L’exécutif provincial de Kinshasa, dirigé par Daniel Bumba Lubaki, se trouve actuellement confronté à un dilemme délicat : comment satisfaire les attentes de ceux qui l’ont aidé à accéder à l’Hôtel de Ville de Kinshasa ? Pris au piège des réseaux indo-libanais, le n°1 de la ville se retrouve dans une situation périlleuse où il doit choisir entre sacrifier la ville ou rendre service à ceux qui l’ont soutenu dans sa montée au pouvoir. Cette décision revêt une importance cruciale pour l’avenir de Kinshasa et la crédibilité de son leadership.
Deux mois après son investiture sur ordonnance présidentielle et sa notification subséquente par le Ministre de l’Intérieur, le nouveau gouverneur de Kinshasa a pris le parti de sécher ses bureaux de l’hôtel de ville, préférant s’installer dans une suite au 14ème étage de l’hôtel Hilton, selon des sources bien informées. De la même manière, son ministre des Finances, Magloire Kabemba, a installé ses bureaux au 2ème étage de la même tour. Un séjour dispendieux qui grève les finances de la Mairie de la capitale.
Les mêmes sources rappellent que tout au long de la campagne tumultueuse pour la succession de Gentiny Ngobila, Daniel Bumba et les députés provinciaux UDPS de Kinshasa avaient posé leurs valises durant de longs mois au Novotel jusqu’à ce scandale de corruption avec la distribution de grosses cylindrées au élus du parti présidentiel. Un acte que le Secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, qualifiera par la suite de «motivation».
DANS LA NASSE DES MAFIEUX
A l’époque, peu de personnes s’étaient posé la question de savoir l’origine des véhicules dont le prix est compris entre 45 et 60.000 dollars US ! Pas plus que les séjours de Bumba et ses camarades du parti dans le cadre luxueux du Novotel n’avaient suscité la surprise connaissant les tarifs élevés pratiqués dans ce type d’établissement.
Avec le temps, il n’est pas permis de douter que le gouverneur de Kinshasa est embourbé au dernier degré dans les réseaux des hommes d’affaires indo-libanais qui l’ont toujours hébergé avec l’engagement de ce dernier de leur rendre l’ascenseur. Car quoique aussi riche qu’il soit, comme le soutiennent ses disciples, l’homme ne pouvait se permettre des dépenses aussi dispendieuses dans l’indifférence (ou la complicité) des dirigeants au plus haut niveau.
C’est ici que de plus en plus les observateurs tournent leurs regards vers des réseaux indo-libanais qui auraient pris en otage le gouverneur Bumba et son entourage. Comme dans le meilleur des républiques bananières, les créances (morales) contractées lors des campagnes électorales sont remboursées à coups de contrats et autres avantages en passant des exonérations diverses taxes et facilités fiscales hors-la-loi.
La nasse dans laquelle Daniel Bumba est enfermé n’est pas seulement le fait d’hommes d’affaires étrangers. La nomination des commissaires généraux concomitamment avec les membres de son gouvernement procède des mêmes pratiques. Le gouverneur est désormais redevables de personnalités nommées, mais retoquées après le coup de colère du ministre de l’Intérieur Jacquemin Shabani.
Ce qui précède n’explique pas cependant le fait que le gouverneur de la Ville ait pris le parti de déserter ses bureaux officiels. Ni la crainte à l’africaine qui veut que l’on se méfie des installations naguère occupées par un adversaire et qui auraient pu être «piégées» par des pratiques maléfiques de sorcellerie, ni la méfiance des visites tumultueuses des «combattants» de l’UDPS pressés de lui demander des comptes ne justifient nullement le comportement d’un Daniel Bumba désormais invisible de ses administrés, dans une ville qui croule sous des montagnes d’immondices.
UNE POSTURE D’INSUBORDINATION
Mais parmi les préoccupations majeures figurent naturellement les raisons pour lesquelles la formation du gouvernement provincial de Kinshasa ne semble pas constituer une priorité pour Daniel Bumba.
Flash-back. Après son élection controversée, le nouveau gouverneur rend publique la composition de son équipe gouvernementale comprenant dix portefeuilles, en conformité avec la loi. En même temps sont nommés dix commissaires généraux, ce qui irrite le ministre de l’Intérieur qui le somme, avec son collègue du Haut-Katanga Jacques Kyabula qui s’était adonné au même exercice, de se rendre à Kinshasa. Entre-temps, la présentation de leurs programmes de gouvernement et leurs investitures respectives par les assemblées provinciales sont suspendues.
Lors de l’audience qu’il leur accorde à Kinshasa, Jacquemin Shabani est catégorique ; la fonction de commissaire général a été supprimée, et les deux gouverneurs le savent bien. Daniel Bumba tente bien de faire valoir une autorisation verbale du chef de l’Etat, ajoutant que les commissaires généraux étaient en réalité des animateurs de services publics, rien n’y fait. Ils sont renvoyés dans leurs administrations, et conditionne l’investiture de leurs gouvernements à la condition de se conformer à la loi.
Si Jacques Kyabula vient de constituer son équipe de dix ministres, Daniel Bumba ne semble pas pressé de se mettre enfin au travail, jouant sur le temps et dans l’attente de nouvelles stratégies qui lui viendraient de son appui inconditionnel de la 10ème Rue Limete. Au fil des jours, sa bouderie aux allures d’insubordination finira par exaspérer jusqu’au sommet du parti présidentiel, sans compter la fièvre qui monte déjà au sein des cellules des «combattants» de l’UDPS.
Dans tous les cas, une décision doit être prise rapidement pour éviter toute déstabilisation politique et sociale dans la capitale congolaise. Le gouvernement de Kinshasa se trouve à un carrefour important de son mandat, où chaque choix aura des répercussions significatives sur l’avenir de la ville et sur la confiance des citoyens en leurs dirigeants.
MWIN M. F.