Partir ou rester dans l’Union sacrée de Félix Tshisekedi ! Moïse Katumbi devrait clarifier sa position à Kisangani ce lundi.
Quelle stratégie politique pour Moïse Katumbi deux ans avant les élections de 2023 ? Probable candidat à la prochaine présidentielle, l’ancien gouverneur du Katanga lancera officiellement sa jeune formation politique, Ensemble pour la République, lundi 20 décembre lors d’un grand rassemblement à Kisangani. La parole de l’homme d’affaires est particulièrement attendue, notamment sur son positionnement au sein de l’Union sacrée, la plateforme du Président Félix Tshisekedi.
Depuis plusieurs mois, les relations sont des plus tendus entre Ensemble et la mouvance présidentielle. Et les partisans de Moïse Katumbi attendent une clarification qui se fait attendre.
Céni, une ligne rouge franchie
Au cœur de la discorde entre Katumbi et Tshisekedi, il y a la désignation du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et de son président, Denis Kadima, accusé d’être trop proche de l’actuel chef de l’Etat. «Une ligne rouge», selon Moïse Katumbi, que Félix Tshisekedi a franchi allè-grement en passant en force et sans le consensus de l’ensemble des confessions religieuses, chargées de désignation un candidat.
Comme Martin Fayulu ou Jean-Pierre Bemba (à des degrés différents) Moïse Katumbi avait accusé le prochain processus électoral d’être «non-transparent» et de vouloir placer à la tête de la Céni un président susceptible faire réélire Félix Tshisekedi.
Des consultations en suspens
La Céni n’est pas le seul point de tension. Cet été, les partisans de Moïse Katumbi avaient déjà été échaudés par le projet de loi de Noël Tshiani qui souhaitait que les prochains candidats à la présidentielle soient Congolais de père et de mère. Un dispositif qui visait clairement à écarter Moïse Katumbi de la course à la magistrature suprême, puisque son père est grec d’origine. Les partisans de l’ancien gouverneur accusaient Félix Tshisekedi d’être derrière cette tentative d’élimination politique de leur champion.
Ces deux épisodes ont considérablement refroidi les membres d’Ensemble, et certains ont commencé à remettre en cause la participation du mouvement katumbiste dans l’Union sacrée. Au bord de la rupture depuis plusieurs mois, Moïse Katumbi avait décidé de consulter les membres du parti et ses alliés. Début novembre, la décision devait être imminente, mais depuis… c’est silence radio.
Risque d’implosion
Pour expliquer cet atermoiement, il faut mettre en balance les risques à quitter l’Union sacrée, ou à y rester. Divorcer de la plateforme présidentielle devrait satisfaire une bonne partie des militants d’Ensemble qui dénonce la volonté du président de s’octroyer les pleins pouvoirs pour s’accrocher à son fauteuil, «comme Kabila», nous confie un membre du parti. Le risque se situe surtout au niveau des cadres et des élus. Ensemble et ses alliés possèdent 70 députés et 5 ministres, dont la majorité d’entre eux ne sont pas prêts à lâcher l’Union sacrée… et leurs portefeuilles.
Créer un schisme au sein des cadres et faire imploser le parti, est une option délicate alors que celui-ci vient tout juste de voir le jour.
L’Union sacrée, «une erreur»
Le problème, c’est que rester au sein de l’Union sacrée est une décision tout aussi inconfortable. Moïse Katumbi devra ainsi partager le bilan de l’action gouvernementale, alors qu’il a la volonté de se présenter contre Félix Tshisekedi en 2023. Un grand écart qu’il sera difficile à justifier avant le scrutin. En fait, Moïse Katumbi semble s’être fait piéger après son entrée dans l’Union sacrée.
L’ancien gouverneur du Katanga pensait pouvoir peser dans la composition de la future Commission électorale et s’assurer ainsi des élections crédibles et transparentes, avant de quitter l’Union sacrée à l’approche du scrutin. Moïse Katumbi pensait qu’il valait mieux être à l’intérieur du système qu’à l’extérieur. «C’était une erreur, nous confie un membre du parti, puisque Tshisekedi a fait ce qu’il a voulu à la Commission électorale, et a pu afficher l’arrivée d’Ensemble dans l’Union sacrée comme une belle prise de guerre».
Opération clarification
Il faut maintenant que Moïse Katumbi affiche clairement sa position. Partir ou rester… et pour quelle stratégie ?
«Il faut sortir par le haut de l’Union sacrée, explique un membre du parti qui plaide pour le divorce. Il y aura un coût politique élevé, mais nous avons encore tout le temps pour nous organiser avant 2023 ». Ceux qui veulent rester au sein de l’Union sacrée estiment qu’ils peuvent encore influer au sein de la plateforme politique et des institutions. En interne, on cherche surtout une troisième voie, qui permettrait de marquer ses distances avec le bilan très contesté de Félix Tshisekedi, mais sans rupture violente.
Un numéro d’équilibrisme entre Fayulu et Tshisekedi qu’il sera pourtant difficile de tenir devant ses militants à Kisangani.
Christophe Rigaud (Afrikarabia)