Fin de l’accord sur les céréales entre la Russie et l’Ukraine

Moscou a refusé lundi de reconduire l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes. La suspension de ce corridor maritime céréalier, qui a permis de sortir 33 millions de tonnes de grains des ports d’Ukraine en un an en dépit du conflit, devrait n’avoir que peu d’impact dans l’immédiat, mais créera des tensions et une inflation alimentaire à moyen terme.
Cet accord, conclu en juillet 2022 entre la Turquie, l’Ukraine, la Russie et l’Organisation des Nations unies (ONU), avait déjà été prolongé à deux reprises. La question de sa nouvelle reconduction inquiétait déjà Kiev depuis plusieurs jours. Quelques heures avant son expiration, la Russie a finalement annoncé qu’elle ne le reconduirait pas, accusant l’Occident de bloquer ses propres exportations de céréales et d’engrais, notamment vers l’Afrique.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a annoncé l’arrêt de l’accord lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes, ajoutant que la Russie reviendrait à l’accord lorsque ses demandes seraient satisfaites.
«Lorsque la partie de l’accord sur la mer Noire concernant la Russie sera mise en œuvre, la Russie reprendra immédiatement la mise en œuvre de l’accord », a déclaré M. Peskov.
C’est la fin d’un accord décisif que les Nations unies et la Turquie ont négocié l’été dernier alors que la Russie a envahi son voisin il y a près d’un an et demi.
Lors du Forum de sécurité l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) la semaine dernière, le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a déclaré : «Il est essentiel que nous prolongions et élargissions l’Accord de la mer Noire, à laquelle la Russie menace de mettre fin une fois de plus le 18 juillet ». C’est désormais chose faite, puisque Moscou menaçait depuis plusieurs semaines de ne pas le reconduire, se plaignant d’entraves à ses propres livraisons de produits agricoles et d’engrais et assurant que l’objectif affiché de l’accord, permettre la livraison de céréales aux pays pauvres, n’est pas réalisé.
La Turquie, l’Ukraine et l’ONU ont été notifiés de la décision du Kremlin, a indiqué la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
«La Russie a officiellement notifiée les parties turque et ukrainienne, ainsi que le secrétariat des Nations unies, de son objection à l’extension de l’accord », a-t-elle déclaré à l’agence de presse publique TASS.

Une opération de chantage ?
Décision cynique pour la présidente de la Commission européenne, actes de cruauté pour l’ambassadrice américaine aux Nations unies : depuis quelques heures, Moscou a mis fin à l’accord sur les céréales ukrainiennes. En théorie, rien n’empêche les navires ukrainiens d’exporter leurs céréales via la mer Noire. Sauf qu’ils n’ont plus aucune garantie de pouvoir le faire en toute sécurité, alors que le conflit russo-ukrainien se poursuit.
Une mauvaise nouvelle, particulièrement pour les pays africains, largement dépendant aux céréales des deux pays. Car la Russie et l’Ukraine assurent un tiers des exportations mondiales de blé et jusqu’à 100% des approvisionnements de pays comme l’Égypte, le Soudan ou la Somalie.
«La participation à ces accords est un choix, mais les personnes en difficulté partout dans le monde et les pays en développement n’ont pas le choix. Des centaines de millions de personnes sont face à la faim et les consommateurs sont confrontés à une crise mondiale du coût de la vie. Ils vont payer le prix », s’alarme Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.
Alors pourquoi cette volte-face de Vladimir Poutine ? Eh bien, le président russe veut ainsi punir les alliés de l’Ukraine qui, selon lui, accaparent la majorité des céréales exportées. Moscou propose maintenant de poursuivre ces livraisons, mais seulement en direction des pays qui le soutiennent, espérant ainsi avec ce chantage, obtenir la levée d’une partie des sanctions, notamment l’accès des banques russes au système de paiement international Swift, dont elles sont exclues depuis un an.
Depuis sa signature le 22 juillet dernier, l’initiative sur les céréales en mer Noire a permis d’exporter près de 33 millions de tonnes de céréales d’Ukraine malgré la guerre.
Avec Euronews