La population congolaise, en général, et kinoise, en particulier, profite souvent de l’irresponsabilité qui caractérise les services de l’Etat pour faire de n’importe quoi. En matière de lotissement des terrains par exemple, les normes sont presque foulées aux pieds à telle enseigne qu’on assiste actuellement à la prolifération des constructions anarchiques allant jusqu’à profaner les cimetières. S’étant personnellement rendu compte de cette réalité sur le terrain, le gouverneur de la ville de Kinshasa a décidé de recourir à une mesure extrême qui consiste à démolir toutes les constructions érigées dans les cimetières de sa juridiction.
« Dura lex, sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi) », dit un adage latin. En effet, appelés, le mercredi 12 octobre 2022 par le gouverneur de la ville de Kinshasa, Gentiny Ngobila, à quitter le cimetière de Kinsuka dans un délai d’une semaine, près d’une centaine de récalcitrants ont, samedi 22 octobre 2022, vu leurs habitations rasées par des bulldozers sous la direction de l’inspecteur provincial de la police pour la ville de Kinshasa, le général Sylvano Kasongo.
Débutée dans la matinée aux environs de 10 heures, cette opération de démolition est intervenue après le passage de l’autorité urbaine qui, dans sa déclaration faite le mercredi 12 octobre 2022, avait précisé qu’il n’est prévu aucune indemnisation pour ceux qui ont construit sur ce site.
«D’ailleurs, toute personne qui oserait réclamer quoi que ce soit, sera arrêtée pour profanation du lieu de repos des morts », avait averti le gouverneur Gentiny Ngobila, avant de rappeler aux Kinoises et Kinois que ce cimetière avait été fermé en 2015 par son prédécesseur parce qu’il n’y avait plus d’espace pour les enterrements. Et depuis, aucune désaffectation de ce site n’a été faite par l’autorité urbaine. «Cela fait sept ans depuis que ce cimetière avait été fermé. Sa désaffection ne peut intervenir que 50 ans après l’inhumation du dernier corps. Nous devons donc continuer à le protéger pour respecter les morts», a-t-il expliqué.
Face à la presse, le chef de l’exécutif provincial de Kinshasa qui a rejoint le général Sylvano Kasongo au cimetière de Kinsuka, s’est dit satisfait d’avoir rétabli les morts dans leur respect à travers l’opération de démolition.
«Un Etat digne de nom doit respecter les endroits où sont enterrés les morts», a-t-il fait savoir, avant d’annoncer la poursuite de démolition des constructions anarchiques jusqu’à la fin du mois d’octobre, voire au-delà.
Cette opération, a indiqué Gentiny Ngobila, va se poursuivre sur d’autres sites, notamment aux cimetières de Kasa-Vubu et Kimbanseke qui, eux aussi, n’ont jamais été désaffectés.
Pour des sanctions exemplaires
Tout en appuyant le gouverneur de la ville de Kinshasa dans sa lutte contre la profanation des cimetières, il y a cependant lieu de souligner que l’Etat a une grande part de responsabilité de cette situation à travers ses services appelés à gérer le secteur des infrastructures.
A une certaine époque, un terrain ne pouvait être loti qu’après une enquête commodo et incommodo menée par les services spécialisés des ministères des Affaires Foncières et d’Urbanisme et Habitat.
Avec la démission de l’Etat et l’abandon de la procédure d’enquête, les prédateurs qui se retrouvent parmi les fonctionnaires et les chefs coutumiers versent dans la cupidité sans être inquiétés. D’où la délivrance des documents fantaisistes «autorisant» des constructions sans aucune autre forme de procès.
Le mal étant profond, des sanctions doivent donc être envisagées à l’endroit des personnes qui se livrent à des pratiques compromettantes.
Véron Kongo