La province du Haut-Katanga est le théâtre d’une nouvelle escalade politique. Après l’incursion des militaires non identifiés dans la ferme de l’ancien président Joseph Kabila, située dans le Parc national de Kundelungu, c’est au tour de la ferme Futuka, propriété de l’opposant Moïse Katumbi, d’être sous surveillance militaire. Ces événements, révélés par le journaliste Stanis Bujakera sur son compte X, interrogent sur les motivations d’un pouvoir accusé de harcèlement politique.
Selon un responsable de la ferme Futuka cité par Stanis Bujakera, des militaires se sont positionnés mercredi devant la guérite d’entrée, près du robinet extérieur, de l’ancien garage et dans des véhicules stationnés autour du site. «Ils n’ont fait aucune déclaration, mais leur présence est intimidante », a-t-il déclaré sous couvert d’anonymat.
Aucune autorité gouvernementale ou militaire n’a pour l’instant justifié ce déploiement, alimentant les spéculations sur une tentative de pression envers Katumbi.
Joseph Kabila (Chef de l’Etat de 2001 à 2019) et Moïse Katumbi (ancien gouverneur du Katanga et candidat à la présidentielle de 2023) sont des rivaux historiques. Pourtant, depuis leur rapprochement en 2023 face au président Félix Tshisekedi, les deux hommes vivent principalement hors du pays, officiellement pour des «raisons de sécurité ».
Les attaques ciblant leurs biens personnels au Grand Katanga, fief politique de Kabila et Katumbi, sont perçues comme un avertissement. «Ces manœuvres visent à affaiblir symboliquement leurs bases de soutien et à rappeler qui contrôle le territoire », analyse un politologue congolais.
KUNDELUNGU ET FUTUKA : UN SCENARIO IDENTIQUE
Tout récemment, des militaires avaient investi la ferme de Joseph Kabila à Kundelungu, sans mandat ni explication. Des témoins avaient rapporté des «perquisitions musclées» et des «interrogatoires » du personnel. Les autorités provinciales avaient alors évoqué une «opération de routine contre le braconnage », une justification jugée «grotesque» par l’entourage de l’ancien président Joseph Kabila.
Avec l’affaire Futuka, le scénario se répète : déploiement silencieux, absence de cadre légal, et mutisme des institutions.
Pour l’instant, les autorités, aussi bien provinciales que nationales, sont plutôt silencieuses autour de ce qui se passe à la ferme Futuka.
Toujours est-il que ces incidents surviennent dans un contexte de tension croissante entre le pouvoir et l’opposition.
«C’est une stratégie classique : criminaliser l’opposition et utiliser les institutions pour assoir son emprise », dénonce un avocat des droits humains à Lubumbashi. «Mais viser des propriétés privées sans motif légal, c’est franchir un cap dangereux », fustige-t-il.
Pour l’opposition, ces actions renforcent le récit d’un pouvoir «vindicatif» et « anti-démocratique ». Pour le camp présidentiel, il s’agit peut-être de tester la résistance des réseaux katangais de Kabila et Katumbi, en vue des futures batailles.
Une chose est sûre : dans le Grand Katanga, cœur minier de la RDC, chaque mouvement militaire est décrypté comme un message politique. Et le silence de l’État nourrit les pires craintes.