Le conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo entre la rébellion du M23 et les forces gouvernementales s’intensifie, avec l’armée rwandaise accusée d’utiliser des armements sophistiqués tels que des missiles sol-air, contre un camp de déplacés bombardé lundi et des manifestations anti-Occident à Kinshasa.
Selon un document de l’ONU consulté lundi par l’AFP, un «missile sol-air présumé des Forces de défense rwandaises (RDF) » a visé mercredi dernier, sans l’atteindre, un drone d’observation des Nations unies et aurait été tiré depuis un véhicule blindé dans une zone contrôlée par le M23.
«Des renseignements externes provenant de France confirment que le véhicule blindé de type WZ551, équipé d’un système de missile sol-air, est rwandais », ajoute ce document, dans lequel la mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) pointe une «escalade des forces conventionnelles engagées dans le conflit ».
Toujours selon ce document, «les M23 et l’armée rwandaise » sont également en possession de canons anti-aériens et de systèmes portatifs de défense aérienne de type MANPADS, autant d’équipements qui «constituent une menace à haut risque pour tous les aéronefs du gouvernement de la RDC et de la Monusco dans la région ».
Kigali n’avait pas réagi lundi en fin d’après-midi à ces informations.
Fin janvier, dans une vidéo diffusée sur une chaîne YouTube, Willy Ngoma, un porte-parole du M23, a menacé la Monusco de représailles en l’accusant de « fournir des informations » à l’armée congolaise (FARDC) à l’aide de drones.
Dans cette même vidéo, Willy Ngoma exhibe ce qu’il décrit comme un débris de drone de combat CH-4 appartenant aux FARDC abattu, selon lui, par un combattant du M23.
La province du Nord-Kivu est en proie depuis fin 2021 à un conflit qui oppose le M23 (Mouvement du 23 mars), appuyé par des unités de l’armée rwandaise, à l’armée congolaise associée à des groupes armés et deux sociétés militaires étrangères.
La RDC accuse le Rwanda et ses «supplétifs » du M23 de vouloir faire main basse sur les minerais de l’Est congolais. Le M23 affirme de son côté défendre une frange menacée de la population et réclame des négociations, que Kinshasa refuse, excluant de discuter avec des «terroristes ».
Au moins trois morts
Les combats se sont intensifiés ces derniers jours, notamment autour de Sake, cité située à une vingtaine de km à l’ouest de Goma et considérée comme un «verrou» sur la route de la capitale provinciale.
Le porte-parole de l’armée dans la région, le lieutenant-colonel Guillaume Ndjike, a affirmé lundi que «des bataillons et du matériel FARDC » étaient arrivés «pour la sécurité de la population et la reconquête du terrain ».
Lundi, des affrontements étaient signalés au nord de Goma, tandis que de violents combats se sont poursuivis toute la journée vers Sake, provoquant de nouveaux déplacements de populations.
Une «bombe » est tombée dans le camp de déplacés de Zaïna, à la sortie nord de la ville, faisant au moins trois morts et une dizaine de blessés, selon des sources locales, dont une médicale.
Le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a de son côté écrit sur son compte X qu’une bombe «de l’armée rwandaise » avait été «larguée » dans ce camp de déplacés, «faisant 8 blessés graves ».
«Dans les collines les détonations sont terribles », a témoigné un habitant, ajoutant par ailleurs qu’un convoi de véhicules blindés de la Monusco avait essuyé des jets de pierres de la part de jeunes accusant l’ONU de «collaboration avec l’ennemi ».
La force de l’ONU, présente en RDC depuis près de 25 ans, est accusée d’inefficacité dans la lutte contre les groupes armés, y compris par le gouvernement qui a demandé son départ «accéléré ».
Depuis la semaine dernière, des manifestations ont lieu à Kinshasa et Lubumbashi (sud-est) contre l’ONU, des ambassades ou représentations consulaires accusées d’un supposé soutien au Rwanda.
Lundi, des journalistes de l’AFP ont constaté un renforcement du dispositif policier devant la Monusco et plusieurs ambassades occidentales, tandis que de nouvelles manifestations réunissaient des dizaines de jeunes, qui ont brûlé des pneus sur la chaussée.
«C’est eux qui tuent en RDC, il faut que les Occidentaux en général quittent notre sol », déclarait à l’AFP, non loin de l’ambassade des Etats-Unis, un manifestant prénommé Gédéon.
Par mesure de précaution, des écoles étrangères sont restées fermées lundi.
Avec AFP