Les défis d’un second mandat : Tshisekedi II, vivement un nouveau narratif ! 

Réélu, Félix Tshisekedi a un rendez-vous avec l'histoire pour redonner à la RDC toute sa grandeur.

La publication par la CENI dans la nuit du samedi au dimanche des résultats provisoires des élections législatives nationales est venue planter le décor des institutions nationales après la victoire à la présidentielle de Félix Tshisekedi, réélu pour un second mandat. Outre des figures bien connues de la sphère politiques au cours des quatre cycles électoraux inaugurés en 2006, il est à noter l’entrée dans l’hémicycle d’une nouvelle génération des politiques jeunes aux ambitions affirmées. Quoiqu’émaillées d’irrégularités dont même la Centrale électorale s’est faite l’écho, le temps n’est plus aux atermoiements et aux querelles de clocher.  L’heure est venue de songer enfin à bâtir une nouvelle société débarrassée de ses tares traditionnelles que sont la corruption, le tribalisme, le népotisme et la basse flatterie.  

Le 20 janvier prochain, le président élu Félix Tshisekedi sera investi et entamera de fait un second mandat de cinq ans.  Oubliés les accrocs majeurs d’une élection controversée entachée de présomptions de fraudes massives  qui ont débouché sur  l’invalidation de pas moins de 82 candidats aux législatives dont une belle brochette de ses propres partisans les plus farouches.

Aux oubliettes les manquements manifestes d’une Commission électorale nationale indépendante dont le président Denis Kadima a essuyé et continue à essuyer des flèches empoisonnées des oppositions qui le vouent aux gémonies, l’accusant de servir de faire-valoir des desseins inavouables de Félix Tshisekedi et d’une majorité manifestement factice née des cendres incestueuses d’une alliance hétéroclite faite de vieux mobutistes, de néo-kabilistes aux dents longues et de revenants de la «diaspora » congolaise accourue à la curée d’un pouvoir qui se cherchait encore.

Passé l’éponge sur les arguties juridiques selon lesquelles il est inexplicable que dans une élection combinée à bulletin unique, seul le volet des législatives fasse l’objet de contestation, la présidentielle ayant été le fruit d’un processus exemplaire. Il n’empêche que le fils du feu le Sphinx de Limete présidera encore aux destinées de la République démocratique du Congo avec des fortunes diverses, avec succès s’il lui est donné de changer de narratif, tant dans son discours que dans la gestion ordinaire du vivre-ensemble de la diversité des communautés congolaises.

A moins de faire l’autruche et de se refuser à regarder la réalité vraie en face, force est constater que la proclamation de la réélection du président sortant dans la soirée du 9 janvier 2024 n’a pas donné lieu, sauf dans certains milieux restreints, à des scènes de réjouissances à l’image de celles vécues cinq ans plus tôt, à la suite de ce qui fut alors qualifié de «passation pacifique et civilisée du pouvoir». La joie de ses partisans a été des plus modestes et le triomphalisme à outrance attendu n’a pas été au rendez-vous.

La frilosité observée dans l’opinion nationale de l’accueil de la communication de la Cour constitutionnelle s’expliquait par le pavé jeté dans la mare par la Commission électorale nationale indépendante, mettant en cause de hautes personnalités accusées de fraudes lors des élections générales du 20 décembre d’une part, et l’insistance des oppositions qui remettaient en doute les résultats présentées par la Centrale électorale, dont la dissémination illégale des Dispositifs électroniques de vote (DEV) indûment détenues par des caciques du régime dont certains auraient voté et fait voter à domicile.  Deux facteurs qui ont sérieusement douché un consensus autour de la réélection du candidat président sortant et désormais élu.

LE TEMPS DE LA MATURITE

La Cour constitutionnelle a tranché : les irrégularités dénoncées par la CENI ne sont pas de nature à remettre en question la réélection à la présidentielle du candidat Félix Tshisekedi irrévocablement crédité de 73,47% de suffrages exprimés. En d’autres termes, il faut faire avec.

Arrivé au pouvoir quasiment sans une expérience avérée dans la gestion politique de haut niveau hors le cercle de l’UDPS dans l’ombre de son père, l’homme a eu le temps de mûrir au cours des cinq années de son premier mandat. De sa désolidarisation d’avec le FCC à la création de l’Union sacrée de la Nation, renversant de facto une alliance qui, selon ses propres dires, lui mettait les bâtons dans les roues et paralysait ses initiatives, à la création en pleine législature d’une majorité parlementaire toute dévouée, il aura démontré sa capacité à retourner à son avantage des situations à première vue sans issue.

Il aurait pu continuer sur une lancée ascendante si son premier mandat n’avait été entaché de scandales à répétition. De l’Affaire, dite des 100 Jours, qui avait conduit son directeur de cabinet et allié de la première heure en prison, plus tard relaxé et accueilli au gouvernement, à l’embastillement de son conseiller à la sécurité nationale, ou encore les déclarations à l’emporte-pièce d’un autre conseiller étalant au grand jour des secrets d’Etat et une multitude de dénonciations de détournements de deniers  publics du fait de ses anciens amis venus de la «diaspora », restés en liberté, l’heure est venue pour lui de changer de braquet, d’affirmer une maturité en mesure de tenir à l’écart les faucons aux ambitions déstabilisatrices.

LA TENTATION DU PARTI UNIQUE

Désormais blanchi sous le harnais et ayant cerné au cours de son premier quinquennat les contours du fonctionnement de la classe politique, Félix Tshisekedi saura certainement déjouer le piège de ses thuriféraires qui l’attitrent par des discours hors de toute idéologie rationnelle vers la tentation du parti unique.

Les prémices en sont d’ores et déjà posées : pour la première fois en effet, les affiches de campagne des candidats aux divers scrutins n’ont pas porté la mention de leurs partis ou regroupements politiques. Le portrait en arrière-plan du chef de l’Etat sortant suffisait à l’identification du candidat comme sociétaire de l’Union sacrée (USN).

C’est là le signe avant-coureur des débats auxquels l’opinion serait amenée à assister, si la raison ne venait pas à l’emporter sur des intérêts partisans mal définis. Une rumeur persistante fait état d’une révision de la constitution dans ses diverses dispositions relatives à l’administration de la Territoriale. Un désastre en vue et un retour en arrière de plusieurs décennies.

Econews