Interrogée au micro de BFMTV, la ministre des Affaires étrangères a annoncé que la France va débloquer cinq millions d’euros pour aider les ONG déjà présentes au Maroc. La cheffe de la diplomatie française s’est par ailleurs attachée à étouffer la polémique sur les raisons pour lesquelles le Maroc, actuellement en froid avec Paris, n’a pas saisi la proposition d’aide de la France après le séisme dévastateur survenu ce week-end.
Journée difficile pour Catherine Colonna. La cheffe de la diplomatie française a cherché à éteindre la polémique qui a commencé à voir le jour ce lundi sur les raisons pour lesquelles le Maroc, actuellement en froid avec Paris, n’a pas saisi la proposition d’aide de la France après le séisme survenu ce week-end, qui a fait près de 2.700 victimes. Ceci alors que Rabat a en revanche accepté dimanche soir l’aide de quatre pays, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis, et qu’Emmanuel Macron a déclaré dès samedi matin que la France était prête à intervenir «à la seconde» où les autorités marocaines le demanderaient.
Le Maroc a justifié sa position en estimant notamment «qu’une absence de coordination pourrait être contre-productive». D’autres offres pourraient être acceptées à l’avenir «si les besoins devaient évoluer», a précisé le gouvernement marocain.
Sahara
Mais au-delà de ce discours de façade, Pierre Vermeren, historien et professeur à l’Université de la Sorbonne, estime, dans un entretien à l’AFP, que le choix de Rabat est un « signe politique clair» du froid entre les deux pays. Une tension marquée par l’absence d’ambassadeur du Maroc en France. Ces tensions ont commencé il y a plus de deux ans avec la révélation du scandale Pegasus qui aurait permis aux autorités marocaines d’écouter le téléphone personnel d’Emmanuel Macron. Surtout, elles se sont accentuées depuis le rapprochement de la France et de l’Algérie, laquelle a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec le Maroc.
L’Etat marocain déplore le refus de Paris de bouger les lignes sur le dossier du Sahara occidental contrôlé à près de 80% par le Maroc. Contrairement aux Etats-Unis et Israël, la France n’a pas reconnu la « marocanité » du Sahara occidental, alors que l’Espagne estime que le plan de Rabat proposant un plan d’autonomie sous sa souveraineté est «la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend». Des restrictions dans l’octroi de visas aux Marocains, levées en décembre dernier, ont aussi grippé la relation.
Sans présager de l’aide future qui pourrait être demandée quand des dizaines de milliers de personnes auront besoin de se reloger provisoirement, Pierre Vermeren voit par conséquent « un message » signalant que le Maroc préfère pour le moment «s’entourer de monarchies amies » plutôt que de se tourner vers la France qui entretient «de bonnes relations avec les Algériens » au «détriment » du Maroc.
«Le Maroc est un pays souverain »
«C’est une mauvaise querelle, une querelle tout à fait déplacée », a déclaré la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna, sur la chaîne BFMTV. «Le Maroc n’a refusé aucune aide, aucune proposition », a-t-elle ajouté, martelant que «le Maroc est souverain ».
Le pays «est seul en mesure de déterminer quels sont ses besoins et le rythme auquel il souhaite que des réponses soient apportées », a-t-elle ajouté.
« Le Maroc est un pays souverain et c’est à lui d’organiser les secours », a réagi Catherine Colonna sur la chaîne d’information BFMTV, précisant que le pays n’avait «refusé aucune aide » venant notamment de Paris.
Catherine Colonna a assuré que les relations étaient loin d’être rompues, soulignant qu’Emmanuel Macron avait échangé « à de nombreuses reprises » au cours de l’été avec le roi du Maroc Mohammed VI. Elle a, elle-même, longuement échangé avec son homologue marocain dimanche. «Tous les contacts sont pris à tous les niveaux. Mettons ça (les tensions) de côté. Des gens souffrent. Des gens ont besoin d’aide », a-t-elle insisté.
La diplomatie française use d’autres canaux pour apporter de l’aide aux sinistrés au Maroc. Une aide de 5 millions d’euros va être débloquée par la France pour aider les ONG qui sont actuellement « sur place » et apportent leur secours après le séisme meurtrier survenu vendredi dans le pays et qui a fait plus de 2.100 morts, a annoncé la ministre française des Affaires étrangères au micro de BFMTV, ce lundi.
Près de 2.700 morts
Sur le terrain, une véritable course contre la montre s’est engagée. Les secouristes ont accéléré les recherches dimanche pour tenter de retrouver des survivants coincés sous les décombres de villages rasés par le puissant séisme qui a touché le sud-ouest de la cité touristique de Marrakech. De magnitude 7 selon le Centre marocain pour la recherche scientifique et technique (6,8 selon le service sismologique américain), il est le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc.
Le bilan provisoire du violent séisme est monté à 2.681 morts, a annoncé lundi le ministère de l’Intérieur. Un deuil national de trois jours a été décrété samedi. Les drapeaux sur les bâtiments officiels ont été mis en berne et une « prière de l’absent » a été accomplie dans l’ensemble des mosquées du royaume pour l’âme des victimes.
2.862 morts et 2.562 blessés selon le dernier bilan
Le bilan du séisme qui a frappé le Maroc ne cesse de s’alourdir. Le tremblement de terre le plus meurtrier dans le royaume depuis plus de 60 ans, a détruit vendredi soir des villages entiers dans une région située au sud-ouest de Marrakech (centre), faisant 2.862 morts et 2.562 blessés, d’après les derniers chiffres publiés lundi soir.
D’une magnitude 7 d’après le Centre marocain pour la recherche scientifique et technique (6,8 selon le service sismologique américain), il est le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc.
Pour mener les opérations de sauvetage, le Maroc n’a accepté les offres que de quatre pays d’envoyer des équipes de recherche et sauvetage, à savoir l’Espagne, la Grande-Bretagne, le Qatar et les Emirats arabes unis. La proposition d’Emmanuel Macron dès samedi matin d’intervenir «à la seconde » où les autorités marocaines le demanderaient n’a, elle, pas reçu de réponse favorable. Le Maroc a justifié sa position en estimant notamment «qu’une absence de coordination pourrait être contre-productive ». D’autres offres pourraient être acceptées à l’avenir « si les besoins devaient évoluer », a précisé le gouvernement marocain.
Le chef de ce dernier, Aziz Akhannouch, a assuré lundi lors d’une réunion consacrée à la reconstruction des logements détruits dans les zones sinistrées que les citoyens touchés « recevront des indemnités (…) une offre claire sera annoncée prochainement ». Selon lui, des solutions sont actuellement à l’étude pour les nombreuses personnes sans abri.
Des zones encore difficiles d’accès
L’épicentre de la secousse se trouve dans une zone montagneuse du Haut-Atlas, rendue difficile d’accès par les éboulements et la coupure des communications, et secourue en hélicoptères. Les villages qui s’y trouvent restent donc toujours inaccessibles.
L’armée marocaine a néanmoins installé des hôpitaux de campagne pour soigner les blessés dans les zones enclavées, comme dans le village d’Asni, dans la province sinistrée d’Al Haouz, à un peu plus d’une heure de Marrakech. Plus de 300 patients y ont déjà été admis, a affirmé à l’AFP le médecin colonel Youssef Qamouss.
«On évalue la gravité, donc les patients graves, on les envoie vers Marrakech. Nous disposons également d’une unité de radiologie, d’un laboratoire et d’une pharmacie », a-t-il expliqué à l’AFP.
«La grande difficulté réside dans les zones éloignées et difficiles d’accès comme ici, mais les blessés sont héliportés », a confirmé à l’AFP la cheffe de l’équipe espagnole, Annika Coll. Selon des correspondants de l’AFP, des secouristes espagnols étaient, en effet, présents lundi dans deux localités frappées par le séisme au sud de Marrakech, TalatNyaqoub et Amizmiz. « C’est difficile à dire si les chances de trouver des survivants s’amoindrissent, car par exemple en Turquie (frappée par un très violent séisme en février), nous avons réussi à trouver une femme vivante après six jours et demi. Il y a toujours de l’espoir, a-t-elle ajouté. Il est aussi important de retrouver les corps sans vie, car les familles doivent savoir et faire le deuil ».
Avec La Tribune Afrique