Aucune condamnation du Rwanda, le M23 non reconnu comme un groupe terroriste
C’est mains et pieds presque liés que la République Démocratique du Congo s’est présentée, lundi à Nairobi devant ses bourreaux, principalement le Rwanda et l’Ouganda, conviés tous à un conclave de l’EAC (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est).
Kinshasa n’a finalement récolté qu’une maigre motion de cette rencontre qui a été convoquée à l’initiative du président kenyan, Uhuru Kenyatta. A Nairobi, Kinshasa a tout concédé, sans réussir à faire valider sa thèse d’une agression dont il est victime de la part de son voisin, le Rwanda, ou encore de la classification du M23 comme un groupe terroriste. Bien au contraire, les pays de l’EAC ont levé l’option de pousser Kinshasa à privilégier la solution politique, autrement se retrouver autour d’une table avec les rebelles du M23.
Plus loin, la RDC, représentée à l’occasion par le Président Félix Tshisekedi a adhéré au projet de déploiement d’une force régionale de l’EAC dans la ceinture de l’Ituri jusqu’au Nord-Kivu.
Contrairement à ce qui se dit à Kinshasa, dans un tweet, le chef de l’Etat ougandais, Yoweri Museveni, a tenu à dissiper tout malentendu, estimant qu’aucun pays de l’EAC, y compris certainement le Rwanda, ne sera exclu de cette force régionale. «Il faut travailler ensemble», a d’ailleurs lancé le président ougandais.
C’est dire que le conclave de Nairobi a accouché d’un cocktail qui ne laisse aucune marge à la RDC.
A Nairobi, le Rwanda s’en est sorti sans égratignure alors que le M23 garde l’épithète prestigieux de groupe armé ou rébellion au même titre que les autres qui écument l’Est de la République Démocratique du Congo.
« Dans les recommandations de Nairobi, les terroristes du M23, création du Rwanda, sont considérés comme des rebelles congolais. Le Rwanda n’est pas cité comme agresseur … Preuve de l’inefficacité de notre diplomatie. En ce moment difficile, la RDC a besoin d’un gouvernement compétent », a écrit sur Twitter, Stève Mbikayi, résumant le sentiment ambiant parmi les Congolais.
Incroyable humiliation subie par la RDC qui a tout subi lors des discussions, certes tendues à certains moments.
Dans ce marché des dupes où la RDC est encore une fois le dindon de la farce, c’est le Rwanda qui sort gagnant. Ce n’est pas par hasard que le président Paul Kagame a effectué en personne le déplacement de Nairobi. Il était sûr que rien de fâcheux ne toucherait à la respectabilité de son pays qui reçoit le sommet de la prestigieuse organisation Commonwealth. La diplomatie rwandaise avait balisé la voie afin que l’atterrissage ne cause pas de tort à Kigali qui est même venu en position de donneur de leçon à Kinshasa qu’il continue d’accuser de connivence avec les génocidaires de FDLR.
Pire, Kagame est venu en défenseur d’une communauté «minoritaire» congolaise qui est martyrisée, voire qui serait en voie d’extermination. En cela, Kagame est aidé par des marginaux qui s’étaient déployés avec des machettes en mains pour en découdre avec des Rwandophones. Un piège qui s’est refermé sur les autorités de Kinshasa lors des discussions de Nairobi.
Heureusement que les institutions politiques et la Société civile ont pris position clairement contre ce discours de haine qui n’a pas lieu d’être et qui est mis en avant en République démocratique du Congo où toutes les tribus prises individuellement sont des minorités.
La rencontre de Nairobi a donc accouché de cette force régionale qui ne comprendrait pas en son sein les éléments de l’armée rwandaise, selon la presse présidentielle congolaise, mais qui serait « collective », donc incluant tous les Etats de l’EAC, selon Museveni.
Cette force régionale est une belle manière d’endormir, en attendant les envahisseurs raffermissent leur position dans l’Est de la RDC.
Kinshasa ne tire aucun dividende de la rencontre de Nairobi. Bien au contraire, il s’est tiré une balle dans les pieds, se laissant entraîner dans un traquenard qui ne lui donne qu’une infirme marge de manœuvre. Bref, Kinshasa a été berné. De la plus vile manière.
L’échec diplomatique est bien là. Mais, en pareille circonstance, le plus important est de transformer l’échec en une victoire. Ici, il faut obtenir l’effectivité de l’exclusion du Rwanda de cette force régionale pour paraître sérieux aux yeux du peuple congolais et du monde. Le chef de l’Etat qui a tout donné aux voisins au nom de la paix est dans l’obligation de se rassurer que cette force sera efficace et devra quitter le sol congolais une fois sa mission terminée ou une fois la RDC en aurait exprimé le souhait.
Voici le communiqué ayant sanctionné lundi le conclave de Nairobi.
Econews
Troisième Conclave des Chefs d’Etat sur la République Démocratique du Congo
Le Processus de Nairobi
- En date du lundi 20 juin 2022, Son Excellence Uhuru Kenyatta, Président de la République du Kenya, a convoqué, à Nairobi, un Sommet à sept parties constituant le 3ème Conclave des Chefs de l’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) sur la situation de paix et de sécurité qui prévaut dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Le Sommet a connu la participation de Son Excellence Yoweri Museveni, Président de la République d’Ouganda; Son Excellence Paul KAGAME, Président de la République du Rwanda; Son Excellence Salva KIIR Mayardit, Président de la République du Sud Soudan; Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la RDC; et Son Excellence Evariste NDAYISHIMIYE, Président de la République du Burundi. La Présidente de la République Unie de Tanzanie était représentée par S.E. Dr John Steven Simbachawene, ambassadeur de Tanzanie au Kenya.
Les chefs d’Etat ont délibéré sur la situation sécuritaire prévalant dans l’Est de la RDC et sur les mesures visant à promouvoir la paix, la stabilité et le développement dans l’Est de la RDC et dans la région plus élargie de l’Afrique de l’Est. - S’engageant à contribuer à la reì conciliation et à une paix durable et déterminés à trouver une solution rapide et durable au conflit en RDC, en particulier dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu ainsi que de l’Ituri. Ils ont reconnu la suprématie de la Constitution de la RDC et se sont engagés à maintenir un pays unifié et sécurisé, avec des institutions cohérentes et crédibles du gouvernement central exerçant une autorité totale sur son territoire et reconnaissant que les voies pacifiques constituent la meilleure façon de résoudre les conflits.
- Le Conclave a commencé par un exposé détaillé sur le volet militaire. Cet exposé a été présenté par le chef d’état-major du Kenya, le Général Robert Kibochi, en sa qualité de Président du comité des chefs d’état-major de la Communauté d’Afrique de l’Est. Cet exposé faisait suite à une réunion des chefs d’état-major qui s’est tenue le dimanche 19 juin 2022 à Nairobi. Etaient présents à cette réunion les chefs d’état-major des sept (7) pays partenaires de l’EAC. Le briefing a défini le problème, mis en évidence l’analyse de la menace, le Concept d’Opérations (CONOP), l’Accord sur le Statut des Forces (SOFA), les Règles d’Engagement (ROE) et d’autres règlements juridiques et techniques pour faciliter l’opérationnalisation de la force régionale et de ses différentes bras opérationnels.
Les chefs d’Etat ont accepté et adopté la CONOP, le SOFA et les ROE tels que présentés par les chefs d’état-major pour une mise en œuvre immédiate. Ce faisant, les chefs d’Etat ont donné des instructions pour que la Force Régionale, en coopération avec les forces militaires et administratives de la RDC, cherche à stabiliser et à garantir la paix en RDC. La Force Régionale devrait également coopérer dans la mise en œuvre du processus de désarmement et de démobilisation. - La Force Régionale qui sera constituée en tant que force de la Communauté d’Afrique de l’Est en vertu du Protocole de l’EAC sur la Paix et la Sécurité et de l’Article 124 du Traité de l’EAC sur la Paix et la Sécurité Régionales et de l’Article 125 sur la coopération en matière de défense. La Force Régionale a reçu son mandat opérationnel et a détaillé sa structure opérationnelle devant les Chefs de l’Etat. Le Secrétaire exécutif de l’EAC était présent à la réunion.
- Le conclave a reçu une note écrite sur le volet politique du processus de Nairobi, qui détaillait les actions et les activités entreprises depuis la dernière rencontre du deuxième Conclave, y compris l’organisation des consultations avec divers groupes armés et rebelles en RDC, dans le cadre du suivi des consultations entreprises par la RDC avec les groupes rebelles à Nairobi.
- Les Chefs d’Etat ont exigé qu’un cessez-le-feu immédiat soit imposé et que la cessation des hostilités commence immédiatement, y compris le retrait des positions récemment prises. Ce faisant, le processus politique devrait être intensifieì par toutes les parties afin de permettre aux citoyens de la RDC de se sentir en sécuritéì et de pouvoir reprendre et poursuivre leurs activités sociales, culturelles et économiques respectives.
- Le conclave a reconnu et réitéré que la confiance, la cessation des hostilités, le cessez-le-feu inconditionnel, la participation aux processus politiques du pays, la priorisation et la participation au développement de la RDC, la citoyenneté, la présence d’éléments étrangers négatifs, le sort des combattants lors de la réintégration et le statut des réfugiés et des personnes déplacées internes en RDC sont parmi les questions essentielles qui nécessitent une résolution concertée, urgente et durable.
- Les chefs d’Etat ont également souligné que tout langage offensant, tout discours de haine, toute menace de génocide et tout autre langage politiquement incitatif doivent cesser et être décourages par toutes les parties et que le peuple congolais doit être encouragé à travailler ensemble afin de stabiliser l’Est de la RDC pour que cette partie du pays prospère.
- A la fin du conclave, le Président Salva KIIR Mayardit a profité de l’occasion pour informer l’assemblée des développements les plus récents et les plus importants du processus politique au Sud-Soudan.
- Les dirigeants ont remercié le Président Uhuru Kenyatta pour avoir convoqué et accueilli le troisième Conclave et ont remercié Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, Président de la République Démocratique du Congo, pour avoir emprunté la voie régionale dans sa détermination à résoudre la situation de paix et de sécurité dans l’Est de la RDC.
- Ainsi fait à Nairobi, Kenya, le 20 juin 2022.