Le politologue et écrivain Charles Onana se retrouve au cœur d’une tempête judiciaire à Paris, poursuivi par des associations proches du régime rwandais de Paul Kagame. Cette affaire soulève des questions cruciales sur la liberté d’expression et la réécriture de l’histoire dans la région des Grands Lacs africains.
Charles Onana, connu pour ses travaux controversés sur le Rwanda et la République Démocratique du Congo (RDC), a toujours défendu une vision alternative des événements tragiques qui ont marqué cette région. Ses écrits, souvent critiqués par les partisans du régime rwandais, mettent en lumière des aspects souvent négligés ou déformés de l’histoire, notamment le génocide de 1994 et ses conséquences durables.
Les poursuites engagées contre Onana et son éditeur à Paris sont perçues par beaucoup comme une tentative de museler une voix dissidente. Des associations, qui se présentent comme des défenseurs des droits de l’homme, ont déposé des plaintes, arguant que les écrits d’Onana propagent des discours haineux et des théories du complot. Cependant, ses partisans affirment qu’il s’agit d’une manœuvre pour étouffer la vérité et empêcher un débat ouvert sur des sujets sensibles. En République Démocratique du Congo, la résistance s’organise pour soutenir Onana. Des groupes de défense des droits de l’homme et des intellectuels se mobilisent pour défendre la liberté d’expression et dénoncer les atteintes à la démocratie. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, où des citoyens expriment leur solidarité avec l’écrivain et leur désir de voir une histoire complète et honnête de la région.
Ci-dessous, le communiqué diffusé depuis Paris, en France.
La Fédération Internationale des Ligues de droits de l’Homme (FIDH), l’association Survie-France, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la Communauté Rwandaise de France (CRF), le Collectif des Parties Civiles, ont déposé une plainte, avec constitution de partie civile, contre le politologue et écrivain Charles Onana sous le chef de « négation de crime de génocide des Tutsi ».
Le procès aura lieu devant le tribunal correctionnel de Paris les 7, 8, 10 et 11 octobre prochain. La plainte vise le livre retentissant de Charles Onana paru en 2019 aux Éditions de l’Artilleur intitulé « Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise, quand les archives parlent », un ouvrage préfacé par le colonel Luc Marchal, commandant des casques bleus de l’ONU en 1994 au Rwanda. Le colonel Marchal, qui était en 1994 chargé de la sécurité de la ville de Kigali et qui a vécu directement la descente aux enfers du Rwanda, sera à la barre pour soutenir monsieur Onana dont il dit que la méthode novatrice d’analyse « éclaire l’ensemble de la problématique du Rwanda (…) avec la rigueur scientifique qui s’impose ».
L’ouvrage de monsieur Onana met en lumière les zones d’ombre du génocide et des massacres survenus au Rwanda et ce qu’il appelle lui-même « l’invasion masquée du Congo-Zaïre » dès 1994 par les rebelles dirigés par Paul Kagame. Selon lui, cette invasion a été minutieusement préparée en poussant massivement les réfugiés rwandais sur le territoire de l’actuelle République Démocratique du Congo (RDC) en vue de piller ses ressources minières. C’est à partir d’une analyse des cartes d’état-majors de la CIA, de l’armée belge et de la direction du renseignement militaire français que monsieur Onana découvre que l’invasion du Congo avait déjà commencé en 1994 pour se poursuivre en 1997 avec la chute du président Mobutu.
Ce livre avait provoqué l’éviction du journaliste congolais Jacques Matand de la BBC après une interview avec monsieur Onana. Finalement, le journaliste congolais a gagné son procès contre la chaîne britannique, la justice ayant conclu qu’il n’avait commis aucune faute professionnelle et ayant imposé son dédommagement. Le même livre va à nouveau défrayer la chronique devant la justice française, cette fois pour un motif qui n’a pourtant rien à voir avec le le sujet qu’il traite.
L’objectif des plaignants est de tenter d’interdire le livre de Charles Onana et de discréditer l’auteur pour éviter qu’il diffuse ses recherches basées sur de nombreux documents issus du Conseil de sécurité de l’ONU, des archives de la Maison Blanche et du Pentagone mais aussi des archives de l’Élysée, qui prouvent le véritable rôle de Paul Kagame dans la tragédie des Grands Lacs Africains où les morts se comptent désormais par millions, en plus des centaines de milliers de femmes violées et d’enfants traumatisés.
Paul Kagame et l’État rwandais avaient déjà déposé une plainte en 2002 devant la 17e chambre à Paris contre Charles Onana pour son livre intitulé « Les secrets du génocide rwandais » co-écrit avec un rescapé Tutsi du génocide, Déo Mushayidi, ancien membre du Front Patriotique Rwandais (FPR) et ami personnel de monsieur Onana, aujourd’hui emprisonné à perpétuité au Rwanda. Paul Kagame et l’État rwandais avaient retiré leur plainte après les offres de preuve produites pour l’audience par monsieur Onana et son avocat.
Cet ouvrage avait largement été utilisé par les avocats devant le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR). Respecté pour ses recherches et son travail dans de nombreux pays, monsieur Onana a été officiellement reçu en 2005 par le procureur Carla Del Ponte dans son bureau à La Haye qui lui a fait des révélations sur l’attitude de Paul Kagame au sujet des enquêtes spéciales que son bureau avait conduites contre les Tutsis de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) dirigée en 1994 celui qui règne sur le Rwanda depuis plus de 30 ans.
Malgré l’image attractive que ce régime parvient à donner à l’extérieur, un consortium de 50 journalistes issus de 17 médias et de 11 pays différents s’est récemment penché sur les pratiques du pouvoir rwandais. Les révélations de l’enquête Rwanda Classified sont sans équivoque : « intimidations, menaces ou tentatives d’assassinat pour faire taire toutes les voix critiques, que ce soit au Rwanda ou à l’étranger ».
A ce stade, les associations qui poursuivent M. Onana et son éditeur oseraient-elles porter plainte contre le régime de M. Kagame pour son action avec le M23 en République Démocratique du Congo, prouvée et bien documentée par les experts de l’ONU, alors qu’elles prétendent défendre les droits de l’Homme ?
Paris le 11 septembre 2024