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Les accords FMI-RDC sous le feu des critiques : Matata et Godé Mpoyi sur la ligne de front

Les deux accords approuvés le 15 janvier 2025 par le Conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) en faveur de la République Démocratique du Congo (RDC) continuent de provoquer des réactions contrastées dans les milieux économiques. Si certains saluent ces décisions comme une marque de confiance dans l’économie congolaise, d’autres, à l’instar de Matata Ponyo Mapon, ancien ministre des Finances et Premier ministre, actuellement député national se montrent particulièrement critiques. Godé Mpoyi, également député national et professeur d’économie, partage ce point de vue en se focalisant sur les performances économiques irréalistes, selon lui, attribuées au gouvernement congolais ainsi que le «maquillage» des chiffres.

Le 15 janvier 2025, le Conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) a approuvé deux accords en faveur de la République Démocratique du Congo (RDC). Ces décisions suscitent des réactions variées au sein des milieux spécialisés, notamment des critiques virulentes de la part de l’ancien ministre des Finances et Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, actuellement député national et professeur d’économie.

MATATA PONYO : « LE FMI fait la honte »

Intervenant lundi sur les ondes de Radio Okapi, Matata Ponyo Mapon n’a pas mâché ses mots à l’égard du FMI, qu’il accuse de complaisance face aux «graves erreurs de gestion » du gouvernement congolais. Selon lui, l’institution internationale a terni sa réputation en avalisant la stabilité du cadre macroéconomique de la RDC, malgré des signaux alarmants.

«Je pense que le FMI fait honte parce que, pour la première fois, on réalise que l’institution Fonds monétaire international ne préserve pas sa crédibilité, reconnue mondialement. » Matata a appuyé ses critiques sur son article scientifique intitulé : «Comment le FMI accompagne le sous-développement sur le continent africain : cas de la RDC de 2019 à 2024».

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Il s’est interrogé :

«Comment le FMI peut-il nous parler d’une croissance robuste fondée uniquement sur le secteur minier ? Comment peut-il parler d’une résilience d’économie marquée par la corruption, les scandales et les détournements ? Comment peut-il qualifier de performante une économie en déficit budgétaire, où plus de 53 % des dépenses publiques sont effectuées en dehors des cadres légaux ? C’est un scandale.»

L’ancien Premier ministre affirme avoir transmis ses réserves au FMI et à la Banque mondiale, mais il n’a reçu aucun retour. Il s’indigne du silence qu’il qualifie de complice, rappelant que les institutions internationales sont censées incarner la bonne gouvernance.

«Quand des soupçons de détournement et de corruption émergent, la moindre des choses serait d’auditer les dépenses. Comment le FMI peut-il ignorer les conseils d’un député national face à un gouvernement qu’il doit surveiller ? Le FMI est devenu complice de cette situation », a-t-il déclaré.

Matata Ponyo soutient que les faits parlent d’eux-mêmes. Entre 2019 et 2024, le FMI a décaissé environ 2,117 milliards USD pour la RDC, dont 1,466 milliards USD, soit 67%, pourraient avoir été détournés, avance-t-il.

GODE MPOYI REJOINT LES CRITIQUES

Dans une prise de position similaire, Godé Mpoyi, également député national et professeur d’économie, a remis en cause la fiabilité des chiffres publiés par le FMI sur les performances économiques du gouvernement congolais :

«Performances économiques (2024) et maquillage des chiffres en RDC : Conséquences politiques et sociales. Comme en 2013, le taux d’inflation publié par le gouvernement et le FMI en 2024 est faux. Non seulement les prix du marché n’ont pas été respectés, mais le panier de 500 produits de référence n’a pas été constitué.»

Selon l’élu de Kinshasa/Funa, ces manipulations ont des conséquences graves :

«En communiquant de faux chiffres pour des raisons de positionnement gouvernemental, on empêche le président de la République de prendre de bonnes décisions pour le social du peuple. Le jour où le FMI réalisera cette supercherie, il risque d’écrouler les efforts consentis depuis 2019. »

Godé Mpoyi plaide pour un renforcement des institutions locales telles que l’IRES (Institut de recherche économique et sociale) et une meilleure implication de la Banque centrale du Congo et de l’INS (Institut national de la statistique) afin de produire des données fiables. «Conquérir n’est pas forcément occuper», a-t-il conclu.

Les critiques formulées par Matata Ponyo et Godé Mpoyi soulignent un malaise profond quant à la gestion économique du pays et au rôle des institutions internationales. Ces prises de position invitent à une réflexion sur la nécessité d’un contrôle renforcé des fonds décaissés et sur l’importance d’assurer une plus grande transparence pour restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

ENVIRON 3 MILLIARDS USD SUR 38 MOIS

Pour rappel, c’est le 15 janvier 2025, depuis son siège de Washington (Etats-Unis), que le Conseil d’administration du FMI a approuvé  en faveur de la République démocratique du Congo un accord de 38 mois au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC), pour un montant de 1.332,5 millions de DTS (environ 1.729 millions de dollars US ou 125 % de la quote-part du pays), ainsi qu’un accord de 38 mois au titre de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD), pour un montant de 799,5 millions de DTS (environ 1.038 millions de dollars US ou 75 % de la quote-part).

Dans ses conclusion, le FMI a estimé que «l’activité économique est restée forte en 2024, avec une croissance du PIB réel prévue à 6,0 %. L’inflation, qui avait culminé à 23,8 % à la fin de 2023, a ralenti pour s’établir à 12,8% en glissement annuel en fin novembre 2024 et a poursuivi sa baisse ces dernières semaines. Le solde budgétaire intérieur devrait se réduire en 2024, la collecte plus importante que prévu de recettes budgétaires n’ayant été que partiellement absorbée par des niveaux plus élevés que prévu de la masse salariale et des dépenses exceptionnelles de sécurité. Le déficit du compte courant devrait également se réduire, contribuant à renforcer les réserves internationales».

Ainsi, le nouveau programme appuyé par la FEC vise à «consolider les progrès accomplis dans le cadre de l’accord FEC de 2021-2024, achevé en juillet 2024, en préservant la stabilité macroéconomique, améliorant l’environnement des affaires, en renforçant la gouvernance et la transparence, et favorisant une croissance inclusive. Ses ambitieux objectifs nécessitent entre autres, de poursuivre les efforts de forte mobilisation des recettes budgétaires et d’approfondir les réformes visant la modernisation de la gestion des finances publiques, en se concentrant sur l’amélioration de l’efficacité et la redevabilité dans l’utilisation des ressources publiques». Alors que le programme appuyé par la FRD vise à «aider la RDC à réaliser sa vision stratégique de +pays solution+ dans la transition vers une économie mondiale à faible émission de carbone, tout en renforçant sa résilience aux chocs climatiques ».

Hugo Tamusa

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