La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a estimé que 2022 allait être «une année compliquée, mais peut-être encore plus compliquée en 2023», indiquant que «les risques de récession sont accrus en 2023». En cause notamment, l’inflation qui contraint les institutions monétaires mondiales à augmenter leurs taux d’intérêts, freinant ainsi la croissance.
«Nous sommes dans des eaux très agitées ». Tels sont les termes employés par la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, pour décrire la période actuelle. Alors que le monde entier a connu une reprise post-Covid particulièrement forte, le spectre d’une récession plane désormais sur les prochains mois. C’est du moins ce que craint le FMI. Selon Kristalina Geor-gieva, les perspectives pour l’économie mondiale se sont, en effet, «nettement assombries» depuis avril.
Le FMI devrait revoir à la baisse, pour la troisième fois cette année, sa prévision de croissance mondiale pour 2022, à 3,6% actuellement, a indiqué sa directrice générale dans une interview à Reuters, précisant que les économistes du Fonds finalisaient les nouvelles données attendues à la fin du mois. Et la situation ne devrait pas s’améliorer en 2023, prédit-elle : «Cela va être une année 2022 compliquée, mais peut-être encore plus compliquée en 2023», a-t-elle indiqué, ajoutant que «les risques de récession sont accrus en 2023». «Nous ne pouvons pas l’écarter», a-t-elle insisté.
Hausse de l’inflation et des taux d’intérêts
D’après la directrice générale du FMI, «les perspectives depuis notre dernière mise à jour en avril se sont nettement assombries». Un constat qui s’explique par différents facteurs, notamment la propagation de l’inflation à travers le monde. Elle atteignait 8,6% en juin sur un an dans la zone euro. Aux Etats-Unis, elle oscille entre 6,3% et 8,3% selon si l’on se base sur l’indice PCE (privilégié par la Fed) ou l’indice CPI (sur lequel sont indexées, notamment, les retraites). Ailleurs dans le monde, la hausse des prix est également devenue un motif d’inquiétude comme en Inde où les autorités ont relevé les prévisions d’inflation à 5,7% pour l’exercice fiscal qui a débuté le 1er avril, contre 4,5% en février. Cette montée des prix s’explique en partie par le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février dernier qui a, notamment, fait bondir les tarifs de l’énergie.
En conséquence, de nombreux pays ont entamé des hausses de leurs taux d’intérêts. En Europe, la hausse sera de 25 points de base et interviendra en juillet avant une nouvelle hausse en septembre. Aux Etats-Unis, la réserve fédérale américaine a appliqué la plus forte hausse depuis ses 27 dernières années. En baissant leurs taux directeurs, les banques centrales freinent ainsi la consommation pour tenter d’endiguer l’inflation mais coupe, de la même manière, la croissance dans sa progression jusqu’à provoquer une récession. On considère que cette dernière intervient lorsqu’on observe un recul du produit intérieur brut (PIB) pendant deux trimestres consécutifs.
Le FMI a, d’ailleurs, nettement revu à la baisse sa prévision de croissance pour les États-Unis en raison du resserrement de sa politique monétaire, tout en jugeant que le pays devrait parvenir à éviter une récession. Dans son évaluation annuelle de la politique économique américaine, révélée fin juin, l’institution prévoyait une expansion de 2,9% pour le PIB américain en 2022 contre 3,7% projeté en avril. Pour 2023, la croissance tombera à 1,7%, selon ces nouvelles projections du FMI qui a estimé : «Nous nous attendons à ce que l’économie des États-Unis ralentisse en 2022-2023, mais qu’elle évite de justesse une récession».
Une croissance chinoise en berne
La Chine connaît elle aussi un ralentissement de sa croissance. Elle a, ainsi, dévoilé mi-mai ses pires performances économiques depuis deux ans, avec un taux de chômage qui a bondi en avril à 6,1% – proche du record absolu. Un ralentissement de l’économie qui met en péril l’objectif de croissance de 5,5% fixé initialement. Pourtant le pays n’est pas sujet à une inflation galopante comme ailleurs dans le monde. Optant pour une stratégie Zéro-Covid, Pékin continue d’instaurer des confinements stricts dès qu’elle observe un rebond de l’épidémie, fragilisant sa production, sa consommation et les chaînes d’approvisionnement. A l’échelle internationale, les entreprises se retrouvent donc pénalisées par des retards dans leur approvisionnement en particulier dans l’automobile qui manque surtout de semi-conducteurs.
Une crainte partagée par la BCE
Ce risque de récession est également envisagé du côté européen. Le 30 juin dernier, la Banque centrale européenne a indiqué qu’elle s’apprêtait à demander aux banques de la zone euro de prendre en compte un tel risque dans leurs prévisions.
«Nous allons proposer de demander aux banques de recalculer leurs trajectoires de fonds propres dans un scénario plus sombre, en incluant potentiellement un embargo sur le gaz ou un scénario récessionniste, et d’utiliser cela dans le processus d’approbation de leurs projets de distribution à l’avenir», a expliqué le responsable de la supervision bancaire de la BCE Andrea Enria, en audition devant le Parlement européen. L’institution monétaire continue de tabler sur une croissance économique relativement soutenue cette année et l’an prochain.
Dans ses dernières prévisions du 9 juin, sa présidente, Christine Lagarde, disait s’attendre à une croissance de 2,8% en 2022 et 2,1% en 2023. Toutefois, la BCE prend en compte une possible dégradation de l’environnement économique, sur fond d’inflation, de crise énergétique et de guerre en Ukraine.
Avec Reuters