Les deux chambres du Parlement (Sénat et Assemblée nationale) prennent leurs vacances dans trois jours (le 15 juin). A la rentrée parlementaire de septembre prochain, les échéances électorales du 20 décembre ne seront plus éloignées que de deux mois et demi. Autant dire qu’elle se déroulera – la rentrée – au plus fort de la campagne électorale, un exercice qui, du reste, ne s’est jamais arrêté, ayant été enclenché dès le second jour de la prise de fonction de Félix Tshisekedi en janvier 2019. La session parlementaire qui s’achève n’aura certainement pas été des plus glorieuses. Elle laissera même un souvenir amer dans l’opinion par le comportement dictatorial du bureau de l’Assemblée nationale et une production législative rachitique et empreinte de désinvolture. Dans un contexte de scepticismes généralisé, le Parlement, censé jouer son rôle de rassembleur, a péché sur toute la ligne. Temple de la démocratie, le Parlement a choisi son camp, laissant le processus électoral vaqué dans des eaux agitées. Sans plus d’assurance.
L’adoption, à la hussarde, de la loi sur la répartition des sièges aux législatives, fortement décriée par l’opposition qui avait boudé les débats, est un signe qui ne trompe pas : l’Assemblée nationale ne reculera plus devant aucun passage en force. Au fur et à mesure qu’approchent les échéances électorales de décembre 2023, l’institution législative durcit de plus en plus le ton. Le discours dans la salle des congrès du Palais du Peuple s’apparente étrangement, à chaque plénière, à des incantations de parti unique.
La voix de l’opposition (ou des oppositions) est systématiquement étouffée, quand ses ténors ne sont pas accusés de composer avec les «assaillants» de tous bords.
Les deux Chambres, présidées par des membres du présidium de l’Union sacrée de la Nation, au mépris de la loi, ont amorcé avant l’heure le processus de la réélection du Chef de l’Etat actuel en vue d’un second mandat. Ni les arrestations qui se multiplient, ni les perquisitions menées jusque dans les résidences privées de personnalités, non inculpées formellement, n’émeuvent pas les députés de la « majorité » qui semblent se réjouir des dérives qui rappellent des pratiques pas si éloignées dans le temps.
Bref, les deux chambres brillent par leur inactivité, laissant pourrir la situation. A l’Assemblée nationale, son président, Christo phe Mboso, qui répète à qui veut l’entendre que «tout n’est pas du théâtre», a choisi le forcing pour accompagner la CENI de Denis Kadima aux élections générales du 20 décembre 2023.
Et lorsque certains, particulièrement des formations de l’Opposition, ou encore des partenaires extérieurs, l’appellent à prendre en compte les avis et suggestions de toutes les parties prenantes pour un processus électoral crédible et transparent, Christophe Mboso en fait fi. Sa logique est bien simple : le chien aboie, la caravane passe. Autrement dit, les élections à tout prix, quelle qu’en soit la forme.
La chambre haute du Parlement, plutôt silencieuse, acquise à l’option levée à l’Assemblée nationale, sans jamais changer de cap. Bref, tous balisent la voie à la CENI pour des élections – dans les conditions les plus minimales – en décembre prochain.
Autant dire que le Parlement est essoufflé. Ce que la CENI veut, les deux chambres du Parlement l’exécutent – sans broncher d’ailleurs.
DES SIGNES D’ESSOUFFLEMENT
Mis à part la prorogation régulière depuis deux ans de l’état de siège dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri, l’Assemblée nationale a montré au cours de la session qui s’achève des signes d’essoufflement. Les «élus» Christo semblent avoir perdu toute imagination créatrice. En témoignent la réception par le bureau de projets de lois à la limite du farfelu.
Telle cette proposition qui fixerait le plafond de la dot exigible du fiancé à 500 dollars américains, ou encore, ce projet de loi punissant d’une peine de prison tout consommateur de viande de chien.
Cette dernière initiative ayant même entraîné une manifestation de protestation devant les grilles du Palais du Peuple.
Quant à la proposition controversée de la loi dite «Tshiani », excluant de la fonction présidentielle tout candidat qui ne serait pas né «de père et de mère congolais, et qui viserait à écarter de la course à la présidentielle Moïse Katumbi, le leader d’Ensemble pour la République, elle est gardée bien au chaud dans les tiroirs, dans l’attente d’une chute de la pression affichée par les «partenaires extérieurs» qui en ont ouvertement dénoncé le caractère discriminatoire. Mais au regard de l’unanimité qui règne dans une Assemblée nationale où la voix de l’opposition est exclue, il ne fait l’ombre d’aucun doute que cette loi sera adoptée quel que soit le format de la démarche suivie.
UNE CROIX SUR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
Faisant bloc derrière le Chef de l’Etat et transmués à l’unisson en agents de campagne électorale, l’Assemblée nationale et le gouvernement ne font plus qu’un. A telle enseigne que le contrôle parlementaire de l’Exécutif est de moins en moins à l’ordre du jour.
Ainsi, l’équipe de Sama II vogue paisiblement, en dépit des remous sociaux sans fin observés dans les services étatiques. Préavis de grèves et arrêts de travail font partie du quotidien, sans que les ministres de tutelle concernés ne s’expliquent devant la «représentation nationale».
Pourtant au sein de l’Assemblée nationale, quoique formant désormais un bloc monolithique, il ne manque pas des esprits lucides capables de discerner le bien-fondé des appels au consensus des membres de l’opposition.
Mais dans un climat de peur généralisée, leur sécurité personnelle finit par primer sur les intérêts supérieurs de la Nation.
Quitte à hypothéquer leurs chances à emporter les suffrages d’un électorat désillusionné.
Dans les deux chambres du Parlement, la session de mars se termine dans recommandations pertinentes se rapportent aux élections de décembre prochain ou à l’insécurité permanente dans la partie Est.
Visiblement, sénateurs et députés nationaux n’ont plus le cœur à l’ouvrage. Leur priorité est ailleurs, sans doute comment se faire relire aux prochaines élections.
Econews