Après plusieurs mois de tensions, le gouvernement du capitaine Ibrahim Traoré a mis fin à l’accord autorisant aux 400 membres des forces spéciales françaises de stationner dans ce pays du Sahel. La Russie pourrait en profiter.
Après le Mali en 2022, c’est au tour du Burkina Faso de demander le départ des troupes françaises de son sol, dans un contexte de tensions croissantes entre les deux pays depuis plusieurs mois et alors que Moscou tente d’avancer ses pions.
«Le gouvernement burkinabé a dénoncé mercredi dernier l’accord qui régit depuis 2018 la présence des forces armées françaises sur son territoire», a précisé samedi soir l’Agence d’information burkinabè (AIB). «Cette dénonciation faite le 18 janvier 2023 donne selon les termes de l’accord du 17 décembre 2018 un mois aux Forces armées françaises pour quitter le territoire burkinabé», poursuit l’agence nationale.
Selon une source proche du gouvernement, les autorités ont demandé «le départ des soldats français dans un bref délai». «Ce n’est pas la rupture des relations avec la France. La notification concerne uniquement les accords de coopération militaire», a-t-elle précisé, alors que ce pays sahélien héberge un contingent de près de 400 membres des forces spéciales françaises.
Interrogé à ce sujet lors de la conférence de presse qui s’est tenue dimanche à l’issue de la rencontre entre le président Français et le chancelier allemand Olaf Scholz à Paris, Emmanuel Macron a déclaré attendre «des clarifications» de la part du Burkina Faso sur une éventuelle demande de départ des troupes françaises stationnées dans le pays dans un délai d’un mois. Evoquant «une grande confusion» dans les informations qui ont circulé depuis samedi à Ouagadougou, le président français a expliqué vouloir attendre que le président de transition Ibrahim Traoré «puisse s’exprimer». «Je pense qu’il faut garder beaucoup de prudence», «nous attendons des clarifications de la part de M. Traoré», a-t-il ajouté.
«Personne ne peut dicter ses choix au Burkina»
Mardi 17 janvier, le président de transition, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir dans un putsch fin septembre, le deuxième en huit mois, avait affirmé devant des étudiants que le «combat pour la souveraineté» était «engagé». «Dans les heures à venir vous verrez un certain nombre d’informations tendant à revoir nos relations avec certains Etats», avait-il prévenu. L’option privilégiée par la France serait de redéployer ces forces spéciales dans le Sud du Niger voisin, où sont déjà déployés près de 2 000 militaires français.
La France, ex-puissance coloniale, est contestée au Burkina Faso depuis plusieurs mois. Plusieurs manifestations, la dernière vendredi 20 janvier, ont récemment eu lieu à Ouagadougou pour exiger le retrait de la France du pays. En novembre, un rassemblement devant l’ambassade de France avait dégénéré, au même moment qu’un convoi militaire tricolore était bloqué par une foule en colère.
La semaine dernière, Paris avait dépêché la secrétaire d’Etat Chrysoula Zacharopoulou pour y rencontrer le président de transition. «La France n’impose rien, elle est disponible pour inventer un avenir ensemble», a-t-elle martelé, assurant ne vouloir «influencer aucun choix, ni aucune décision. Personne ne peut dicter ses choix au Burkina».
«La Russie, choix de raison»
Les autorités du Burkina ont récemment manifesté leur volonté de diversifier leurs partenariats notamment en matière de lutte contre le jihadisme qui mine ce pays depuis 2015. Le capitaine Ibrahim Traoré s’est donné pour objectif «la reconquête du territoire occupé par ces hordes de terroristes».
Parmi les nouveaux partenaires envisagés par Ouagadougou, la question d’un éventuel rapprochement avec la Russie est régulièrement évoquée. «La Russie est un choix de raison dans cette dynamique», et «nous pensons que notre partenariat doit se renforcer», a souligné la semaine dernière le Premier ministre burkinabè Apollinaire Kyélem de Tembela, à l’issue d’une entrevue avec l’ambassadeur de Russie Alexey Saltykov. Début décembre, il avait fait une visite discrète à Moscou.
L’été dernier, la junte au pouvoir au Mali voisin avait intimé aux forces françaises de quitter le pays après neuf ans de présence. De multiples sources rapportent que la junte malienne a commencé à faire venir dès fin 2021 le groupe paramilitaire russe Wagner, dont les agissements sont décriés dans différents pays, ce que la junte dément.
Avec liberation.fr et AFP