La gifle de Koffi

Pour avoir osé dire ce que les Congolais qui ont encore la tête sur les épaules, ceux qui se gardent d’hurler avec les loups, qui ont encore les yeux en face des trous ne disent pas tout haut, la star de la musique congolaise Koffi Olomide en a pris pour son grade. Et avec lui, le célèbre animateur de la télévision publique Jessy Kabasele.

Invité de l’émission «Le Panier Morning show», le roi du Tchatcho n’y est pas allé par quatre chemins, exprimant à sa manière son patriotisme outré face à l’agression rwandaise dans la province du Nord-Kivu.

Dans un langage fleuri qu’on lui connaît, il a dit tout haut qu’il n’y a pas de guerre dans l’Est du pays : « On nous gifle, on fait de nous ce qu’on veut ». Selon lui, les militaires congolais ne jouissent pas d’un soutien adéquat, avant de s’étonner du changement intervenu à la tête du ministère de la Défense en temps de « guerre ».

Il n’en fallait pas plus pour que les deux croulent sous une volée de bois vert. L’animateur et son émission sont suspendus. Le très politique Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication (CSAC) les convoque, peu importe si Koffi n’est pas membre d’un quelconque organe de presse. Mais le crime est suffisamment grave, estime-t-on, pour mettre le holà sur cette manière de propager des faux bruits que la justice n’hésite pas à assimiler à un crime de lèse-majesté.

Certes à l’heure où les condamnations à mort pleuvent sur des militaires accusés de lâcheté et fuite devant l’ennemi, Koffi ne risque pas de connaître le même sort.

Le tout premier ambassadeur de la Culture congolaise, détenteur d’un passeport diplomatique, régulièrement invité aux somptueuses agapes présidentielles, jouit d’une protection certaine. Ce qui ne l’autorise évidemment pas à se lâcher passant outre le climat ambiant qui interdit la moindre pensée ou toute réflexion personnelle de peur d’être accusé du crime ultime de faire le jeu de l’ennemi.

L’interpellation de Koffi Olomide et les malheurs de Jessy Kabasele sonnent comme autant d’avertissements : à ceux qui s’imaginent qu’ils peuvent évoquer la liberté d’expression, sous prétexte qu’elle figure en bonne place dans la Constitution, et qu’elle constitue l’un des droits de l’homme les plus inaliénables.

Les temps ont changé. Ou vous vous alignez, ou vous la fermez. Car tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Surtout ne pas croire que le pays n’est pas loin de basculer dans la pensée unique, où même tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir ne sera d’aucun secours.

Koffi Olomide l’aura appris à ses dépens. Il l’a reconnu jeudi devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication.

Mwin Murub Fel