Le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), pilier des 18 ans de règne de Joseph Kabila, a été radié de la scène politique congolaise ce mardi 22 avril 2025. Sur ordre du vice-Premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, ses activités sont suspendues «sans délai» sur l’ensemble du territoire, au nom du «respect de la législation ». Symbole d’une époque révolue, le parti laisse ses fidèles – dont Aubin Minaku et Emmanuel Ramazani Sharay – face à un dilemme : renaître sous une nouvelle bannière, loin de l’ombre de Kabila, ou sombrer dans l’oubli. La fin triste d’un géant, le début d’une incertitude.
Le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), fer de lance de l’ancien président Joseph Kabila (2001-2019), a été officiellement dissous ce mardi 22 avril 2025. Une décision radicale, annoncée par le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, qui marque la fin symbolique d’un mouvement ayant dominé la scène politique congolaise pendant près de deux décennies.
UNE DISSOLUTION «LEGALE» ET IMMEDIATE
Dans un message phonique adressé aux gouverneurs de province, à la Police nationale, à l’Agence nationale de renseignements (ANR), à la Direction générale de migration (DGM) et au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSAC), le VPM Jacquemain Shabani a ordonné l’«exécution sans délai» de la décision suspendant les activités du PPRD sur l’ensemble du territoire national. La mesure, justifiée par le «respect de la législation en vigueur régissant les partis politiques », interdit désormais toute opération ou meeting au nom du parti.
Aucun moyen de recours n’a été réservé au PPRD, mais cette décision survient dans un contexte de marginalisation accrue de Joseph Kabila, dont l’influence a décliné depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi en 2019.
Le PPRD, fondé en 2002, était déjà affaibli par des défections massives de cadres et la perte de sa majorité parlementaire depuis la création de l’Union sacrée de nation, la majorité au pouvoir, en 2021. Sa décision de boycotter les élections générales de décembre 2023 l’a encore fragilité, suscitant d’importances défections dans ses rangs.
Symbole du règne de Kabila, le PPRD a dirigé la RDC durant 18 ans, marqués par une stabilisation relative après des décennies de guerre, mais aussi par des accusations de corruption et de verrouillage des institutions. À son apogée, le parti contrôlait l’Assemblée nationale, le Sénat et la majorité des gouvernorats.
Aujourd’hui, sa dissolution acte un tournant dans la recomposition politique du pays. «C’est la fin d’un chapitre, mais pas nécessairement de l’héritage kabiliste», commente à Econews un politologue de l’Université de Kinshasa. Il prédit déjà la déconfiture du parti : «Les réseaux clientélistes du PPRD survivront peut-être sous d’autres formes.»
QUE VONT DEVENIR LES PARTISANS DE KABILA ?
La dissolution plonge dans l’incertitude les derniers fidèles du PPRD, dont Aubin Minaku (vice-président du parti), Emmanuel Ramazani Sharay (secrétaire permanent) et Ferdinand Kambere (secrétaire permanent adjoint). Deux options s’offrent à eux : créer une nouvelle formation, totalement détachée de l’image de Joseph Kabila pour contourner l’ostracisme gouvernemental ou se fondre dans des partis politique existants, notamment au sein de la mouvance présidentielle, l’Union sacrée de la Nation.
Dans l’entourage de Kabila, exilé depuis 2023, on garde le silence. Certains cadres, sous couvert d’anonymat, évoquent déjà des discussions pour lancer un «Mouvement des démocrates congolais», mais rien n’est officialisé.
UN MESSAGE POLITIQUE FORT
Pour le régime Tshisekedi, cette dissolution parachève le «déboulonnement» du système Kabila. En éliminant le PPRD du jeu politique, le pouvoir affiche sa volonté de «tourner la page des divisions passées », selon un conseiller ministériel. Pourtant, la méthode employée – une suspension par décret – interroge.
«La dissolution d’un parti doit reposer sur des motifs juridiques clairs, comme des violences ou des financements illicites. En l’absence de procédure judiciaire, cela pourrait être perçu comme une purge politique », met en garde un juriste spécialisé en droit constitutionnel.
La balle est dans le camp des ex-kabilistes. Leur capacité à se réinventer dépendra de leur aptitude à incarner un projet crédible, loin de l’ombre de Kabila. Pour la RDC, cette dissolution teste aussi la résilience de sa démocratie : un système multipartite peut-il survivre si les partis historiques sont éradiqués par décret ?
Econews