Le Premier ministre nommé par la junte à Niamey, Ali Mahaman Lamine Zeine, a assuré que le Niger est capable de «surmonter» le «défi injuste» imposé à la suite du coup d’État. Au moment où l’Union africaine a annoncé se réunir à Addis-Abeba. Parallèlement, entre Paris et Washington ne semblent pâs s’accorder sur la stratégie à mettre en œuvre pour sortir du bourbier nigérien.
Le Niger est en mesure de «surmonter» les sanctions imposées à la suite du coup d’État, a assuré lundi le Premier ministre nommé par le régime militaire à Niamey, Ali Mahaman Lamine Zeine, au moment où l’Union africaine (UA) a annoncé se réunir à Addis-Abeba. «Nous pensons que même s’il s’agit d’un défi injuste qui nous a été imposé, nous devrions être en mesure de le surmonter. Et nous le surmonterons », a déclaré au média public allemand Deutsche Welle le chef du gouvernement des militaires, Ali Mahaman Lamine Zeine, à propos des mesures prises par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Le Nigeria et la Cedeao sont des partenaires importants, a-t-il également assuré : «Nous avons un grand intérêt à préserver cette relation importante et historique et à faire en sorte que la Cedeao travaille d’abord sur des questions purement économiques». Il met cependant en garde : «Si nous constations que le principe politique et militaire passe au premier plan, à la place de cette solidarité économique, ce serait très regrettable».
Le régime militaire a dénoncé dimanche dans un communiqué «les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cedeao», prises lors d’un sommet de l’organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de sept jours pour rétablir l’ordre constitutionnel, sous peine d’un recours à la force, non appliqué. Pendant ce sommet, les États ouest-africains ont annoncé entre autres la suspension des transactions financières et commerciales avec le Niger, dépendant économiquement et énergétiquement de pays étrangers. Ces sanctions « vont jusqu’à priver le pays de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires» et de «fourniture en courant électrique», ont déploré les militaires dans leur communiqué lu à la télévision nationale.
«Force en attente»
Lundi également, le Conseil de paix et sécurité, organe en charge des conflits et questions de sécurité au sein de l’Union africaine (UA), a annoncé tenir une réunion à AddisAbeba pour discuter de «l’évolution de la situation au Niger et des efforts pour y remédier ». Cette réunion se tient après le report samedi d’une rencontre des chefs d’état-major de la Cedeao, qui visait à faire part aux dirigeants « des meilleures options » suite à leur décision d’activer et de déployer leur « force en attente » pour rétablir le président Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet. Le calendrier et les modalités d’une éventuelle intervention militaire ouest-africaine n’ont pas été dévoilés. Les dirigeants de la Cedeao avaient toutefois réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour une résolution de la crise.
Qu’il s’agisse des journalistes locaux ou des correspondants étrangers, ils sont nombreux à exercer leur profession dans une insécurité grandissante.
De leur côté, les auteurs du coup d’État soufflent le chaud et le froid, d’abord ouverts à la négociation, selon une médiation nigériane en visite à Niamey ce week-end, puis annonçant ensuite vouloir poursuivre pour «haute trahison» le président renversé. Dans l’interview à Deutsche Welle, le Premier ministre Zeine a jugé positive la visite de cette délégation de religieux nigérians musulmans.
Paris mécontent de la position de Washington
La position de Washington sur le Niger et, notamment, les résultats de la visite de la sous-secrétaire d’État américaine par intérim, Victoria Nuland, dans ce pays, ainsi que ses contacts avec les nouvelles autorités ont suscité le mécontentement de Paris. C’est ce qu’a fait savoir Le Figaro, se référant à une source diplomatique française.
«Ils ont fait tout le contraire de ce qu’on pensait qu’ils feraient», est-il indiqué. «Avec des alliés comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis ».
Le journal rappelle que, depuis le début du coup d’État au Niger, la France a maintenu une ligne claire, c’est-à-dire, le retour de Mohamed Bazoum à la présidence. «Pour Emmanuel Macron, la crédibilité de la France, notamment en termes de discours sur la démocratie, était en jeu. Pour les Américains, même s’ils sont aussi préoccupés par un retour rapide à l’ordre constitutionnel, la priorité, c’est la stabilité de la région», a noté la source.
Alors que Paris a soutenu la décision de la Cédéao sur la mobilisation des forces de réserve pour préparer une opération militaire contre les militaires au Niger, les États-Unis, note Le Figaro, par l’intermédiaire du secrétaire d’État Antony Blinken, se sont empressés de prôner une solution pacifique au Niger et ont progressivement cessé d’exiger le retour au pouvoir du président déchu, se concentrant sur la libération de Mohamed Bazoum et sur les conditions de sa détention.
«L’objectif des Américains est simple: conserver leurs bases», explique un diplomate français. «Si pour cela il faut tirer un trait sur le retour à la légalité constitutionnelle, ils n’hésiteront pas. Les militaires nigériens ne poseront probablement pas de problème d’ailleurs : ils savent que sans les capacités de surveillance américaines, tous leurs efforts pour combattre les djihadistes sont vains».
Selon le média, les États-Unis ont un contingent assez important au Niger. Environ 1.300 militaires sont répartis entre les bases de Niamey et d’Agadez, dans le nord du pays. C’est la base d’Agadez qui revêt une importance stratégique pour le Pentagone, car elle abrite une piste d’atterrissage pour les drones, ainsi qu’un centre de surveillance pour toute la région, notamment pour la Libye.
Par ailleurs, les États-Unis pensent avoir «notre gars» parmi les rebelles, c’est Moussa Salaou Barmou, nommé chef d’état-major général des forces armées nigériennes. Selon Le Figaro, il a été formé aux États-Unis et a gardé des contacts étroits avec eux, et c’est avec lui que Victoria Nuland s’est entretenue à Niamey. Toutefois, malgré sa proximité avec Washington, Moussa Salaou Barmou, selon le journal, n’a pas encore montré une attitude favorable à l’égard de ses anciens instructeurs.
Paris est aussi mécontent par le fait que, malgré le nombre à peu près égal de militaires américains et français, soit 1.500 personnes, au Niger, le ressentiment dans le pays ne s’exprime qu’à l’égard des soldats français. «Les États-Unis, comme nos autres alliés d’ailleurs, ont l’habitude de nous laisser prendre les coups », a noté la source. Le journal estime que la perception hostile des rebelles à l’égard de la France est due à son passé colonial et à l’échec de l’opération Barkhane (de 2014 à 2022), une opération menée par les forces armées de la République pour lutter contre les groupes islamistes au Mali, au Burkina Faso, en Mauritanie, au Niger et au Tchad.
Avec AFP