Fatshi indisponible, le pays presque à l’arrêt !

Annoncé à Kisangani (province de la Tshopo) pour la commémoration du génocide congolais (GENOCOST) ce vendredi 2 août 2024, le Président de la République, Félix Tshisekedi, est indisponible pour des raisons de santé. Il séjourne à Bruxelles pour un suivi médical prévu de longue date, selon un communiqué de la Direction de communication de la Présidence de la République. Désormais, tous les regards sont tournés vers la capitale belge avec, en corollaire, un arrêt du fonctionnement des institutions du pays, dont il est le garant, selon la Constitution. Il n’empêche que son indisponibilité fait ressortir la dimension de sa mainmise sur le fonctionnement de tous les rouages de la République où toutes les initiatives sont soumises à son quitus exclusif.  La situation est d’autant plus préoccupante qu’à la Chambre haute du Parlement, l’élection du bureau définitif a été renvoyée indéfiniment, un blocage attribué à l’absence de la validation des candidatures par l’autorité morale de la majorité au pouvoir. 

Un communiqué officiel de la présidence de la République publié ce mercredi 31 2024 juillet est enfin venu mettre un terme à la rumeur qui a parcouru l’opinion nationale sur l’état de santé du Président Tshisekedi. Des rumeurs folles qui ont littéralement enflammé la Toile où certains évoquaient des soucis cardiaques du chef de l’Etat qui nécessiteraient une opération à cœur ouvert.

Dans la foulée, sa présence à Kisangani le 2 août pour la commémoration du «génocide» des habitants de la troisième ville congolaise en juin 2000 quand les armées rwandaise et ougandaise s’étaient affrontées en milieu urbain faisant des centaines de morts» a été annulée.

C’est dans cette optique que le Cabinet du chef de l’Etat annonce que «le chef de l’Etat  ne se rendra plus à Kisangani comme initialement prévu pour la commémoration du GENOCOST, le génocide des Congolais pour des gains économiques […] Le chef de l’Etat séjourne actuellement en Belgique pour un suivi médical préalablement programmé pour soigner une hernie discale qui était jusqu’à son déplacement prise en charge par ses équipes médicales de l’hôpital militaire du camp Tshatshi».

Il est rappelé que Félix Tshisekedi avait déjà été sujet à la même indisposition en mars 2022, où on l’avait vu regagner Kinshasa avec une minerve autour du cou. A l’époque, les mêmes rumeurs avaient circulé et déjà, avec les mêmes présomptions non confirmées de complications cardiaques qui auraient nécessité une opération à cœur ouvert.

BLOCAGES TOUS AZIMUTS

Dans un pays où toute l’activité politique tourne invariablement autour du président de la République, l’indisposition du premier des Congolais vient forcément mettre une sourdine au fonctionnement normal des institutions publiques et augure d’une léthargie préjudiciable au bon fonctionnement des institutions, d’autant plus qu’aucune date du retour au pays du chef de l’Etat n’est annoncée.

Parmi les institutions de la législature née des législatives de décembre 2023, le sénat congolais est enlisé dans une féroce guerre de positionnement en vue d’arracher la présidence de la chambre basse.

Le bureau provisoire présidé par Pascal Kinduelo, 85 ans, et en place depuis la mi-février est aux prises avec les ambitions de Jonas Mukamba, 93 ans. Il va de report en report, repoussant continuellement l’élection des membres du bureau définitif.

L’ancien banquier Kinduelo, qui visiblement entend rééditer «l’exploit Mboso» qui était parvenu à se maintenir à la tête du perchoir de l’Assemblée nationale avec le coup de pouce indéniable de la présidence de la république profiterait bien de l’état de santé du chef de l’Etat pour repousser à l’infini la mise en place d’un bureau définitif qui ne serait pas à son avantage.

UNE ECONOMIE EN BERNE

L’indisposition du Président Tshisekedi pousse forcément les observateurs à se livrer à un exercice objectif de la situation du pays, sept mois après l’investiture du président Tshisekedi pour un second mandat en janvier 2024.

L’économie nationale est en berne. La monnaie nationale, le franc congolais, accuse une dépréciation quasi quotidienne face au dollar américain, la devise de référence. S’échangeant à plus de 2800 FC pour un dollar US, l’incidence sur les prix des biens et services, et par ricochet sur le pouvoir d’achat des ménages moyens reste une gageure que les institutions financière sont incapables de juguler.

Les secteurs porteurs de croissance sont détenus quasi dans leur totalité par des capitaux et intérêts étrangers. Ainsi, la banque est le monopole des kényans, tanzaniens, camerounais, gambiens et nigérians.

La grande distribution, les cliniques de luxe et l’immobilier restent dominés par des Indo-pakistanais; la restauration tenue par la communauté libanaise et l’hôtellerie se partage entre les Chinois et les sujets indiens.

LE NŒUD GORDIEN DE LA SÉCURITÉ

L’indisposition momentanée du chef de l’Etat coïncide avec l’annonce d’un cessez-le-feu dans les confrontations militaires entre l’armée nationale et la coalition M23/RDF dans le Nord-Kivu. Un arrêt des hostilités censé figer les positions à partir de dimanche prochain.

Le gel des hostilités annoncé à Luanda sans la contrepartie rwandaise interroge sur son efficience, étant donné que la situation profite plus aux agresseurs qui auront beau-jeu de déployer des forces fraîches en dépit du mécanisme dit de «vérification» où siège curieusement le chef d’état-major de l’armée… rwandaise.

Dans les grandes agglomérations, engorgées par des centaines de milliers de motos-taxis et de véhicules de transport en commun hors d’âge règne  un banditisme qui rend inopérante la police nationale.

L’environnement non plus ne se porte pas mieux. A quelques semaines des retours des pluies, la ville de Kinshasa particulièrement croule sous de tonnes de détritus qui présagent des inondations meurtrières, les voies d’écoulement des eaux étant ensablées dans l’indifférence générale de l’autorité urbaine.

Ce tableau sombre pourrait être décliné à l’infini, aussi longtemps que tous les regards des décideurs restent tournés vers le chef de l’Etat dans une démission collective des responsables politiques à tous les niveaux.

JUSTICE ET MÉDIAS SOUS CLOCHE

Cependant, le moment de réflexion dicté par l’absence relative du chef de l’Etat autorise un regard sur l’administration de la justice qualifiée de «malade». La liberté d’expression mise à mal par un procureur qui brandit constamment la menace d’arrestation pour le délit inédit de «propagation de faux bruits et d’outrages au chef de l’Etat», rancœurs et déceptions s’expriment désormais en milieux clos dans l’attente des jours d’après.

La presse elle-même n’est pas en reste. Mise sous cloche sous la surveillance d’une autorité de régulation ouvertement politisée, elle pratique l’autocensure de crainte de poursuites judiciaires qui préjudicient à un haut degré une information de qualité, laissant libre cours à une communication politique propice à une déliquescence des mentalités.

La nation attend, avec impatience et inquiétude, le retour d’un Président dont la présence est indispensable pour restaurer l’ordre et la dynamique institutionnelle tant espérée.

comm pr

Econews