L’actualité des deux dernières semaines aura été riche dans le secteur minier congolais. Entre le groupe Chemaf qui avait annoncé la vente de ses projets miniers au Chinois Norin Mining et l’opposition de la Gécamines à cette transaction, sur fond de pression américaine révélée par le Financial Times, la RDC est visiblement le terrain où les Etats-Unis ont décidé de s’opposer aux intérêts miniers chinois.
Quand on voit les efforts déployés par Washington pour accéder à des mines en RDC – au point de considérer la levée des sanctions contre l’israélien Dan Gerlter – c’est vous dire combien Washington est déterminé non seulement à contenir mais aussi à bloquer la progression des intérêts miniers chinois en RDC. Et ça n’aura pas été la première fois, nous avons encore en esprit les épisodes de la Sicomines et TFM.
Si elle ne sait peut être pas revenir elle-même directement, par manque de capacités minières propres et financières, elle tient tout de même à faciliter la tâche pour les pays amis. C’est ce qui explique notamment son implication dans le dossier du trader Mercuria et du Kazakh ERG en RDC.
En tout cas, personne, moi le premier, ne saurait reprocher aux Etats-Unis de ne pas essayer. Elle se déploie autant qu’elle peut pour atteindre ses objectifs en RDC. Elle a compris que Lobito c’est beau, mais ça ne reste qu’un projet logistique et ça ne suffira jamais à développer une chaine d’approvisionnement en cuivre et en cobalt tant qu’il n’y a pas un accès direct à la production minière.
Dans la transaction de Chemaf, selon le Financial Times, elle aurait pressé – différentes sources contactées au sein de la Gecamines ont suggéré le contraire – la Gecamines à s’opposer au chinois Norin.
Norin qui n’est rien d’autre que la filiale du fabricant d’armes chinois Norinco avec qui le gouvernement congolais échange sur un large éventail de projets sécuritaire et miniers – projets miniers de Comika et Lamikal dans le Lualaba.
Cette opposition de la Gecamines, bien que légitime, semble contredire le feu vert que le gouvernement congolais aurait donné à Chemaf. Une chose est sûr ni la Gécamines ni Chemaf n’aurait agi sans avoir la bénédiction des décideurs congolais. Et ces contradictions autour de ce dossier sont symptomatiques des oppositions au sein de l’appareil politique congolais autour du président congolais Felix Tshisekedi. On avait vu des contradictions similaires apparaitre sur les dossiers de TFM et de Sicomines.
Et c’est conscient de ces réalités congolaises que Washington joue ses carte en RDC. Son déploiement se fait aussi dans un contexte où les autorités congolaises attendent beaucoup des Etats-Unis dans le conflit qui oppose la RDC au Rwanda à travers le mouvement rebelle M23 dans l’est du Pays. Kinshasa attend des actions concrètes, des sanctions contre le régime de Kigali.
À défaut de ne pas sanctionner Kigali, elle ne cesse de condamner l’implication rwandaise dans cette crise dans l’est de la RDC et prendre fait et cause pour la RDC, au grand dam de Kigali.
Des condamnations qui ne laissent certainement pas le régime de Tshisekedi insensible. Il ne sera donc pas surprenant de voir dans les jours qui viennent le gouvernement congolais accorder des avantages à des entreprises minières soutenues et adoubées par Washington. Il s’agira aussi pour Felix Tshisekedi de démontrer une certaine bonne foi à l’égard de Washington. Après tout, n’oublions pas qu’en 2019, en avalisant les résultats frauduleux des élections en RDC, les Etats-Unis pariaient sur un Felix Tshisekedi qui serait bien moins chinois que ne l’était son prédécesseur Joseph Kabila. Et durant les premières années de son mandat, il l’a laissé penser…jusqu’à la guerre avec le M23.
C’est dans ce contexte général que s’inscrit les actions de Washington dans le secteur minier congolais.
Mais avec des prix bas du cobalt au plus bas- prix contrôlé par la Chine – aux moyens politiques, Washington devra associer des moyens financiers – pour accompagner les entreprises privées occidentales qui sont frileuses à investir alors que les prix sont si bas – sans lesquels toute sa stratégie n’aura quasiment aucune chance d’aboutir.
Avec le contrôle qu’elle exerce sur ses entreprises publiques et privées et la réserve des minerais qu’elle possède, la Chine peut se permettre de faire le dos rond assez longtemps pour décourager l’entrée de nouveaux compétiteurs. Washington s’en est très vite rendue compte avec l’échec des discussions entre Mercuria et ERG qui ne se sont pas mis d’accord sur la valeur des projets de ERG.
Avec projetafriquechine.com