A Kinshasa, l’heure n’est plus à la langue de bois. Lorsque la communauté internationale se montre indifférente à l’agression dont est victime la République Démocratique du Congo de la part du Rwanda, mettant en péril le Parc national des Virunga, classé patrimoine mondial de l’humanité, le Gouvernement tonne et exige des explications. Tout doit changer et tout va changer. C’est la posture qu’ont affiché mercredi, lors du traditionnel briefing, le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya Katembwe, et son collègue du Tourisme, Modero Nsimba.
Alors que se tient jusqu’au 23 juillet 2022 à Kigali (Rwanda) une conférence sous l’égide de l’Union internationale pour la conservation, sur la protection des aires – un forum boycotté par la RDC – c’est depuis Kinshasa que le Gouvernement a préféré lancer un appel à la communauté internationale pour son indifférence face à la menace que représente l’agression du Rwanda sur les aires protégées de la RDC, spécialement le Parc national des Virunga, théâtre des opérations militaires menées par les terroristes du M23.
Devant la presse, conviée au traditionnel briefing, le Gouvernement de la RDC, représenté par son porte-parole, Patrick Muyaya, et le ministre du Tourisme, Modero Nsimba, n’a pas été tendre avec la communauté internationale qui se réserve de condamner le Rwanda alors qu’un danger guette le Parc national des Virunga, classé patrimoine mondial de l’humanité.
«Nous intervenons ici pour dénoncer le deux poids deux mesures de la communauté internationale sur ce qui se passe dans le parc national des Virunga. On a vu le monde se mobiliser pour protéger le patrimoine mondial de l‘humanité au Mali. Pourquoi ne le fait-il pas par rapport à ce qui se passe dans le Parc national des Virunga», a dit avec véhémence le ministre Modero Nsimba qui s’est déclaré que : «Nous faisons face à une hypocrisie».
Pour la RDC, l’agression du Rwanda, qui se cache derrière les terroristes du M23, a porté un coup dur au secteur touristique congolais, essentiellement dans le Parc national des Virunga. Le manque à gagner, selon le ministre du Tourisme, se chiffre à plusieurs millions de dollars américains, une manne qui pouvait servir à la reconstruction du pays.
Le monde doit mettre fin à l’injustice que subit la RDC. «Trop, c’est trop», a tonné Modero Nsimba. A la communauté internationale, le Gouvernement a lancé un appel à une prise de conscience du danger qui guette le Parc national des Virunga.
Jouer franc jeu avec la RDC
«Le Congo appelle tous ces gens à venir défendre ensemble le patrimoine commun de l’humanité », a indiqué le ministre Modero Nsimba.
De l’avis du ministre Patrick Muyaya, la communauté internationale doit changer de grille de lecture par rapport à ce qui se fait dans l’Est de la RDC. Certes, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la RDC est bien disposée à jouer son rôle, mais le monde doit comprendre que, dans sa partie Est, le Parc national des Virunga est en péril à cause de l’agression du Rwanda.
«Aux appartenances extérieures, on doit poser la question de savoir comment faire pour assurer à la fois la protection de l’environnement et aussi bâtir notre développement et garantir le bien-être de la population », note le ministre Muyaya.
Mais alors, qu’est-ce que Kinshasa attend exactement de la communauté internationale?
Patrick Muyaya a trouvé la bonne réponse : «Nous ne pouvons pas rester continuellement les bras croisés. Nous pensons que la communauté internationale peut faire davantage que des déclarations diplomatiques. La communauté internationale est co-responsable de ce qui se passe dans l’Est de la RDC. La paix en RdCongo permettra à ce pays de gagner davantage en termes de protection de l’environnement ». Et de souligner : «Dans l’Est de la RDC, la guerre se tient dans une aire protégée. On ne peut pas nous demander de faire plus sur la protection de la biodiversité sans condamner ce qui se fait dans les Virunga, avec la complicité du Rwanda».
Militariser le Parc des Virunga : « L’option est sur la table»
Compte tenu des exactions commises dans le Parc national des Virunga, Kinshasa menace de passer à la vitesse supérieure par une forte militarisation du lieu. «L’option est sur la table», a dit Modero Nsimba. Et d’ajouter : Nous sommes prêts à la soumettre au Conseil des ministres si rien ne change». «Ça serait au regret de nos partenaires, c’est-à-dire installer une administration militaire», note-t-il.
«Retirer le Parc national des Virunga de la liste de patrimoine mondial de l’humanité est une option que nous envisageons aussi », a fait observer le ministre Modero Nsimba.
Plus modéré, Patrick Muyaya partage cette idée, mais il laisse à la communauté internationale de se ranger du côté de la RDC.
«Nous voulons nous engager dans des rapports mutuellement avantageux. Autant vous nous demandez de protéger la biodiversité, autant la communauté internationale doit nous aider à rétablir la sécurité», pense-t-il, soulignant qu’«on ne peut pas nous dire de rester dans la pauvreté pour sauver le monde. On n’est pas disposé à jouer ce rôle ».
Avec 13,5% du territoire national couvert par les aires protégées, la RDC est déterminée à aller jusqu’à 17%. «L’objectif est d’aller au-delà, mais nous attendons de la part de la communauté internationale une sincérité lorsque des aires protégées telles que les Virunga sont détruites par une guerre d’agression », rappelle Modero Nsimba. Avant d’indiquer que : «Voir le Sud-Kivu et le Nord-Kivu en guerre affecte énormément le secteur du tourisme congolais. Parce que c’est la première zone touristique du pays ».
La conclusion de Patrick Muyaya traduit toute la détermination de la RDC de ramener la communauté internationale de l’accompagner dans les efforts de pacification de sa partie Est. «Réglons d’abord ensemble les problèmes de sécurité, ensuite on va se pencher sur la sauvegarde des aires protégées. Il est temps pour la RDC de rayonner», a conclu le porte-parole du Gouvernement.
Francis M.