Du Nord-Kivu au Haut-Katanga en passant par le Mai-Ndombe, le pouvoir de Félix Tshisekedi peine à rassurer.
C’est depuis quatre mois que la cité de Bunagana, dans le Nord-Kivu, sur la frontière ougandaise, est entre les mains des hommes du M23. Quatre mois que les accusations pleuvent contre le Rwanda pour son soutien présumé à ces rebelles, que les manifestations et les journées villes mortes se succèdent dans la province pour réclamer la fin de cette occupation sans que le pouvoir congolais ne paraisse en mesure de modifier la donne sur le terrain.
«Plus le temps passe, plus il sera difficile de déloger le M23 autrement que par la négociation, ce qui s’apparentera à une forme de capitulation des autorités congolaises, remarque un diplomate occidental, qui insiste : Il ne faut pas perdre de vue que le M23 gère vraiment ce point de passage qui est un des plus rentables, si pas le plus rentable, de la RDC. Les échanges commerciaux ont repris et le M23 perçoit les droits de douane, ce qui signifie que l’argent coule dans les caisses des rebelles. Avec cet argent, ils peuvent acheter des armes et former de nouvelles recrues »
De l’autre côté du pays, dans la province du Mai-Ndombe, les affrontements entre Teke et Yaka semblent s’être apaisés. Les autorités militaires affirment avoir repris le contrôle de la situation. «Mais plus de 20.000 déplacés vivent toujours dans des conditions précaires dans les provinces du Kwilu et du Kwango», explique un membre de la société civile du territoire de Bagata. Tous les interlocuteurs de la région insistent sur le travail du cardinal Ambongo, «qui est venu écouter les deux communautés et a entamé un vrai travail de réconciliation» alors «qu’on attend toujours la venue des responsables politiques de Kinshasa. Nous ne sommes qu’à quelques heures de la capitale, mais ils sont invisibles », explique un responsable teke.
Lubumbashi prête à s’enflammer
Depuis le mardi 11 octobre 2022, c’est la province du Haut-Katanga qui est traversée par de fortes tensions. En cause, une vidéo des Jeunes de l’UDPS, le parti du président Félix Tshisekedi. Un message dans lequel ils lancent un appel à la mobilisation pour une grande manifestation à Lubumbashi ce vendredi 14 octobre. Objectif : exiger le retrait du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi de la plateforme politique de l’Union sacrée de la nation qui soutient au Parlement le pouvoir de Félix Tshisekedi. Ces jeunes de l’UDPS reprochent notamment à l’ancien gouverneur et à ses lieutenants de «manquer de respect au président de la République».
Il n’a fallu que quelques heures pour que les jeunes d’Ensemble pour la République appellent à leur tour à la mobilisation générale pour le même jour. Dans la foulée, la Jeunesse du Grand Katanga a aussi battu le rappel de « toute la jeunesse », dépassant le combat politique pour porter le conflit sur le terrain, toujours sensible, du tribalisme et du conflit entre les communautés katangaise et kasaïenne.
«Katumbi est considéré comme le leader des Katangais, tandis que Tshisekedi, malgré sa ceinture présidentielle, est encore perçu, ici, à Lubumbashi et dans toutes les provinces issues du Grand Katanga, comme le chef de file des Kasaïens», explique un avocat du barreau de Lubumbashi.
«Le risque d’un embrasement est réel, ajoute un homme politique de la province voisine du Maniema. Ce qu’écrivent les Jeunes du Grand Katanga est représentatif d’un sentiment de colère qui ne cesse de monter du Lualaba au Haut-Katanga, en passant par le Haut-Lomani ou le Tanganyika, face à ce qu’ils considèrent comme une mise sous l’éteignoir de leurs principaux représentants par le pouvoir de Félix Tshisekedi ». L’arrestation du général Philémon Yav, le 20 septembre, «suspecté d’intelligence avec l’ennemi », n’est pour eux que la dernière «provocation» du régime en place à Kinshasa.
Dans ce contexte, l’interdiction par les autorités locales de toutes les manifestations ce vendredi était la seule solution pour éviter une déflagration dans cette région cruciale pour l’économie nationale. «En espérant que cette interdiction soit bien respectée», poursuit l’homme de loi, qui table sur «un face-à-face Tshisekedi – Katumbi lors de la présidentielle de 2023. Le président peut prétendre qu’il est serein dans la perspective de ce duel. Les tractations à l’Assemblée nationale contre les élus et les ministres de Katumbi montrent une nervosité certaine ».
Avec La Libre Belgique/Afrique