A moins de deux ans des élections générales de décembre 2023, la Céni (Commission électorale nationale indépendante) commence à montrer des signes de fébrilité. Pour l’instant, son président, Denis Kadima, présenté comme très proche du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, prend de plus en plus ses distances avec le pouvoir en place à Kinshasa. Dans les chancelleries occidentales, on s’en félicite. Pour preuve, l’ECC (Eglise du Christ au Congo) et la Cénco (Conférence épiscopale nationale du Congo), les deux grandes confessions religieuses, qui se sont farouchement opposés à son choix, ont atténué leurs critiques vis-à-vis de Denis Kadima. Quant au risque de glissement, Denis Kadima exclut encore cette hypothèse. Tout dépend, dit-i, de la promptitude du Gouvernement à mettre la Céni dans les meilleures conditions de travail en disponibilisant à temps son budget opérationnel. Le président de la Céni s’est déjà fixé un deadline, juin 2022, une échéance au-delà de laquelle le glissement sera inévitable si des fonds nécessaires n’atterrissent pas dans les comptes de la Céni. Jouer au Ponce Pilate, Denis sait le faire. Il prépare déjà l’opinion. Ainsi, si glissement il y aura, la faute revient au régime de l’UDPS.
Dans un langage qui ne laisse planer de doute, Denis Kadima, président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), pointe de doigt le Gouvernement de la République, particulièrement le ministre des Finances, de ne pas libérer des moyens financiers pour l’organisation des élections en 2023.
Lors de la présentation de la feuille de route du processus électoral jusqu’en 2027, le président de la Céni n’a pas fait dans la manipulation. Il a fait preuve de transparence. En le faisant, Denis Kadima expose la coalition gouvernementale et parlementaire de l’Union sacrée de la nation. S’il y a retard dans la production des lois, ce n’est pas la faute de l’opposition ou de la Société civile comme les églises Catholique et Protestante. Les responsables sont connus : les ministres sectoriels et les élus de l’Union sacrée qui n’auraient pas rempli correctement leurs missions respectives.
De la même manière, si les fonds ne sont pas versés régulièrement, c’est de la responsabilité du Gouvernement, fustige le président de la Céni. D’ailleurs, les Commissions justice et paix de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cénco) et de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) invitent carrément le président Félix Tshisekedi à s’investir pour que des fonds soient remis à la Céni pour mettre en marche le processus électoral 2023. Ne pas le faire équivaudrait à conclure que le Chef de l’Etat serait habité par l’idée d’opérer un glissement du calendrier électoral.
Denis Kadima est plus que clair : le gouvernement ne libère des fonds. Il l’a dit à haute voix sur les ondes de la radio Top Congo Fm. Pour être proche de la réalité, le président de la Céni a indiqué à haute et intelligible voix que faute de moyens financiers, la Céni n’est pas en mesure d’entamer le préalable des préalables, c’est-à-dire l’état des lieux, n’a pas débuté. Dans son viseur, le ministre des Finances et le Gouvernement qui tardent à jouer leur partition.
Tous les Congolais savent désormais que s’il n’y a pas élection à l’échéance constitutionnelle, le responsable est connu et clairement désigné : le Gouvernement et le Parlement de l’Union sacrée. Or, cette coalition gouvernementale a comme chef direct le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Juin 2022 : la ligne rouge
Faut-il déjà parler d’un glissement du cycle électoral en ce mois de février ? Pas du tout, note Denis Kadima, qui refuse de prendre cette responsabilité sans se référer au préalable à l’Assemblée plénière de la Céni.
A la question de la radio Top Congo Fm: « Quand allez-vous nous dire que la Céni n’est pas en mesure d’organiser les élections en 2023 ? » Dénis Kadima répond : « Jusqu’au mois de juin, si les choses n’évoluent pas, je vous dirai quoi. En tout cas, si jusqu’au mois de juin, les fonds ne sont pas mis à la disposition de la Céni, la Céni en tirera toutes les conséquences ».
Pour le président de la Céni, la Centrale électorale sera alors confrontée à deux situations : soit le Gouvernement accepte de débloquer des fonds plus que prévus dans le budget initial des opérations de la Céni, soit on accepte de faire glisser le cycle électoral. Dans tous les cas, Denis Kadima ne veut pas porter le chapeau d’un quelconque glissement. Aussi, appelle-t-il le Gouvernement à faire diligence pour donner à la Céni les moyens d’accélérer ses opérations.
Denis Kadima, volte-face ?
Donné pour être un pro-Tshisekedi qui lui dicterait les règles à suivre et le comportement à tenir, Denis Kadima forge à petits pas son indépendance. Dans les chancelleries occidentales, il commence à glaner des points. Et non des moindres.
En dénonçant publiquement les insuffisances du Gouvernement et du régime UDPS, Denis Kadima apporte la preuve de son indépendance. A suivre ce technicien des questions électorales, on est en droit de lui accorder le bénéfice du doute.
D’ores et déjà, la Cénco et l’ECC ont mis de l’eau dans leur vin en lui tendant la main pour une éventuelle collaboration. C’est le moment de mettre à l’épreuve le président de la Céni. C’est aussi le moment pour ces deux confessions religieuses de s’engager sur l’essentie, à savoir, garantir des résultats électoraux sortis effectivement des urnes afin de permettre au gagnant d’exercer le pouvoir lui remis par le peuple par voie des urnes.
Denis Kadima a donné des signes d’ouverture et d’indépendance, il faut, non seulement l’encourager, mais aussi l’accompagner dans son engagement.
Pour qui connaît le parcours de Denis Kadima, il est difficile qu’il sacrifie sa crédibilité à l’international à l’autel des sentiments bassement tribaux ou politiques.
Des élections en 2023, ce sera compliqué, prévient la Ceni
Présentant la feuille de route de la commission électorale qu’il dirige, Denis Kadima a énuméré une série de contraintes – sécuritaires, financières et politiques – qui pourraient ouvrir la voie à un glissement. Au grand dam de l’opposition.
C’était sa première prise de parole publique depuis son entrée en fonction, en octobre dernier. Jeudi 3 février, devant un parterre de journalistes et de diplomates, Denis Kadima, le nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), a présenté sa feuille de route pour la période 2021-2027. Il a affiché sa volonté de respecter les délais constitutionnels pour l’organisation des prochains scrutins, mais la liste des difficultés qu’il a énumérées n’est guère rassurante.
Retards et incertitudes
Ladite feuille de route prévoit plusieurs grandes séquences. Entre janvier 2022 et juillet 2023 auront lieu les opérations de cartographie des sites d’identification et d’enrôlement des électeurs. Ensuite, à partir de juillet 2023 et pendant un mois, la Ceni réceptionnera les candidatures pour les scrutins directs (la présidentielle et les législatives). Les élections en elles-mêmes seront organisées entre septembre 2023 et décembre 2023. Viendront ensuite les scrutins indirects (élections des sénateurs et des gouverneurs) puis, dans le jargon de la Céni, les activités de pérennisation du processus électoral, entre mars 2024 et mars 2027.
Voilà pour la théorie. Mais tout cela s’annonce très compliqué, a aussitôt ajouté Denis Kadima. « Il faut noter que cette feuille de route ne peut se matérialiser que si un certain nombre de contraintes sont surmontées, a-t-il insisté, précisant que la Céni [avait] fait un certain nombre d’analyses sans complaisance des risques qui pourraient affecter négativement la mise en œuvre de cette feuille de route ».
Les contraintes, a-t-il expliqué, sont d’abord politiques et sécuritaires. Et de citer « le retard de l’appui des institutions de l’État dans l’accompagnement de la Ceni» et « l’insécurité dans certaines zones du territoire national qui peut bloquer le déploiement du matériel, du personnel et les collectes de données ». Il a poursuivi en faisant état de fortes contraintes financières. « La non-reconnaissance de l’autonomie financière de la Ceni entache son indépendance. Il y a aussi l’incertitude quant au décaissement de fonds par le gouvernement. L’éventuel non-respect des engagements par les partenaires qui souscrivent pourrait avoir une incidence [sur le processus électoral] ».
Et le fait que des voix s’élèvent dans l’opposition pour demander le retour à une présidentielle à deux tours pourrait aussi avoir un impact sur le chronogramme, prévient le président de la Ceni. « Il y a aussi des contraintes d’ordre légal et l’incertitude sur les grandes options politiques à lever dans le cadre des réformes électorales. Si on optait pour un deuxième tour à l’élection présidentielle, cela aurait une incidence même sur le budget des opérations. Même le vote ou non des Congolais de l’étranger, […] tout cela aura une incidence ».
Nouveau glissement ?
Autre difficulté que voit se profiler Denis Kadima : le fait que le Gouvernement souhaite coupler un vaste recensement de la population au processus d’enrôlement des électeurs. «C’est de nature à retarder le processus électoral, déjà soumis aux contraintes constitutionnelles», prévient-il. Sans oublier les difficultés liées à la pandémie de Covid-19, laquelle pourrait retarder les commandes et générer des contraintes logistiques.
Autrement dit, les difficultés s’annoncent nombreuses et l’opposition a immédiatement réagi en disant voir dans cette sortie de Denis Kadima la preuve que le président Félix Tshisekedi n’avait pas l’intention d’organiser les élections dans les délais, et ce, en dépit des engagements pris. «Cette feuille de route ouvre la voie, non pas au glissement, mais à l’incertitude, Cela prépare [l’opinion] à l’impossibilité d’aller aux élections en décembre 2023, conformément à ce que prévoit la Constitution», affirmait un proche de l’opposant Martin Fayulu contacté par Jeune Afrique.
Tiré de Jeune Afrique