La BAD à la conquête de la réforme financière mondiale : l’ultime bataille d’Akinwumi Adesina

Réunie, du 27 au 31 mai 2024 en assemblées annuelles à Nairobi (Kenya), la Banque africaine de développement (Bad) s’est fixée le pari de réformer l’architecture financière mondiale, née de la Conférence de Bretton Woods en 1944. Dans la capitale kenyane, plus de 8.000 participants, venus de différents horizons, ont été conviés à cette discussion pour aider la BAD à porter haut sa voix. C’est un pari fou dans lequel se lance la Banque africaine de développement. Pour y parvenir, l’Afrique devra adopter un «langage commun», a d’ores et déjà prédit Mahamat Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, présent le mercredi 29 mai 2024 à l’ouverture officielle des assemblées de Nairobi.

Du 27 au 31 mai 2024,
la Banque africaine de
développement (BAD) a tenu ses assemblées annuelles à Nairobi, au Kenya, avec pour objectif ambitieux de réformer l’architecture financière mondiale héritée de la Conférence de Bretton Woods en 1944. Plus de 8.000 participants, représentant un large éventail de perspectives et d’expertises, se sont réunis dans la capitale kenyane pour contribuer à cette discussion cruciale visant à renforcer la voix de la BAD.

L’assemblée a été le théâtre d’une initiative audacieuse, alors que la Banque africaine de développement s’est lancée dans le défi de remodeler les fondements financiers de notre monde. Pour mener à bien cette entreprise colossale, l’Afrique devra unifier ses positions et adopter un «langage commun», comme l’a souligné Mahamat Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine, lors de l’ouverture officielle des assemblées de Nairobi le mercredi 29 mai.

LE NOUVEAU CHALLENGE D’AKINWUMI ADESINA
Pour son président, le Nigerian Akinwumi Adesina, qui est à sa dernière année à la Bad, l’essentiel était de marquer les esprits en faisant valoir l’autre son de cloche de l’Afrique. En réalité, la Bad est bien consciente qu’elle se lance dans un pari fou, dont la réalisation dépendra de la main politique des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres. Ce qui n’est pas évident. A première vue d’ailleurs.

Pour preuve à Nairobi,  c’est un petit échantillon de chefs d’Etat et de gouvernement africains qui ont répondu à l’invitation de la Bad. Outre le président kenyan William Ruto, seuls le Rwanda, le Congo-Brazzaville, la Somalie, la Libye et le Zimbabwe ont été représentés au plus haut. C’est donc devant un parterre réduit de chefs de l’Etat que la BAD a lancé son appel à une mobilisation générale pour la réforme, vise-t-elle, de l’architecture financière mondiale. Le pari est relevé, mais le président Adesina y croit.

A une année de son mandat de 10 ans passé aux commandes de la BAD – il cède son fauteuil en 2025 aux assemblées de la Côte d’Ivoire – Dr Akinwumi Adesina veut laisser une empreinte indélébile.

D’ores et déjà, au-delà de ce combat pour la réforme de l’architecture financière mondiale, le président Adesina s’est lancé sur un autre front, c’est celui de la reconstitution du 17ème FAD (Fonds africain de développement), ce guichet concessionnel de la Banque, à hauteur de 25 milliards USD. En effet, la 16e reconstitution des ressources, qui a permis de recueillir un montant historique de 8,9 milliards de dollars US en décembre 2022, devrait s’achever en 2025.

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En marge des assemblées annuelles, le président Ruto a fait le premier pas en annonçant solennellement l’apport de 20 millions de dollars US de son pays, le Kenya, à la constitution du FAD. «Je continuerai à plaider vigoureusement en faveur de la 17e reconstitution des ressources du Fonds africain de développement. Le Kenya a bénéficié de ressources mises à sa disposition par le Fonds», a déclaré le président Ruto.
D’autres devaient en principe lui emboîter le pas. C’est le vœu exprimé par le président Adesina.

Dans un autre tableau, il a également annoncé l’augmentation du capital social de la Banque qui devait passer de 201 milliards USD à 318 milliards donnant plus de marge de manœuvre à la Banque.

C’est dire que les pays membres, régionaux et non régionaux, devraient, encore une fois, mettre la main dans la poche pour des apports frais à la trésorerie de la Banque.

LA GRANDE INCONNUE
A Nairobi, toutes les rencontres et discours officiels ont tourné autour du thème central de ces assemblées annuelles, c’est-à-dire la réforme de l’architecture financière mondiale. Il y a cependant un préalable sur lequel tous les pays africains doivent se mettre d’accord avant de s’engager dans cette bataille. C’est le langage commun.

Au cours du dialogue présidentiel qui a suivi, le mercredi 29 mai 2024, l’ouverture officielle des assemblées annuelles de la BAD au Kenyatta International Convention Centre, de chefs d’Etat et de gouvernement, présents à Nairobi, sont largement revenus sur la nécessité pour les pays africains d’adopter un langage commun dans le combat que se propose de mener la BAD pour parvenir à la réforme de l’architecture financière mondiale. Ce vœu a été clairement exprimé par Mahamat Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine.

Si ce haut fonctionnaire de l’UA a pris la décision de lancer ce message de l’unité autour de la réforme de l’architecture financière mondiale, il en sait certainement quelque chose. En rapport avec sa position de leader de la Commission de l’UA, il sait parfaitement bien les nombreux dysfonctionnements entre pays africains chaque fois que l’Afrique se propose de s’engager dans une bataille pour protéger et revendiquer ses intérêts.

La réunion de Nairobi a suscité un grand intérêt et de vives attentes, alors que les participants ont débattu des moyens de renforcer le rôle de l’Afrique dans la refonte de l’architecture financière mondiale. Les enjeux sont considérables, et la BAD s’est positionnée en tant que leader visionnaire, prête à s’engager dans des réformes audacieuses pour façonner un avenir financier plus équitable et inclusif pour le continent africain et le monde entier.

Le défi de la BAD ne passe pas inaperçu, car il s’agit là d’une tentative ambitieuse pour influencer les dynamiques financières mondiales et mettre en place des mécanismes qui reflètent mieux les réalités et les besoins de l’Afrique. Les échos de cette initiative novatrice retentiront bien au-delà des frontières du continent, et les débats de Nairobi ont déjà jeté les bases d’une conversation mondiale essentielle sur l’avenir de la finance mondiale.

Alors que le monde entre dans une nouvelle ère de défis et d’opportunités économiques, l’initiative de la BAD à Nairobi offre une lueur d’espoir et un puissant moteur de réflexion pour imaginer un avenir financier plus juste et plus solidaire pour tous.

C’est dire que la bataille pour la réforme de l’architecture financière mondiale se joue sur un terrain essentiellement. En marge des assemblées annuelles, la Banque africaine de développement a courageusement porté ce projet. C’est maintenant le volet politique qui doit prendre le relai pour l’amener à bon port.

A Nairobi, la BAD a joué sa partition. Aux politiques du continent de faire le reste pour réussir le pari osé de la réforme de l’architecture financière mondiale sans laquelle l’Afrique n’aura jamais accès aux ressources nécessaires pour son développement.

Faustin K. (De retour de Nairobi)