quatre mois de suspense, le Sénat va finalement se doter d’un bureau définitif ce samedi 10 août au terme d’une élection qui s’annonce disputée à tous les niveaux, avec au moins deux (2) candidats par poste, tout le contraire de l’Assemblée nationale. Sur les starting-blocks se dressent 19 candidats pour les 7 strapontins dont 2 pour le poste de rapporteur adjoint, le seul réservé à l’Opposition. En course, Salomon Kalonda d’Ensemble pour la République et Jean-Claude Baende. Cette deuxième candidature froisse cependant les bonnes consciences alors que l’ancien gouverneur de l’Equateur n’est pas connu comme membre de l’Opposition. En plusieurs points, Salomon Kalonda parait comme la seule carte estampillée «opposition» pour crédibiliser le bureau du Sénat à l’instar de celui de l’Assemblée nationale.
Mardi 6 août, le Président Félix Tshisekedi a jeté le pavé en citant trois opposants : Joseph Kabila, Katumbi et Fayulu. Snobant pratiquement Baende dans les rangs des opposants, le Chef de l’État a indiqué qu’un seul opposant est dans les institutions : Katumbi avec son parti politique, Ensemble pour la République, première et seule force politique de l’Opposition à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Malgré l’aveu du Chef de l’Etat, le parti de Katumbi a dû batailler pour gagner le seul poste réservé à l’Opposition à la Chambre basse du parlement. Au final, les députés nationaux ont rendu justice en élisant Mme Dominique Munongo au détriment de Mutamba sur qui pesaient des soupçons d’accointance avec le régime.
Entre Salomon SK Della et Jean-Claude Baende, il n’y a pas lieu de soumettre les deux à un test pour connaître leur appartenance politique. A ce titre, Jean-Claude Baende devait avoir honte de s’afficher comme opposant.
Qu’importe ! Ce samedi, le dernier mot reviendra aux sénateurs pour confondre l’imposteur de Mbandaka.
«Jean-Claude Baende n’est pas de la vraie opposition», a alerté un analyste politique, rappelant que Salomon Kalonda a l’étoffe pour siéger au bureau du Sénat. «Seule la présence de Salomon Kalonda, issu d’Ensemble pour la République, principal parti d’opposition, crédibilise le bureau du Sénat», note-t-il.
Bien parti pour être la voix de l’Opposition au bureau du Sénat, Salomon Kalonda, issu de la principale formation politique de l’Opposition congolaise, est adulé dans son parti. Plébiscité pour le poste par ses pairs, «SK Della» est présenté dans son entourage comme un «homme effacé mais très efficace».
Originaire du Maniema, il aura surtout été de tous les combats aux côtés de Moïse Katumbi, son mentor. Conseiller spécial et bras droit du chef de file de l’Opposition politique en RD-Congo, le sénateur Kalonda présente également l’avantage de «l’équilibre» politique. Une candidature qui pourrait nourrir la «vitalité de la démocratie», voulue par Félix Tshisekedi.
De plus, Kalonda s’est littéralement défait de l’ombre de Katumbi ces dernières années, passant d’un simple collaborateur de Katumbi à un vrai leader national, tout en restant loyal à son mentor. Il a surtout gagné en épaisseur politique et compte à ce jour parmi les rares politiques à se faire accepter loin de ses bases naturelles, au point d’obtenir le suffrage des élus provinciaux du Haut-Katanga qui l’ont porté sénateur, en dépit de ses origines du Maniema.
C’est depuis 2018 qu’il a commencé véritablement son ascension sur la sphère politique en se hissant parmi les meilleurs partis d’opposition au terme des législatives avec le Parti national pour la démocratie et le développement -PND. Cette formation politique a dépuis été englouti dans Ensemble pour la République mais son leader, Salomon Kalonda, n’a plus jamais perdu du terrain, en dépit des circonstances douloureuses, notamment son incarcération durant plusieurs mois à la Prison militaire de Ndolo. S’il a réussi à se faire élire, en décembre 2023, député provincial à Kindu avec un joli score sans battre campagne, Kalonda aura manqué à Katumbi lors de la campagne électorale pour la présidentielle.
Affranchi des poursuites fantaisistes qui lui collaient à la peau, pour lesquelles, d’ailleurs, il a toujours clamé son innocence, le «Spécial » de Katumbi est bien placé pour guider les sages du Parlement depuis son bureau.
Son entourage le présente comme « conciliant et fédérateur » pour «faire avancer les dossiers quand les avis divergents ». C’est dire qu’au Sénat, ce fidèle de Katumbi – qui n’a jamais renié sa proximité avec son mentor – est un choix de l’unité qui pourrait permettre d’«encourager les opposants à mener un combat constructif dans les institutions et pas ailleurs».
Avancer dans le bon sens
Pour plusieurs personnes, voir celui qui était encore il y a tout juste deux mois derrière les barreaux de la justice militaire siéger au bureau du Sénat, sera donc un signal fort pour la jeune démocratie RD-congolaise. Une manière de prouver cette «vitalité de la démocratie», prônée par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi.
La majorité au pouvoir l’a bien compris. Ce qui a fait dire à l’un de ses cadres : «Face à Baende, il n’y a pas match. Si on veut voir un Opposant au bureau, c’est Kalonda. En dehors de lui, c’est de l’imposture ».
Aussi, compte-t-il sur « la conscience et de la maturité politique» pour faire respecter cette logique. Et de souligner : «Les Sénateurs sont des personnes sages, ils savent qui est de l’Opposition et qui ne l’est pas. Il ne faudrait pas qu’on tombe dans le piège d’un bureau sans véritable opposition. Ce serait un suicide pour notre démocratie».
En son temps, doit-on rappeler, Modeste Bahati, ancien président de cette chambre législative, avait appelé à «faire gagner la démocratie» en accordant un siège du bureau à l’Opposition pour «la beauté de la démocratie» et la «crédibilité collective» de l’institution.
Ce samedi, les sénateurs ne devraient pas se départir de cette voie de la sagesse. Salomon Idi Kalonda au poste de rapporteur adjoint du Sénat sera un signal fort dans la consolidation de la démocratie congolaise.
Econews