La Tunisie dans une situation financière de plus en plus critique

L’année 2023 s’annonce «compliquée» si la Tunisie n’obtient pas rapidement le feu vert du Fonds monétaire international au prêt annoncé il y a plusieurs mois, a averti cette semaine le gouverneur de la Banque centrale Marouane El Abassi.
«2023 va être une année compliquée si on n’a pas d’accord avec le Fonds». Devant la presse cette semaine, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Marouane El Abassi a fait part de ces inquiétudes pour la nouvelle année, alors que Tunis attend toujours un prêt du Fonds monétaire international (FMI) de près de deux milliards de dollars annoncé en octobre qui doit lui redonner une bouffée d’oxygène.
Après une année 2022 éprouvante pour les Tunisiens, aussi bien sur le plan politique qu’économique, 2023 ne s’annonce pas plus simple. Le second tour des législatives, dont la date n’a pas été fixée, ne devrait pas susciter davantage d’enthousiasme que le premier tour en décembre, qui a attiré moins de 12 % des électeurs. L’enthousiasme des Tunisiens est retombé depuis le coup de force il y a un an et demi du président Saïed, qui concentre désormais tous les pouvoirs entre ses mains.
Sur le plan économique surtout, la crise n’a cessé de s’aggraver. Les pénuries de produits de première nécessité se sont multipliées et l’inflation a dépassé les 10 %, tandis que la croissance restait anémique, (autour de 1,8 % en 2022, selon le gouvernement). «L’année 2023 sera difficile pour les Tunisiens», a également averti fin décembre le ministre de l’Economie Samir Saïed, cité par les médias nationaux. Il explique principalement l’inflation par le conflit en Ukraine qui a renchéri les prix du pétrole et des céréales, dont la Tunisie est très dépendante.

Des législations en retard
La réunion du FMI prévue en décembre pour approuver le prêt à Tunis a été reportée sine die. Pour expliquer ce report, le gouverneur de la Banque centrale indique que plusieurs législations demandées par le FMI n’étaient pas prêtes : la loi de finances 2023 – finalement présentée fin décembre -, une loi sur les taux excessifs et une autre qui doit restructurer les entreprises publiques tunisiennes, lourdement endettées.
Cette dernière loi a «fait l’objet d’une longue discussion et va passer devant le conseil des ministres», a précisé Marouane El Abassi. «Une fois qu’elle sera passée, on sera capables d’aller devant le conseil d’administration du FMI», a-t-il ajouté, ajoutant que «le plus tôt sera le mieux».
Tunis a d’autant plus besoin de ce prêt que la loi de finances 2023 prévoit une hausse de la dette pour combler son déficit budgétaire. Celui-ci doit être réduit de 7,7 % à 5,5 %, selon le budget présenté par le gouvernement et approuvé par KaïsSaïed, grâce à une forte augmentation des recettes fiscales. Sur les 46 milliards de dinars de recettes, 40,5 milliards proviendront des impôts, soit une hausse de plus de 15 % par rapport à l’année dernière.

Le secteur privé mis à contribution
Les entreprises du secteur privé seront mises à contribution pour remplir les caisses de l’Etat : les taux d’imposition seront unifiés à la hausse avec la disparition du taux à 10 % au profit de ceux à 15 % et 35 %, tandis que la contribution sociale de solidarité (CSS) qui leur est applicable augmentera. Un impôt sur la fortune immobilière sera aussi créé, la TVA pour certaines professions libérales sera relevée de 13 à 19 %. Cette annonce a poussé l’Ordre national des avocats tunisiens à organiser jeudi une « journée de colère » sur les marches du Palais de Justice de Tunis.
Les dépenses colossales de l’Etat, en revanche, ne baissent pas. Elles vont même progresser de 14 % à près de 54 milliards de dinars. L’enveloppe consacrée aux fortes subventions des produits de base (pain, sucre, pâtes, lait, etc.) va cependant diminuer d’un tiers, une réforme très impopulaire mais que Tunis s’est engagée à mener auprès du FMI.

Menace sur les subventions alimentaires en Tunisie
Alors que l’inflation atteint des records, «la levée progressive des subventions sur les produits de base, notamment énergétiques» va «augmenter de manière importante sur trois-quatre ans» les prix de ces produits, a averti le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Il a d’ailleurs défendu la récente décision de la Banque centrale de relever son taux directeur à 8 %, critiquée par le gouvernement tunisien. Même si cette décision va «freiner la croissance», prévue à 2,1 % cette année, la Banque centrale n’a «pas beaucoup d’autres outils» pour lutter contre l’inflation, qu’il prévoit à 11 % en 2023, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le gouvernement tunisien a présenté cette semaine un plan de développement pour 2023-2025. Il mise fortement sur les investissements du secteur privé, surtout dans le secteur industriel, dont le poids doit passer de 15 % à 18 % du PIB. Il prévoit aussi une nette reprise de la production des phosphates, l’une des rares ressources naturelles du pays, et une agriculture plus «verte».

Econews avec AFP