Histoires des fous !

Tout le monde parle d’eux, mais peu les ont vus, sinon personne. Ils sont partout. Au commencement, ils étaient les véritables acteurs de la tragédie de Kwamouth. Doués de capacités de mimétisme dignes de perfides caméléons, ils sont Téké ou Yaka selon les circonstances. Leur adresse à manier la machette lors des décapitations, suivies d’atroces démembrements de leurs victimes laisse peu de place au doute : ces gens sont venus de loin !
Sans avoir l’air d’y toucher, certains se rappellent au bon souvenir de ces éleveurs arrivés dans le Kwango en 2018 avec leurs troupeaux de vaches.
Troupeaux en transhumance car, ils venaient, avait-on rapporté, des hauts plateaux du lointain Sud-Kivu. De grande taille, parlant un idiome improbable… et si c’étaient eux ? Le pas est vite franchi, et la sentence, sans appel : ce sont des infiltrés. Et l’opinion de crier à l’unisson haro sur le baudet !
Kinshasa, ville-rumeur devant l’Eternel, bruisse d’informations à faire dresser les cheveux. Ils sont déjà ici. Tapis dans des abris camouflés sous les passerelles qui enjambent le boulevard Lumumba, la plus longue artère urbaine du pays. Ils sont travestis en déments haillonneux paresseusement vautrés sur des montagnes de décharges sauvages déversées sous les ponts et viaducs.
Certains en ont vu qui avaient en leur possession des i-Phones et autres gadgets androïd hors de prix. Et des sommes d’argent inattendues entre les mains de quelqu’un qui a perdu la raison depuis belle lurette. Sommés de s’expliquer sur l’origine des biens suspects en leur possession, les faux fous ne savent quoi répondre. Pour la simple raison qu’ils ne parlent aucune des langues locales. N’allez pas chercher plus loin : ce sont eux.
Des histoires de fous, il s’en mijote, il s’en invente et s’en raconte matin, midi et soir, dans une délicieuse paranoïa. Le must, c’est d’avoir le génie de les enjoliver de détails croustillants et inédits qui viennent en rajouter à la psychose ambiante. Mais c’est en vain que l’on chercherait à trouver des témoins oculaires. Peu importe; l’important est qu’ils sont là !
Ils, eux, on l’aura deviné, ce sont les Rwandais. Et n’en déplaise au général-commandant de la police de la ville de Kinshasa qui s’évertue à menacer quiconque s’aventurerait sur le terrain de la haine, chaque jour apporte son lot de désinformation digne d’une société désœuvrée qui se défoule comme elle peut.