Officiellement Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province du Katanga et candidat empêché à la dernière présidentielle de 2018, a fait le déplacement pour soutenir l’implantation de son parti Ensemble pour la République à Kisangani, dans la province de la Tshopo, née du démembrement de l’ancienne Province orientale.
Mais ce déplacement à deux ans des prochaines présidentielles et législatives avait un goût de lancement de campagne électorale. Un marathon. L’homme d’affaires, qui fut interdit de rentrer dans son pays à la veille de la présidentielle de 2018, n’a visiblement pas envie de voir se répéter ce scénario. Katumbi veut déjà marquer le terrain et se présenter aux futurs électeurs.
Premier constat
Moïse Katumbi demeure éminemment populaire. Dans une ville, volontiers frondeuse, qui avait bousculé Mme Dénise Nyakeru Tshisekedi, lorsque la première dame a tenté le 27 novembre dernier de se présenter avec le patron de la SNEL devant une population plongée dans le noir depuis plus de quatre mois, Katumbi a su tirer son épingle du jeu.
«Ici, personne n’a oublié qu’elle nous a expliqué qu’elle était venue parce que le président n’avait pas le temps de s’occuper de nos soucis », se souvient Bienvenu, étudiant en histoire qui aime répéter sur un ton sarcastique les paroles de la première dame : «Je suis venue vous transmettre les salutations chaleureuses de votre Papa. Il a beaucoup de charges, raison pour laquelle il m’a envoyée ici auprès de vous».
«Un discours qui ne passe pas », continue Bienvenu qui, interrogé par téléphone, confie sa rancœur pour la capitale Kinshasa, symbole, selon lui, et plusieurs de ses «copains» qui se succèdent au téléphone, de «corruption», d’«affairisme» et de «jeux politiciens qui ne servent qu’à remplir les poches du clan présidentiel».
Deuxième constat
Le RAM capitalise toutes les colères. Le fameux Registre des appareils mobiles qui n’est autre qu’une taxe déguisée qui touche tous les Congolais qui disposent d’un GSM et doivent acheter des «unités». Le RAM est essentiellement géré par des membres de la famille présidentielle. Souci, les fonds perçus sont largement… introuvables.
La population exige la fin de cette taxe et le remboursement des sommes perçues qui ne sont jamais rentrées dans les caisses de l’État. Moïse Katumbi n’a rien dit d’autre hier à Kisangani, exigeant la fin de ce «fardeau supplémentaire pour la population», certain de son effet. Certain aussi de l’image désastreuse des derniers événements qui mobilisent les réseaux sociaux très actifs en RDC, comme les images d’un gouverneur déchu traîné à moitié nu dans la rue par la police judiciaire ou celles d’un jeune homme filmé sous la torture et tué dans le cachot de la Police spécialisée, ou encore la polémique autour de cette jeune femme grièvement blessée par balle par l’escorte de Mme Tshisekedi ou les deux tués lors des dernières manifestations à Goma… Autant d’images qui caricaturent un pouvoir qui malgré son appétit et ses ambitions semble déjà bien fatigué.
Troisième constat
Il découle des deux premiers, la cohabitation au sein de l’Union sacrée entre Tshisekedi et Katumbi atteint un point de non-retour. Katumbi a rejoint cette majorité politique qui a permis à Tshisekedi de s’émanciper de la tutelle de l’ex-président Kabila.
Aujourd’hui, un petit noyau dans le premier cercle présidentiel travaille à transformer cet agglomérat disparate en un mouvement politique dont la seule raison d’être serait de soutenir la candidature de Félix Tshisekedi à la présidentielle. Une tentative de fédérer un maximum de clients politiques qui explique certains élargissements récents comme la remise en liberté de l’ex-directeur de cabinet Vital Kamerhe, condamné à 20 ans de prison, dans l’espoir de récupérer les voix du Kivu. Katumbi ne peut supporter cette candidature. Tshisekedi, toujours soutenu par les bailleurs de fonds internationaux malgré un bilan économique erratique, n’ignore pas cette donne, ni que Katumbi sera son plus grand rival. Le combat, feutré et larvé pour l’instant, est bel et bien lancé.
Avec La Libre Belgique/Afrique