Plongez-vous dans la politique du clan Reynders en Afrique ! Dans un article intitulé «Bienvenue en ploutocratie», Kairos avait déjà décrit en 2018, depuis la Belgique, les réseaux africains de Didier Reynders. À une grosse année de la date des élections en République Démocratique du Congo (RDC), nous vous proposons d’actualiser cette véritable toile d’araignée tissée autour du commissaire européen à la Justice et de son protégé, Moïse Katumbi.
Nous allons voir que de nombreuses manœuvres sont en cours visant à permettre à l’ancien gouverneur du Katanga d’accéder à la fonction suprême au Congo. Une règle prévaut dans ce combat : tous les coups sont permis. En effet, l’enjeu est de taille. Les ressources naturelles du Congo n’ont jamais été aussi stratégiques à l’heure de la guerre en Ukraine et des tensions sino-américaines.
Le noyau dur du dispositif
L’équipe d’origine se composait de Reynders et Katumbi, appuyés par le milliardaire Georges Forrest. Autour d’eux, on retrouve leurs fidèles lieutenants. Pour Reynders, il s’agit de Jean-Claude Fontinoy. Ce dernier est plus que jamais obligé d’occuper un rôle de l’ombre après la parution d’un livre écrit par le journaliste Philippe Engels et intitulé «Le Clan Reynders». Dans cet ouvrage, Fontinoy apparaît de façon évidente comme l’exécuteur des basses œuvres de Reynders.
Son alter ego congolais est un certain Salomon Idi Kalonda Della. Ce dernier seconde Katumbi dans la « gestion » de ses affaires. Sur le plan politique, c’est Olivier Kamitatu qui est un opérateur privilégié par le clan Katumbi.
On trouve enfin un personnage digne d’une série télévisée dans l’entourage de la famille Forrest en la personne de Pierre Chevalier. Cet ancien homme politique flamand a été mêlé à un nombre incalculable d’affaires judiciaires. Ce qui ne l’a pas empêché d’être nommé administrateur de Go Congo Holding Belgium et d’autres sociétés de la famille Forrest. Pierre Chevalier était bien présent à l’hôtel Pullman de Kinshasa, le 7 septembre 2022, aux célébrations pompeuses du 100e anniversaire du Groupe Forrest. Outre sa casquette au Groupe Forrest, l’ancien secrétaire d’État de Verhofstadt est aussi actif dans le secteur bancaire en sa qualité de directeur du Board de Equity BCDC. Cela peut toujours être utile.
Autre lien entre Forrest et Katumbi : le football. À la manière d’un Roman Abramovich avec le FC Chelsea, Katumbi, durant de longues années, fera du football son véhicule de communication principale. Le TP Mazembe, club phare de la cité lushoise, devient un poids lourd continental. Il permet surtout à son propriétaire de tisser des liens intéressants et d’être bien vu.
Qui est désormais président du club ? Malta David Forrest, le très belge consul honoraire de la République française à Lubumbashi.
Les personnages clefs
Inutile de dire que Reynders dispose encore de nombreux alliés dans son parti ainsi que dans les structures européennes. Il en va de même pour Katumbi au Congo. Certains personnages moins connus jouent cependant des rôles de l’ombre d’une importance vitale dans cet ordre de bataille.
Hubert Leclercq est le journaliste phare de la Libre Belgique pour l’Afrique. Il est également complètement affidé à l’équipe Reynders-Katumbi avec lesquels il déjeune en ville, sans doute pour se faire servir la soupe. L’affaire du faux diplôme de Félix Tshisekedi, c’est lui. En matière de déontologie et de neutralité journalistique, difficile d’être moins bon.
Rachel Mujinga Mwa-Maneng, née à Kananga, est une amie très proche de Didier Reynders. Elle joue un rôle de liaison entre la RD Congo, l’équipe de Katumbi et celle de Reynders. Son métier de décoratrice permet d’écouler des objets d’art africain servant de monnaies d’échange et de blanchiment.
Bertrand Kirszbaum est le conseiller financier belgo-suisse de Moïse Katumbi. Il est spécialisé dans les sociétés offshores. Cela tombe bien, car Katumbi en raffole. Il ne paie pas d’impôts au Congo. Il est aussi le fer de lance de l’équipe dans des contentieux judiciaires d’envergure, sans oublier son appétit pour les positions d’administrateurs dans diverses sociétés minières directement contrôlées par le clan Katumbi ou pas, sa position au sein de la minière Teichmann étant quelque peu contradictoire, sauf s’il s’agissait de truster le marché katangais.
Autre homme lige de la nébuleuse katangaise, Paul Kaponda. Ancien directeur financier de la société MCK trucks – soi-disant fondée en 1997 par Moïse Katumbi (les documents officiels indiquent plutôt une création de cette société phare de l’empire financier du «Chairman» alors qu’il était déjà Gouverneur du Katanga) – Kaponda est aujourd’hui référent de MCK (Mining Company Katanga) sarl mais aussi, depuis 2021, fondateur de New MCK Trucks SA. Nébuleux, on vous disait.
L’alter ego de Kirszbaum est un certain Robert Claushuis. Il s’agirait, selon nos sources, du blanchisseur en chef de Didier Reynders, responsable de ses comptes dans des paradis fiscaux. C’est là que les grosses commissions occultes sont payées. Le problème, c’est qu’il faut idéalement les réinjecter dans le système européen sans laisser trop de traces… D’où l’intervention du personnage suivant.
Robert Levy, lui, est un véritable trait d’union entre Reynders et Katumbi, et également un personnage tout droit sorti d’une série B. Il a été mis à la tête de la banque TMB (Trust Merchant Bank.) Celle-ci a une succursale à Bruxelles gérée par une amie très proche de Levy, du nom de Carine Douenias. Elle peut dès lors remonter discrètement les fonds mal acquis du Commissaire européen à la Justice vers Bruxelles. La banque vient d’être cédée à des kényans pour 2 milliards de dollars, pas mal pour préparer une campagne électorale.
En effet, il ne sert à rien d’être milliardaire dans des paradis fiscaux si vous ne savez pas rapatrier votre magot de façon discrète.
Levy a été nommé Consul honoraire de Belgique au Congo avec comme objectif initial de faire bénéficier ce dernier d’une protection diplomatique.
La TMB (Trust Merchant Bank) est liée à une petite compagnie aérienne du nom de Buzzy Bee dont les avions relient les grandes villes de l’Est congolais. Ils sont réputés également d’être la courroie logistique de nombreux trafics comprenant des armes au profit de milices salafistes.
Fermer la Sûreté, surtout ne pas creuser…
Tout cela aurait donné lieu à une amplification des moyens d’investigation pour confondre les coupables. Mais c’est le contraire qui eut lieu… Frank Jaumin, responsable du pilier contre-espionnage de la Sûreté de l’état, ancien assistant parlementaire de Reynders, après avoir enterré le Kazakhgate en supprimant la section économique de la Sûreté, s’apprête désormais à fermer la section Congo. Au moins il y aura de témoins gênants, au mieux ce sera…
Comme Thierry Lakha-nisky, marchand d’armes. Il a travaillé à de nombreuses reprises avec le binôme Fontinoy-Reynders, en particulier en Libye. Il fallait que Reynders dégèle des tranches de 20 millions d’euros des fonds libyens gelés par l’ONU pour financer ses trafics d’armes. La seule solution était de créer une cause humanitaire comme la construction d’un hôpital. Pas de problème ! On construisait un dispensaire pour 500.000 euros et le reste était destiné aux Kalachs et surtout aux commissions de Didier et des autres.
Lakhanisky vient d’être arrêté. Nul doute qu’une intervention du procureur général Johan Delmulle va régler cela rapidement. C’est lui qui a, en trois jours, relaxé Reynders suite aux accusations de l’ancien agent de la Sûreté Nicolas Ullens de Schooten.
Des bruits récurrents faisaient état de la préparation d’un coup d’État au Congo. Les putchistes auraient été armés par un certain Lakhanisky. Est-ce que Reynders pourrait appuyer un coup d’état au Congo ? Selon certains, il y aurait eu un précédent durant la période Kabila.
Au début des années 2010, le leader d’un petit parti congolais du nom de Frédéric Boyenga Boffala aurait été appuyé par une cellule secrète du MR dirigée par l’ancien patron de la base de Florenne, Luc Gennart, pour faire un coup d’état au Congo.
Ils auraient bénéficié du soutien d’un certain Didier Reynders… Or quelques années plus tard, il a été arrêté pour tentative de coup d’État !
Ibrahim-Ahmad-Issaoui et Kassem Tajeddine sont deux financiers du Hezbollah actifs en RDC.
Très curieusement, on les décrit comme très proches de Moïse Katumbi.
Cette situation est d’autant plus curieuse que Katumbi est juif par son père. Il use de cette filiation pour obtenir le soutien de l’European Jewish Association, allant jusqu’à Cracovie pour y dénoncer l’antisémitisme du pouvoir en place. Cette dualité est permanente dans le clan, car Forrest qui a le même type de filiation a été accusé d’avoir fourni de l’uranium à l’Iran. Et comme signalé plus haut, Levy est soupçonné de fournir des armes à des milices salafistes via sa compagnie aérienne Buzzy Bee.
Ainsi, Moïse Katumbi est capable d’aller le matin à l’Église ou en pèlerinage à Lourdes, le midi à la synagogue ou à Cracovie et le soir voir ses amis pour rompre le ramadan. Très œcuménique n’est-ce pas. Mais la fidélité et la loyauté, ce n’est pas son moteur. Ni l’ego d’ailleurs, lui qui serrait dernièrement la main de son bourreau, le Président Kabila qui l’avait contraint à un exil (doré au soleil Ucclois, tiens, commune bien connue d’un Commissaire européen), lors d’une mise en scène de réconciliation ou de Grand Pardon, c’est selon.
À propos de loyauté, celui qui est officiellement membre de l’Union Sacrée, ne recule devant aucun moyen pour dénigrer partout où il le peut l’actuel pouvoir en place. Cette appartenance à l’Union Sacrée n’empêche pas Moïse Katumbi de payer des fortunes, y compris via la société MCK, à des sociétés de lobbying à Washington (plus que l’État congolais ne dépense lui-même) pour faire savoir notamment que s’il devenait président en RDC, sa politique serait plus positive pour les USA que celle de son prédécesseur. Mais surtout pour se plaindre et se positionner déjà en victime d’une machination politique. Avec des alliés pareils, il vaut mieux éviter d’aller à la guerre. Surtout avec le Rwanda où il a de nombreuses relations. À propos, nous n’avons pu lire aucune déclaration du chairman pointant du doigt le Rwanda dans la crise sécuritaire à l’Est du Congo, son pays (ou l’un de ses pays).
Concernant la France, on constate que Katumbi dispose de l’appui de l’actuel Garde des Sceaux… Qui n’est autre que son avocat. En effet, un des clients les plus prestigieux de Maître Eric Dupont-Moretti et de son cabinet n’est autre que Moïse Katumbi.
Comme à Washington, Katumbi recourt en France à des sociétés de lobbying et de conseil en communication. ESL Network, Avisa partners ou même le très influent Ben Yahmed de Jeune Afrique sont de ceux-là, certains d’entre eux étant plus proche de la barbouzerie que du conseil.
Tout ceci est parfois difficile à tracer car, officiellement, l’ex-gouverneur du Katanga n’est propriétaire de rien. Ce sont ses proches et en particulier sa femme, Carine Nahayo Katumbi, qui sont à la tête de toutes les sociétés off-shores ou de biens immobiliers. Son très jeune fils, Champion (oui, c’est son prénom), est une autre façade très régulièrement employée. Lui, il n’est «que» Président de Ensemble, membre de l’Union Sacrée. Et sa richesse ? Selon lui, elle provient de quelques minoteries et d’une pêcherie, peut-être de la revente d’une mine d’émeraude en Zambie.
Il vient également de se faire adouber numéro deux de l’International Libérale où le fidèle Kamitatu le représente. Cela peut toujours être utile comme bouclier.
Détruire ce qui est dans le chemin : l’affaire MCK
Lorsqu’il était candidat aux dernières élections présidentielles congolaises, Moïse Katumbi a pris la décision de vendre sa société de matériel minier du nom de MCK Trucks afin d’obtenir les liquidités nécessaires à sa campagne électorale. C’est la société Necotrans Holding qui va la lui racheter pour 140 millions USD. Néanmoins, suite aux difficultés de la holding française dont tous les clients congolais ont disparu après la vente au profit de sociétés de la nébuleuse (je vends un œuf puis je le vide pour ne laisser que la coquille), c’est une autre société, Octavia Ltd qui va reprendre les actifs et subir le retour brutal de Katumbi. Sa campagne électorale s’est mal passée et il a été obligé de s’exiler en Belgique (à Uccle donc) mais lorsqu’il revient au Congo, il est réhabilité par Félix Tshisekedi. Il reprend alors manu militari sa société entre-temps rebaptisée NB Mining Africa (il y aura un mort et trois blessés graves dans le personnel qui s’opposait au retour par la force de Katumbi).
Depuis lors, Pascal Beverragi, le français véritablement et indiscutablement propriétaire de NB Mining Africa au regard des décisions judiciaires rendues en dernière instance, subit les assauts de Katumbi et son clan. Il gagne systématiquement devant les juridictions internationales et kinoises mais perd bizarrement toujours devant les tribunaux de Lubumbashi. En cela, ce contentieux judiciaire est l’illustration parfaite de l’utilisation de la pieuvre katumbiste.
On assiste dans ce cadre à des pressions d’une violence inouïe faites sur Beverragi. Il fait l’objet de 17 actions judiciaires pénales contre lui au Congo en quelques mois, encore en juillet dernier suite à une lettre ouverte adressée au Président Tshisekedi. Un de ses cadres à Lubumbashi est attaqué à la bombe. Le parquet national financier français enquête sur lui en permanence. Il fait l’objet d’une campagne de calomnie sans précédent jusqu’en France. Ses comptes sont saisis dans diverses juridictions. Il est menacé de mort (empoisonnement ou exécution sommaire), intimidé en permanence, harcelé par une Justice aux ordres du clan. Ses équipes sont suivies, mises sous pression. Les greffes, tribunaux et huissiers de justice sont alimentés pour initier des procédures inacceptables dans un État de Droit d’un côté, menacés par écrit et physiquement pour avoir dit le droit et exécuté des décisions inattaquables.
Ses avocats, en particulier Patient Mukendi – à la fois conseiller de MCK sarl et de Astalia – ne reculent devant rien et investissent beaucoup pour empêcher l’homme d’affaires français de récupérer ses droits et biens. C’est crucial pour le clan, ne pas perdre cette vache à lait qui permet de payer lobbyistes, communicants et autres campagnes, y compris électorales. Nous y reviendrons.
Un des meilleurs agents de la VSSE
Il y a au sein de la Sûreté de l’État belge une section Congo. Elle a été un des fleurons de la maison pendant des décennies. Elle permettait d’avoir une monnaie d’échange avec les grands services qui n’avaient pas de positions de renseignement en Afrique centrale. Ses effectifs tournaient autour de 20 inspecteurs, jusqu’à ce que Didier Reynders se rende compte de l’importance de l’institution.
Alors commence un long calvaire pour cette unité. Elle tombe à quatre inspecteurs. On les mute sous l’autorité de Frank Jaumin, ancien assistant parlementaire de Reynders. Ils ne peuvent plus travailler que sur le service congolais en Belgique, l’ANR, alors qu’avant ils avaient une vue d’ensemble des problématiques congolaises. Un de leurs meilleurs inspecteurs subit une cabale. Il est perquisitionné et sous enquête judicaire ainsi que sous enquête du Comité R. (ce dernier est dirigé par le très libéral Serge Lipszyc).
Sur quoi travaillait cet inspecteur pour subir ces foudres ? Une tentative de coup d’état au Congo ? Les pots-de-vin de Katumbi payés à Reynders ?
Conclusion
Est-ce que le Congo, qui a déjà subi tant de malheur, peut se permettre d’avoir comme président quelqu’un de ce type avec l’entourage mafieux que l’on vient de voir? Est-ce que le Congo peut avoir comme vice-roi occulte un personnage comme Didier Reynders ?
Cette équipe qui récolte des fonds auprès des amis d’Israël, mais qui fraie simultanément avec le Hezbollah en ne cherchant que son bénéfice. Cette équipe qui est accusée d’avoir fourni des armes à des milices salafistes et de l’uranium à l’Iran.
La réponse va de soi.
Econews avec Éric Arthur Parme (kairospresse.be)