La Cour européenne des droits de l’Homme bloque le premier rapatriement des réfugiés : désillusion à Kigali

Le 14 juin 2022, des migrants arrivés sur le sol britannique devaient être acheminés par avion au Rwanda, selon un accord récemment passé entre Kigali et Londres. Cette externalisation de la politique migratoire est sévèrement dénoncée par la plupart des organisations de défense des droits humains britanniques et du monde.
Le plan machiavélique du Rwanda sur un projet contesté de transfert, sur son sol, des réfugiés expulsés du Royaume-Uni marque son premier faux pas. Mardi 15 juin dernier, dans la soirée, Londres a annulé son premier vol censé amener à Kigali sept migrants expulsés de son territoire. Coup dur pour Kigali qui croyait réussir son plan.
La nouvelle a provoqué une vague de réactions dans la capitale rwandaise. Mais du côté des autorités, «Le Rwanda veut rester pleinement engagé dans son partenariat avec Londres» laisse-t-on entendre malgré l’opposition de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme.
Annoncé avec pompe par Kigali en avril 2022, l’accord signé avec Londres pour recevoir les migrants demandeurs d’asile se trouvant au Royaume-Uni devrait apporter plus de 120 millions de dollars américains. Des réactions se sont multipliées depuis lors.
Le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés et plusieurs autres organisations de défense de droits de l’homme ne cachent pas leur opposition à ce projet discriminatoire et considéré raciste par plusieurs organisations de défense de droits de l’homme. Plusieurs autres organisations, à l’échelle mondiale ne cessaient de décrier l’application d’un tel projet.
Du côté de Kinshasa, dont la tension a atteint l’insupportable, on suit la situation de plus près. Certaine opinion pense que ces migrants peuvent être utilisés pour nuire à la sécurité intérieure du pays.
Au Rwanda, l’arrivée de ces premiers migrants venant du Royaume-Uni était attendue avec enthousiasme. Mais la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) bloque, in extremis, le mardi dernier, le départ de ce premier vol qui devait quitter le Royaume-Uni vers le Rwanda et qui devait transporter sept migrants. Un coup d’arrêt pour le gouvernement rwandais.
À l’origine, les autorités britanniques comptaient expulser jusqu’à 130 migrants (iraniens, irakiens, albanais ou syriens) dans ce premier vol, un chiffre qui s’est réduit comme peau de chagrin à la suite de divers recours individuels.
L’instance européenne, située à Strasbourg, a demandé que la justice britannique tranche sur la légalité de ce projet de loi qui prévoit l’expulsion de demandeurs d’asile présents au Royaume-Uni vers le Rwanda, quel que soit leur pays d’origine. Un accord auquel s’opposent le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés et de nombreuses ONG.
Au Rwanda, le fait que ces migrants ne soient pas venus, est une perte pour le pays et le grand public, car, selon l’opinion, leurs moyens de subsistance auraient profité au pays. Une perte pour Kigali.
Le gouvernement de Kigali, fréquemment accusé de violations des droits de l’homme, rejette avec force les critiques selon lesquelles le Rwanda ne serait pas un pays sûr pour les migrants.

Londres veut passer outre les décisions de la CEDH
Le ministre de la Justice britannique Dominic Raab a estimé jeudi que la Cour européenne des droits de l’Homme n’aurait pas dû bloquer l’expulsion de migrants au Rwanda, avertissant vouloir légiférer pour pouvoir ignorer certaines injonctions de cette instance.
Mardi soir, un avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d’euros était prêt à décoller d’une base militaire anglaise, quand la CEDH, juridiction du Conseil de l’Europe veillant au respect de la Convention européenne des droits de l’Homme, a exprimé son opposition.
La Cour basée à Strasbourg a estimé que la justice britannique devait examiner dans le détail la légalité du dispositif, ce qui est prévu en juillet, avant d’expulser des migrants.
Dominic Raab a souligné que la justice britannique – Haute Cour, Cour d’appel et Cour suprême – avait examiné des recours en urgence effectués par des défenseurs des droits de l’Homme et des soutiens des réfugiés et ne s’était pas opposée aux expulsions.
«Je pense que lorsque trois tribunaux – et j’ai un grand respect pour le système judiciaire de ce pays –, ont écarté le sujet, il n’est pas juste que Strasbourg intervienne comme elle l’a fait », a déclaré le ministre sur SkyNews.
«La Cour de Strasbourg a elle-même déclaré depuis de nombreuses années qu’elle n’avait pas le pouvoir de faire des injonctions contraignantes. Et puis plus tard, ils ont dit : «En fait, nous pouvons rendre de tels jugements contraignants. Ce n’est pas fondé sur la Convention (européenne des droits de l’Homme) », a déclaré le ministre.
La récente décision de la CEDH renforce, selon lui, le besoin pour le Royaume-Uni de réformer la législation sur les droits de l’Homme, avec une nouvelle « Bill of Rights » (déclaration des droits) qui ferait en sorte que le gouvernement puisse ignorer ce type de décisions de la CEDH.

Econews