Entre Jean-Pierre Bemba et l’Eglise catholique, c’est le combat de cage

La scène politique congolaise, déjà bien agitée, s’offre un nouvel épisode digne d’un feuilleton dramatique : l’affrontement ouvert entre Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de Libération du Congo (MLC), et l’Église catholique du Congo. La joute verbale s’est intensifiée après que Bemba, lors d’une intervention sur radio Top Congo FM, a vivement critiqué les «hommes en robe». En réponse, les évêques catholiques, ont riposté via leur porte-parole, avec une vigueur inhabituelle, exigeant des comptes au vice-premier ministre en charge des Transports.

Ce face-à-face n’est pas seulement une querelle de mots. Il reflète des tensions plus profondes entre la sphère politique et une Église influente qui, depuis des décennies, joue un rôle d’arbitre et de gardienne morale en République Démocratique du Congo. En s’attaquant à l’institution catholique, Bemba semble vouloir redessiner les lignes du pouvoir dans un pays où l’Église dispose d’une autorité sociale qui rivalise souvent avec celle des dirigeants politiques.

L’Église catholique du Congo ne se limite pas à ses fonctions religieuses. Par ses prises de position, notamment lors des crises électorales et des dérives autoritaires, elle s’est imposée comme un acteur incontournable. Les évêques ont souvent dénoncé la corruption, l’injustice sociale et les abus de pouvoir, s’attirant l’admiration de nombreux citoyens, mais aussi l’hostilité de certains leaders politiques.

Jean-Pierre Bemba, figure politique controversée, n’échappe pas à cette réalité. Sa sortie médiatique contre les «politiciens de robe» pourrait être perçue comme une tentative de contenir cette force critique, qui menace de fragiliser sa posture sur l’échiquier politique. Cependant, cette stratégie comporte des risques : attaquer l’Église, c’est s’aliéner une partie importante de l’opinion publique congolaise, encore fortement ancrée dans la foi catholique.

L’attaque de Bemba et la riposte des évêques révèlent aussi un conflit de valeurs. Si l’Église prône des principes de justice, de transparence et de service au peuple, Bemba, en tant qu’acteur politique, doit naviguer dans un univers où les compromis et les rivalités sont monnaie courante. Le grand déballage exigé par les évêques pourrait bien faire émerger des vérités embarrassantes, mais il soulève une question fondamentale : cette confrontation profitera-t-elle au peuple congolais ou ne fera-t-elle qu’exacerber les divisions ?

Dans un contexte national déjà fragilisé par des défis économiques, sécuritaires et sociaux, ce bras de fer est un luxe que la République Démocratique du Congo ne peut pas se permettre. Plus que jamais, il est urgent que les leaders politiques et religieux trouvent une voie de dialogue. Une collaboration constructive entre ces deux sphères pourrait non seulement apaiser les tensions, mais aussi offrir des solutions concrètes aux problèmes qui rongent la nation.

Au-delà des égos et des querelles de pouvoir, il reste à espérer que Jean-Pierre Bemba et l’Église catholique sauront placer l’intérêt supérieur du peuple congolais au cœur de leurs préoccupations. Car, à l’heure du grand déballage, ce n’est pas la réputation des uns ou des autres qui compte, mais bien l’avenir d’un pays en quête de stabilité et de justice.

Ci-dessous, la cinglante réplique de la CENCO, lue par Mgr Donatien Nshole.

Econews

Mise au point du Secrétariat général de la CENCO sur les propos du VPM Jean-Pierre Bemba à l’endroit de l’Eglise Catholique en RDC

Le Secrétariat général de la CENCO a suivi avec stupéfaction les propos ahurissants, discourtois et menaçants, d’un ton martial, du VPM Jean-Pierre BEMBA à l’endroit de l’Eglise Catholique, dans son interview à la Radio Top Congo, ce mardi 4 décembre 2024. Sans nous en cacher, ces propos belliqueux et truffés de contrevérités, nous ont paru peu honorables pour un homme d’Etat de son rang. Nous trouvons particulièrement indécent de parler de «politiciens en robes».

Pour rappel, parlant de l’Eglise catholique, le ministre des Transports et Voies de Communication a commencé par affirmer que le Président de la République a accordé, à chacun des 47 diocèses de la RD Congo, la faveur de bénéficier d’un montant de 1.000.000 USD pour la construction des œuvres caritatives et de développement. Une première dans l’histoire de notre pays, s’est-il exclamé.

Ensuite il s’est interrogé si les ouvrages financés ont été réellement réalisés, insinuant par le fait même que les fonds octroyés pourraient avoir pris une autre destination. Nous comprenons bien l’ironie cachée derrière une interrogation apparemment innocente.

Nous déplorons cette sortie médiatique émaillée d’allusions, d’attaques et de procès d’intentions contre l‘Eglise catholique de la RD Congo. Nous sommes affligés de constater que monsieur Bemba ne maîtrise pas le dossier des projets financés par le trésor public. à la demande du Chef de l’État. Au nom de la sagesse élémentaire, il aurait intérêt à s’informer davantage avant de prendre publiquement la parole.

Revenons aux faits. La vérité est qu’il y a plus de deux ans, à la demande personnelle et insistante du Président de la République, conformément à la mise en application de l’Accord-Cadre entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo sur les matières d’intérêt commun, le Gouvernement de la RD. Congo et l’Eglise Catholique ont convenu de collaborer pour la mise en œuvre des projets sociaux et économiques à impact visible en faveur des populations locales à travers les 48 diocèses de la RD Congo. Sans jamais avoir été demanderesse, et surtout dans le souci de rendre service à la population, de bonne foi, l’Eglise s’est engagée. Auréolée de son expérience incontestable en matière de développement et des avantages de son omniprésence en territoire congolais, elle a accepté cette lourde charge en vue de contribuer au bien commun des Congolaises et Congolais qui, comme on le sait, est souvent compromis à cause de la mauvaise gouvernance et de la corruption. Signalons toutefois que, pour des raisons pertinentes, largement compréhensibles, l’Archidiocèse de Kinshasa s’est abstenu d‘accéder aux fonds.

Dès le départ, le Gouvernement congolais s’était engagé à mettre à la disposition des diocèses, trimestriellement, un fonds pour la mise en œuvre des projets retenus par chacun des 47 autres diocèses de la RD. Congo. Pour des raisons de trésorerie, il n’a malheureusement pas respecté l’échéance, mais il n’a pas renoncé aux engagements pris.

A ce jour, plus de deux ans après cet accord, seulement deux tranches de 300.000$ ont été données. la première en 2022 et la deuxième en 2023; soit 600.000 USD par diocèse. Tous les diocèses se sont mis à l’œuvre. Certains ont même reçu la visite du Conseiller principal du Président de la République en charge des questions religieuses. De toute manière, un rapport en bonne et due forme des œuvres réalisées, avec des images à l’appui, a été remis en mains propres au Chef de l’Etat. Celui-ci n’a pas caché sa pleine satisfaction. Une copie de ces réalisations a été donnée aussi à Madame la Première Ministre. Par souci de loyauté et de transparence, en collaboration avec la presse de la présidence de la République, le Secrétariat général de la CENCO a réalisé une émission sur le travail accompli.

Toutefois, comme le rythme du financement n‘a pas été respecté dans tous les diocèses, certains chantiers très avancés sont restés inachevés. A ce jour, une autre tranche de 300.000 USD est annoncée. Elle permettra de continuer l’exécution des projets, réalisés avec beaucoup de sacrifices, en dépit d’énormes difficultés de transaction et de transport. Quant à nous, sans faux fuyant, nous sommes prêts à recevoir l’IGF pour vérifier toute la comptabilité. La CENCO avait dès le début prévenu les gestionnaires locaux de ces projets qu’elle ne couvrira personne en cas de malversations financières.

Nous demandons au VPM Jean Pierre BEMBA de rendre public les preuves de ses allégations de 1.000.000 USD mis à la disposition de chaque diocèse. De même, nous continuons d’attendre patiemment, celles de la prétendue collaboration qu’il avait insinuée, sans froid aux yeux, de notre Mission d’observation électorale avec les Russes pour pirater le serveur de la CENI.

Qui dans ce pays ne sait pas que l’Eglise catholique, sans l’aide de l’Etat Congolais dépense chaque année des fonds immenses pour réaliser des œuvres d’utilité publique comme les écoles, les hôpitaux, les routes, les ponts, les homes des vieillards les orphelinats, etc. ?

Par ailleurs, nous avons apprécié le fait que le VPM, ministre des Transports et Voies de Communication rappelle la mission des hommes de Dieu de rassembler tous les fils et filles de la RDC de parler de la paix et de l’unité. La question fondamentale est celle de savoir comment, lui et ces alliés, ont-t-ils accueilli les multiples appels de la CENCO ces dernières années au respect des principes démocratiques et des droits de l’homme à la transparence du processus électoral, à l’organisation des concertations des représentants des forces politiques et de a société civile afin de renforcer la cohésion nationale et d’affronter ensemble les défis sécuritaires ?

N’est-ce pas au nom de la même paix sociale que la CENCO demande, dans les circonstances actuelles de ne ni reviser, ni changer maladroitement et imprudemment la Constitution ? C’est toujours au nom de la paix que la même Eglise catholique avait demandé au VPM Jean-Pierre BEMBA de ne pas s’engager dans un conflit année post-électoral : conflit qui a fait plus de 200 morts dont les enfants en uniformes en 2007 en pleine ville de Kinshasa.

Où trouve-t-on la haine dans les messages de l’Eglise catholique ? Nous réclamons les preuves tangibles ! Aussi faut-il rappeler qu’aimer quelqu’un ne signifie pas applaudir même ses erreurs. A cet égard, nous souhaitons ardemment que le Vice Premier Ministre Jean-Pierre BEMBA se souvienne que l’Eglise qu’il vilipende avec dédain depuis quelque temps est la même dont il avait bénéficié de deux précieuses visites pendant qu’il était en prison à la Haye. La vérité de l’histoire renseigne la sagesse résiste à la frivolité du temps.

La CENCO remercie les Gouvernants. particulièrement le Président de la République, d’avoir fait confiance à l’Eglise catholique en demandant au Gouvernement de lui octroyer les moyens financiers lui permettant de réaliser les œuvres sociales à impact visible jusque dans les coins les plus reculés du pays.

Quiconque croit que cet argent a été donné à l’Eglise pour acheter son silence et étouffer sa mission prophétique se trompe lourdement !

C’est le lieu de rappeler au Ministre des Transports et Voies de Communication ces sages paroles de Confucius, à savoir : «Si l’homme a deux oreilles et une bouche, c’est pour écouter deux fois plus qu’il ne parle».

Puisse le Seigneur bénir notre pays et son peuple.

Fait à Kinshasa, le 05/12/2024

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