Le Trésor américain impose des sanctions contre Corneille Nangaa et Bertrand Bisimwa

Les États-Unis viennent d’imposer des sanctions contre Corneille Nangaa, principal responsable de la rébellion de l’AFC, et Bertrand Bisimwa, le président du M23. Parallèlement, Twirwaneho, un groupe armé affilié à l’AFC dans la province du Sud-Kivu, et Charles Sematama, chef militaire adjoint de Twirwaneho, ont également été repris sur cette liste des sanctionnés. Pendant ce temps, à Kinshasa, le procès Corneille Nangaa s’est poursuivi jeudi à la Cour militaire de garnison de Kinshasa/Gombe, siégeant en chambre foraine à la prison militaire de Ndolo. Pour la prochaine de ce vendredi, la Cour a prévu de se délocaliser, probablement vers son siège de Batetela, dans la commune de la Gombe.

Les États-Unis viennent de durcir le ton face aux principaux responsables de la rébellion qui continue à endeuiller la partie Est de la République Démocratique du Congo (RDC) avec l’annonce, jeudi, de sanctions sans précédent contre des figures clés de la rébellion de l’Alliance des Forces de Changement (AFC) et du M23. Corneille Nangaa, principal responsable de l’AFC, ainsi que Bertrand Bisimwa, président du mouvement armé M23, se voient ainsi déclarés persona non grata par Washington.

Les sanctions visent également le groupe armé Twirwaneho, qui est affilié à l’AFC dans la province du Sud-Kivu, ainsi que Charles Sematama, le chef militaire adjoint de ce même groupe. Cette décision reflète l’engagement des États-Unis à contrer les violences et les violations des droits de l’homme qui persistent dans l’est de la RDC, plongé depuis des années dans un cycle de conflits armés.

Parallèlement à ces sanctions, le procès de Corneille Nangaa se poursuit à la Cour militaire de garnison de Kinshasa/Gombe. Lors d’une audience qui s’est tenue jeudi à la prison militaire de Ndolo, les personnes mises en cause ont été entendues sur les accusations qui pèsent sur elles.

Craignant que les prévenus ne servent de la Cour pour véhiculer le message de l’AFC, pour l’audience prévue ce vendredi, la Cour devrait se déplacer vers son siège de Batetela, situé dans la commune de Gombe, ajoutant plus de suspense à un procès déjà scruté l’opinion publique et la communauté internationale.

Ces développements interviennent dans un contexte où la sécurité en RDC reste précaire, exacerbée par la montée en puissance de groupes armés qui prospèrent dans le vide laissé par l’absence d’un État fort. Les sanctions américaines sont perçues comme un signal fort envers les forces qui soutiennent l’instabilité dans le pays, tout en offrant, selon certains analystes, une chance de relancer le dialogue autour d’une paix durable.

PROCES NANGAA : LES PREVENUS CAMPENT SUR LEURS POSITIONS

Pendant ce temps, au deuxième jour du procès mettant en cause l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) Corneille Nangaa devenu depuis le coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo, branche politique de la «rébellion» du M23 sous laquelle se cache en réalité l’armée rwandaise au Nord-Kivu, Le prévenu Eric Nkuba dévoile la structure et les ambitions de la rébellion : «Nous avons choisi la guerre, l’AFC n’a pas intérêt à conquérir Goma ou Butembo, mais Kinshasa». Des propos qui ont causé un certain embarras de la Cour qui a dû lever la séance renvoyée à ce vendredi.

Devant la Cour, Eric Nkuba, surnommé Malembe, a reconnu son rôle de cofondateur de l’AFC. Il a même précisé qu’il était également commerçant.

Interrogé sur la nature de son commerce, il a refusé de répondre aux questions concernant un trafic d’armes ou d’avions. L’homme avait été interpellé à l’aéroport de Dar es Salaam en Tanzanie avant d’être extradé à Kinshasa.

Lors de sa présentation aux médias, celui qui est donné pour un proche collaborateur de Corneille Nangaa avait cité les noms de plusieurs personnalités politiques congolaises qui, selon lui, seraient de connivence avec la «rébellion du M23».

A la question du juge sur la nature de sa relation avec l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, Eric Nkuba a rétorqué que «Corneille Nangaa est politique. Moi aussi, je suis politique. Je ne suis pas militaire». Mais lorsqu’on lui demande s’il avait participé à des réunions au Rwanda sur la prise des territoires du Nord-Kivu, il admet volontiers que la réunion s’était plutôt tenue à Rutshuru, chez le général Makenga du M23.

Eric Nkuba a détaillé la création et les objectifs de l’AFC. Selon lui, l’AFC a été créée à Nairobi avec la branche politique de Twiraneho, celle du M23, et lui-même ainsi que Corneille Nangaa. «Après la rencontre de Rutshuru, nous sommes allés à Kigali pour rencontrer les membres de Twiraneho», a-t-il expliqué.

Il a souligné que Corneille Nangaa coordonne le M23 et le Twiraneho, insistant sur le fait que le M23 n’est pas mort et fonctionne toujours avec ses branches politique et militaire.

Interrogé sur le soutien rwandais au M23, Nkuba a répondu : «J’étais à Rutshuru, je n’ai vu aucun Rwandais. Mais dans les FARDC, il y a aussi des Rwandais. À côté des FARDC, les FDLR sont visibles.»

L’auditeur militaire a accusé Nkuba de trahison, ce à quoi il a répliqué : «Je n’ai pas trahi mon pays. Je voudrais instaurer une démocratie.» Face à la question du juge sur l’utilisation de la violence pour renverser les institutions, Nkuba a évoqué les scandales de corruption et de mauvaise gouvernance, affirmant que l’AFC a été créée pour instaurer la démocratie.

Nkuba a été clair sur les ambitions de l’AFC : « L’objectif de l’AFC n’est pas de rester au Nord-Kivu, mais de conquérir tout le pays et d’arriver jusqu’à Kinshasa. Le but n’est pas de balkaniser le pays, mais de conquérir le pouvoir à Kinshasa. L’AFC n’a pas intérêt à conquérir Goma ou Butembo, mais Kinshasa ».

L’audience a été levée après que l’un des prévenus appelé à la barre ait déclaré que son groupe avait pris les armes pour endiguer les injustices et la discrimination dont sa communauté ferait l’objet. Il a été contraint par le ministère public à retirer ses propos jugés dangereux et de nature à favoriser un sentiment insurrectionnel.

Ils sont au total 25 à être concernés par le procès, ouvert le mercredi 24 juillet 2024 à Kinshasa. Il s’agit de : Corneille Nangaa Yobeluo, Colonel Nziramakenga Ruzandiza Emmanuel alias Sultani, Colonel Byamungu Bernard, Major Ngoma Willy, Safari Bishori Luc, Samafu Makinou Nicaise, Nangaa Baseyane Putters, Nkuba Shebandu Eric alias Malembe, Nkangya Nyamacho alias Microbe, Monkango Nganga Brenda, Ilunga Kalonzo André, Tshibimba Kalonji Ange, Maggie Walifetu Henri, Biyoyo Yahunze Josué, Chalwe Munkutu Adam, Alumba Lukamba Omokoko J.P, Tshisola Yannick, Bisimwa Bertrand, Lubanda Nazinda Yvette, Kaj Kayembe Fanny, Mamba Kabamba Jean Jacques, Lubala Ntwali Fabrice, Lawrence Kanyuka, Delion Kimbulungu et Paluku Kavunha Magloire. Tous sont  poursuivis pour «crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et trahison dans la partie Est de la RDC ».

MWIN MURUB FEL