Il y a presqu’un an, en avril 2021, le président Félix Tshisekedi a nommé Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge comme son nouveau Premier ministre. Une conséquence de la rupture avec son allié et prédécesseur Joseph Kabila à la tête du Front commun pour le Congo (FCC).
Autour du Chef de l’État une nouvelle coalition au pouvoir a émergé. Elle est dénommée Union sacrée de la nation (USN). Le nouveau gouvernement de Sama Lukonde a immédiatement lancé un ambitieux programme dont les effets tardent à se faire sentir : état de siège instauré dans deux provinces orientales pour y combattre l’insécurité, révision des grands contrats miniers et forestiers et plan visant à rendre les soins de santé et l’école primaire gratuits pour tous les Congolais.
Ce rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC, avec le Bureau d’études, de recherche et de consulting international (Berci) présente les résultats de leur sondage réalisé en décembre 2021. Cette étude interroge essentiellement les trois ans de pouvoir de Félix Tshisekedi. Après une période de grâce pour le nouveau régime, nous assistons à une érosion d’opinions favorables : seuls 29 % des Congolais interrogés en décembre 2021 affirment avoir une bonne opinion du président Tshisekedi. Un score très en deçà des 54 % enregistrés en mars 2021 et des 58 % de février 2021.
La mesure forte du gouvernement Sama Lukonde, consistant à instaurer l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu est aussi confrontée à la même défiance populaire. En décembre 2021, ils n’étaient plus que 43 % des Congolais interrogés à avoir une bonne opinion de cette mesure exceptionnelle contre 63 % en septembre de la même année, soit une baisse de 20 % en quatre mois. Ces résultats révèlent aussi que la baisse de cote de popularité de Félix Tshisekedi n’a pas forcément profité à ses opposants ou possibles concurrents à la prochaine présidentielle.
L’état de grâce aura duré trois ans pour le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Réalisé en décembre 2021, le nouveau sondage du Bureau d’études, de recherche et de consulting international (Berci), avec le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC, enregistre, en effet, le plus bas taux de popularité du chef de l’État congolais depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Moins de 30 % des Congolais interrogés affirment désormais avoir une bonne opinion du président de la République.
Publié ce jeudi 24 mars 2022 par ces trois organisations, le rapport «L’an 3 de Tshisekedi : la fin de l’embellie ? » révèle la défiance populaire vis-à-vis des représentants politiques, gouvernants et opposants compris. La baisse de la cote de popularité du président Tshisekedi n’a, en effet, pas profité à ses potentiels concurrents à la prochaine présidentielle attendue fin 2023.
Cette déception se propage également envers presque toutes les institutions du pays. Près d’un an après son investiture, le gouvernement de Jean-Michel Sama Lukonde a perdu, de son côté, 20% d’opinions favorables. Concernant l’Assemblée nationale, « notre sondage démontre une tendance inquiétante sur la perception du contrôle de l’exécutif par le pouvoir législatif : plus de 65 % des sondés estiment que le contrôle du gouvernement par les députés nationaux n’est «pas du tout efficace» ou «inexistant». Cette tendance remet en question la capacité de la chambre basse à jouer pleinement son rôle de contrepoids du pouvoir exécutif », souligne Joshua Walker, directeur de programme du GEC. Même les confessions religieuses ont subi un léger refroidissement de leur soutien dans l’opinion publique. Les partenaires étrangers n’échappent pas non plus à cette tendance.
Cette déception pourrait se justifier par la lenteur des réformes. Seulement 45 % des Congolais interrogés en décembre 2021 estiment que l’état de siège instauré en Ituri et dans le Nord-Kivu est une bonne chose, comparé avec 63 % trois mois avant. Par ailleurs, la lutte contre la corruption, autre leitmotiv du gouvernement, peine à convaincre de son efficacité, même si Jules Alingete, inspecteur général des finances – chef de service, est toujours plus populaire que n’importe quel membre de l’exécutif.
«Il est très visible depuis le mandat de Tshisekedi, avec plusieurs sorties médiatiques. Mais beaucoup de Congolais considèrent tout de même que la situation de la gouvernance et de la lutte contre la corruption ne s’est pas améliorée. Les sanctions ont l’air d’être symboliques en lieu et place d’une démarche constante et poussée pour lutter contre la corruption», analyse Fred Bauma, secrétaire exécutif d’Ebuteli.
De fait, il s’observe une grande augmentation de l’indécision. Alors qu’en mars 2021, seuls 4 % des Congolais sondés disaient ne pas avoir une opinion sur le président Tshisekedi, ils sont désormais 28,4 % à être indécis sur la question. Cela pourrait s’expliquer, entre autres, par l’absence d’alternative politique visible. Le nombre de potentiels abstentionnistes pour la présidentielle de 2023 reste aussi inquiétant : seuls 43,6% des Congolais sondés disent avoir l’intention de voter.
Méthodologie du sondage
Le présent sondage a été réalisé du 20 au 24 décembre 2021 auprès de 2 277 personnes âgées de 18 ans et plus. La base de données utilisée provient de notre répertoire national d’enquêtes englobant les 26 provinces de la République Démocratique du Congo (RDC). Elle contient des renseignements sur la répartition géographique et les caractéristiques socio-économiques des répondants : leur classe sociale, leur niveau d’instruction, leur lieu de résidence et leur âge, ainsi que leurs coordonnées GPS.
Les données du sondage ont été pondérées en fonction du milieu (urbain/rural), du sexe et de la localisation géographique des répondants afin que la distribution de ces variables corresponde le plus possible aux données démographiques de l’Institut national de la statistique (INS) et de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), avec une différence de moins de 1% pour les localisations géographiques.
Les résultats de l’enquête indiquent qu’il n’y a pas de différence significative entre les données pondérées et les données brutes, à l’exception de celles se rapportant aux questions liées aux préférences et opinions politiques. Le rapport présente les pourcentages pondérés arrondis au chiffre près. Ce qui pourrait, une fois ces pourcentages additionnés, totaliser plus ou moins 100 %, la marge d’erreur étant de +/- 3%.
Quarante-six enquêteurs et six contrôleurs de Berci, formés en interne aux techniques d’enquête dite Computer Assisted Telephone Interview (CATI), ont effectué les interviews téléphoniques et la supervision de l’enquête. Les questions incomplètes ou présentant des incohérences ou des incompréhensions de la part des enquêtés ont tout simplement été retirées de l’analyse, lors du nettoyage des fichiers.
Les questionnaires ont été conçus en reprenant une série de questions posées lors des enquêtes précédentes du GEC et de Berci, notamment celles de l’an un et deux de Félix Tshisekedi au pouvoir, afin de pouvoir procéder à une analyse comparative.
Rapport Sondage GEC – Ebuteli – Berci (Mars 2022).