Le pouvoir en place à Bamako (Mali) a annoncé, lundi 21 novembre, l’interdiction des activités de toutes les organisations non gouvernementales (ONG) financées ou soutenues par la France, y compris celles opérant dans le domaine humanitaire, en réaction à la suspension de l’aide publique au développement de l’Etat français à travers l’Agence française de développement.
Le gouvernement de la Transition du Mali a décidé, lundi, d’interdire, avec «effet immédiat», toutes les activités des ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire.
C’est ce qui ressort d’un communiqué du Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maiga.
Cette réaction du gouvernement malien fait suite à la décision de la France de suspendre son aide publique au développement (APD) destinée au Mali.
«Face à l’attitude de la junte malienne, alliée aux mercenaires russes de Wagner, nous avons suspendu notre aide publique au développement avec le Mali», avait indiqué le Quai d’Orsay.
«Le Gouvernement de la Transition a pris note de l’annonce faite par la France le 16 novembre 2022, des mesures suivantes : la suspension de son aide publique au développement à destination du Mali, aux motifs fallacieux de la coopération militaire Mali-Russie et des risques de détournement de cette aide, l’octroi direct aux ONG françaises, des fonds mis à disposition dans le cadre de l’action humanitaire de la France au Mali», a indiqué, le Colonel Abdoulaye Maiga.
La Transition malienne réaffirme, en outre, que «ces allégations fantaisistes sont sans aucun fondement et considère cette annonce de la junte française comme un non-événement», rappelant que « cette déclaration n’est qu’un subterfuge destiné à tromper et manipuler l’opinion publique nationale et internationale aux fins de déstabilisation et d’isolement du Mali».
En effet, poursuit Maiga, «depuis février 2022, la France a notifié par voie diplomatique la suspension de sa coopération au développement en faveur du Mali », avant de rappeler que dans « le cadre de la Refondation de l’Etat, le Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition, a défini trois principes, à savoir : le respect de la souveraineté du Mali, le respect des choix de partenaires et des choix stratégiques opérés par le Mali et la prise en compte des intérêts vitaux du Peuple malien dans les décisions».
«En application de ces principes, cette décision de la France prise depuis février 2022 ne suscite aucun regret, d’autant plus qu’elle contribue à la restauration de notre dignité bafouée par une junte française spécialisée d’une part dans l’octroi d’aide déshu-manisante pour notre Peuple et utilisée comme moyen de chantage des gouvernants et, d’autre part, dans le soutien actif aux groupes terroristes opérant sur le territoire malien», a souligné le Colonel Abdoulaye Maiga.
En outre, le Gouvernement de la Transition invite «le peuple malien à rester serein et à soutenir les Autorités de la Transition dans leur noble mission de refondation de l’Etat et de lutte implacable contre les groupes terroristes ».
Pour rappel, les tensions entre Paris et Bamako se sont intensifiées depuis l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer fin janvier 2022, sur fond de propos jugés injurieux du ministre de l’Europe et des AE, Jean-Yves Le Drian concernant la coopération militaire avec la société paramilitaire russe Wagner. Le Mali se réservait alors le droit de diversifier ses partenaires dans tous les domaines y compris militaire.
«Situation de grande fragilité»
Une multitude d’ONG œuvrent au Mali dans les domaines de la santé, de l’alimentation ou de l’éducation. Le pays, pauvre et enclavé, fait face depuis 2012 à la propagation djihadiste et aux violences de toutes sortes, mais aussi à une crise politique et humanitaire grave. Des centaines de milliers de personnes sont déplacées par le conflit.
Depuis mai 2021 et un second coup d’Etat confortant leur emprise, les colonels se sont détournés de la France, poussée vers la sortie, et dont le dernier soldat a quitté le pays en août après neuf ans d’engagement contre les djihadistes au côté de l’armée malienne. Les colonels se sont tournés militairement et diplomatiquement vers Moscou.
Un collectif d’ONG, dont CCFD Terre-Solidaire, Handicap International, Médecins du monde et Oxfam, avait exprimé son inquiétude devant la suspension par la France de son aide.
Destinataires d’une importante partie de ces financements, ces ONG s’alarmaient dans une lettre au président Emmanuel Macron du fait que la suppression de tels financements n’entraîne «l’arrêt d’activités essentielles, voire vitales (…) au profit de populations en situation de grande fragilité ou de pauvreté ». Elles rappelaient que 7,5 millions de Maliens avaient besoin d’assistance, «soit plus de 35 % de la population », et que le Mali figurait en 184e position au classement de l’indice de développement humain.
Avec AFP