Instabilité en Ituri, aux Nord-Kivu et Sud-Kivu : la fronde gagne l’Assemblée nationale 

Des élus nationaux des provinces de l’Ituri, du Sud-Kivu et du Nord-Kivu ont décidé de mener une fronde à l’Assemblée nationale en s’opposant à la prorogation dans raison évidente de l’état de siège en Ituri et dans le Nord-Kivu. A la tête de cette fronde, on retrouve notamment Justin Bitakwira et Willy Mishiki, députés nationaux respectivementdu Sud-Kivu et du Nord-Kivu. D’autres élus nationaux de ces provinces ont rejoint jeudi ce mouvement en boycottant la plénière de l’Assemblée nationale.

Les députés nationaux des provinces de l’Ituri, du Sud-Kivu et du Nord-Kivu se dressent contre la prorogation de l’état de siège imposé dans leurs régions. À la tête de ce mouvement de fronde, on retrouve les députés Justin Bitakwira, représentant le Sud-Kivu, et Willy Mishiki, élu du Nord-Kivu. Ensemble, ils dénoncent ce qu’ils considèrent comme une prolongation injustifiée de mesures d’exception qui, selon eux, ne répondent pas aux véritables besoins de sécurité de la population.

Jeudi, plusieurs élus de ces provinces ont décidé de boycotter la plénière de l’Assemblée nationale pour faire entendre leur voix. Ce geste symbolique souligne leur détermination à contester une situation qu’ils estiment stagnante et inefficace face aux défis sécuritaires persistants.

Une réelle menace

L’instauration en mai 2021 de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri et systématiquement prorogé depuis, dans un automatisme qui ne laissait aucune place à la discussion, est arrivé dans une impasse. Lors de la plénière de ce jeudi 19 septembre destinée à l’adoption pour la énième fois de la mesure, les députés de l’Espace Grand Kivu et ceux de l’Ituri ont quitté la salle, dénonçant une sorte de dictature qui voudrait que la proposition de loi de prorogation de l’état de siège passe comme une lettre à la poste. Faute de résultats tangibles, l’état de siège ne se justifie plus, selon eux. Ils exigent en outre qu’ils soient associés aux négociations de Luanda, de Nairobi et d’ailleurs. Autrement, ils menacent de boycotter la suite de la session de septembre à l’Assemblée nationale. L’information mérite d’être rapportée car pour la première fois, des députés de l’Union sacrée réputés d’une fidélité sans faille au chef de l’Etat s’attaquent de front à l’une de ses mesures-phares.

Les députés nationaux de l’Espace Grand Kivu et ceux de l’Ituri, mécontents de l’appel à proroger une fois de plus l’état de siège  dans ces provinces de l’Est de la République Démocratique du Congo, ont décidé de boycotter la séance plénière de ce jeudi 19 septembre. Sur les marches du Palais du peuple, ils ont livré ce qui hier encore paraissait impensable : dénoncer de front une mesure instituée par le Président Tshisekedi pour, espérait-on, accélérer le rétablissement de la paix.

Force est de constater que trois ans après, les administrations militaires ne sont pas parvenues à engranger des résultats tangibles alors qu’en Ituri les groupes armés (dont le sinistre CODECO) et les rebelles ougandais des ADF continuent à faire le sang au quotidien.

La situation n’est pas non plus reluisante au Nord-Kivu. Ici, outre les exactions attribuées aux rebelles du M23 et leurs supplétifs de l’armée rwandaise (RDF), la ville de Goma fait face à une militarisation sans précédent de la ville de Goma où les Wazalendo (jeunes patriotes) sèment la terreur dans la ville de Goma en dépit des mesures dissuasives consécutives du gouverneur militaire.

LE RAS-LE-BOL DES ÉLUS

ç’en était trop. Les députés du Grand Kivu  et Ituri fustigent l’état de siège et pensent que les négociations de Luanda les concernent en priorité. Ils exigent à être représentés dans les négociations de Luanda, de Nairobi ou d’ailleurs pour une solution durable aux tueries dans l’Est du pays.

Prenant la parole, le député Justin Bitakwira, élu d’Uvira, y est allé de ses maximes habituelles. A l’adresse du président de l’Assemblée nationale (celui-ci en mission en Afrique du Sud était représenté par le 1er vice-président Jean-Claude Tshilumbayi), il lance : «Qu’on ne traite pas un malade sans l’entendre se plaindre». Or on nous interdit de nous plaindre nous qui sommes massacrés au quotidien ! »

Entouré des élus  des provinces concernées, Bitakwira lâche et touche la corde sensible des va-t-en guerre qui voient toujours midi à la porte du pouvoir: « Si un référendum est organisé sur le maintien ou non de l’état de siège, la réponse unanime sera un NON à 100%! […] Si un référendum est organisé sur la fermeture de la frontière avec le Rwanda, le résultat sera un OUI à 100% ! ».

Pour les observateurs, la menace des députés du Grand Kivu et de l’Ituri est à prendre au sérieux, Bitakwira ajoutant : «Si on ne nous écoute pas, alors notre présence ne se justifiera plus au sein de cette assemblée. Nous irons ailleurs pour discuter des affaires de nos provinces et de notre peuple ».

UNE MENACE À PRENDRE AU SÉRIEUX 

Pour sa part, Willy Mishiki, élu de Walikale, a invoqué la raison qui a poussé au boycott. Selon lui, « La proposition de loi a été présentée sans aucune possibilité de discussion pour les députés. Nous sommes des députés, pas des garçons des courses ».

Les députés qui s’exprimaient justifient leur mouvement d’humeur par le fait qu’en trois d’état de siège,  aucune ville n’a été récupérée. En revanche depuis mai 2021 (date d’instauration de l’état de siège), des atteintes aux droits de l’homme se sont multipliés, entretenant un état d’insécurité permanent dans la ville de Goma par exemple.

Pour rappel, la décision de proroger l’état de siège avait été initialement instaurée pour lutter contre l’insécurité liée aux groupes armés opérant dans ces régions. Cependant, les élus locaux arguent que cette mesure n’entraîne pas les résultats escomptés et que les conditions de vie de la population continuent de se détériorer. Ils précisent que l’état de siège, loin de stabiliser la situation, exacerbe parfois les tensions entre les forces de l’ordre et la population.

Econews