Un fort détachement de police certainement venu de Matadi barrait la RN1 à la hauteur de Mitendi 2, lieu qui marque la limite de la ville de Kinshasa et l’entrée de la province du Kongo central ce mardi 23 mai. Motif du déploiement inhabituel des forces de l’ordre dès les petites heures du matin : empêcher Moïse Katumbi et sa délégation d’accéder au Kongo Central d’où il entendait débuter un périple à travers le pays. Il avait déjà annoncé quelques jours plus tôt l’entame d’une tournée provinciale qui devait débuter par Mbanza-Ngungu au cours d’un séjour d’une semaine.
Vingt-quatre heures avant le déplacement du Chairman, le gouverneur UNC du Kongo Central, Guy Bandu, a fait savoir que l’opposant ne pouvait séjourner dans « sa » province que 24 heures, pas plus. Proposition aussitôt rejetée par l’intéressé.
Arrivé sur les lieux en début d’après-midi, le leader d’Ensemble pour la République s’est heurté à l’intransigeance de la police qui, comme toujours en pareil cas, affirmait obéir aux ordres de la «hiérarchie». Pis, la police explique que le candidat devait être pourvu d’une autorisation, sans qu’elle ne précise de qui devait émaner ledit sauf-conduit.
Le tout, devant une foule médusée par d’interminables négociations entre «gens civilisés». D’un côté, un Moïse Katumbi coiffé de son borsalino bleu marine entouré de ses lieutenants et de l’autre, des policiers intransigeants, alors qu’un drone survolait la scène.
Finalement, son cortège a dû rebrousser chemin pour «éviter d’exposer la population nombreuse à une nouvelle répression après celle du 20 mai», a expliqué Olivier Kamitatu au cours d’un point de presse improvisé. Ajoutant : «Manifestement, l’ordre a été donné d’empêcher Moïse Katumbi de se rendre au Kongo Central», tout en précisant que malgré tout, Katumbi va devoir visiter le Kongo central et toutes les provinces de l’Ouest. La tournée prévoit des manifestations à Mbanza-Ngungu, Kimpese, Matadi, Boma et Muanda.
Sur son compte twitter, ce proche de l’ancien gouverneur du Katanga a noté qu’«en empêchant Moïse Katumbi de circuler librement dans son pays, Tshisekedi assume désormais ouvertement sa dérive dictatoriale. En RD Congo, le viol de la Constitution est devenu banalité. Moïse Katumbi ne sacrifiera pas sa population. Nous reviendrons ».
PROTESTATION UNANIME
Une situation qui a jeté de la gêne jusqu’à l’UDPS, le parti présidentiel. S’exprimant sous le sceau de l’anonymat, un haut cadre de l’UDPS a indiqué que « le fait pour le gouverneur UNC Guy Bandu d’interdire à M. Katumbi de se rendre au Kongo Central relève du sabotage de l’action du chef de l’Etat pour un Etat de droit. Il travaille en défaveur du président de la République. En qui ce déplacement est-il une menace pour le chef de l’Etat, l’UNC ou encore l’Union sacrée ? ».
Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes évoquaient l’article 30 de la Constitution selon lequel « toute personne qui se trouve sur le territoire national a le droit d’y circuler librement, d’y fixer sa résidence, de le quitter et d’y revenir, dans les conditions fixées par la loi ».
Une disposition visiblement battue en brèche par le gouverneur du Kongo Central, conduisant le porte-parole d’Ensemble pour la République de conclure que « la République Démocratique du Congo n’est pas une propriété privée. Elle n’appartient à aucun individu ou un groupe d’individus qui fixent les limites de mouvement des autres citoyens ».
UNE BAVURE DE TROP
En politique, semble-t-il, tous les coups sont permis. Même les plus diaboliques; du moins aux yeux des non-initiés. Mais le degré de la turpitude atteint des sommets quand un gouverneur ferme les «frontières» de «sa» province à un opposant politique en tournée. En accordant un séjour de 24 heures à Moïse Katumbi et sa suite, alors que ce dernier avait programmé un périple d’une semaine dans différentes agglomérations du Kongo central, Guy Bandu croyait peut-être bien faire ou mieux, gagner des points dans l’estime dont il se croit investi dans le cœur du président Félix Tshisekedi et son parti politique, l’UDPS.
Une erreur stratégique de la part du gouverneur-médecin UNC que l’on dit très proche du président du Sénat Modeste Bahati. Une bourde qui tombe fort mal à propos, quelques jours seulement après la sanglante dispersion de la marche voulue pacifique organisée par quatre candidats à la présidence de la République, dont le leader d’Ensemble pour la République.
Au moment où l’émoi planétaire résultant des images des policiers réprimant violemment la manifestation du samedi 20 mai n’est pas encore retombé; que les vidéos de policiers bastonnant à mort un mineur font encore le tour du monde; que des messages de désapprobation pleuvent du monde entier, plongeant le gouvernement dans l’embarras, le gouverneur du Kongo Central vient en rajouter une couche à la confusion politique déjà étouffante.
Econews