Ils sont nombreux à avoir rejoint les rangs de l’Union sacrée de la nation après l’éclatement de la coalition FCC-CACH. Si quelques chanceux ont pu tirer leur épingle du jeu en affichant une loyauté toute neuve et intéressée à Félix Tshisekedi au point de figurer dans ses trois gouvernements (Julien Paluku, Jean-Pierre Lihau, Jean-Lucien Bussa…), plusieurs d’entre eux poursuivent une traversée du désert et doivent regretter les temps de la toute-puissance du PPRD/FCC où ils tenaient les premiers rôles. Certains d’entre eux avaient produit des œuvres intellectuelles à polémique, d’autres s’étaient illustrés par des discours incendiaires contre l’opposition de l’époque et son leader disparu, et aujourd’hui au pouvoir. Ils en paient le prix fort. La vengeance, dit-on, est un plat qui se mange froid. Retour sur ces grandes figures du FCC payés en monnaie de singe, malgré leur adhésion à la «fatshisphère».
Ils ont quitté Kabila pour rejoindre Tshisekedi, espérant trouver une bonne place au soleil, après la déroute du FCC aux élections générales de décembre 2018. Depuis lors, c’est une longue traversée du désert.
Retour sur ces grandes figures de la «kabilie», apparemment jetées dans la poubelle de l’histoire par l’Union sacrée de la nation.
LES OUBLIES
Evariste Boshab. 68 ans. Professeur d’université. Ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat. L’affaire des 30.000.000 de dollars payés par le Congo-Brazzaville au compte de la SNEL pour l’achat de l’électricité d’Inga lui a toujours collé à la peau. Ministre de l’Intérieur. Président de l’Assemblée nationale où il remplace Vital Kamerhe en 2009. Auteur d’un remarquable essai intitulé : Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la Nation, ouvrage dans lequel il démontrait en consti-tutionaliste affirmé qu’un troisième mandat de Joseph Kabila était parfaitement conforme à la constitution.
Lambert Mende. 71 ans. Longtemps ministre de la Communication. Surnommé le «Tshaku National» (le Perroquet National) grâce à sa capacité à porter la voix de son maître; remarquable pour sa verve à défendre même l’indéfendable; bête noire des médias étrangers, le prédécesseur de Patrick Muyaya a vainement entretenu l’impossible gageure de demeurer kabiliste malgré son adhésion surréaliste à l’Union sacrée. Dans son sillage, Thierry Monsenepwo son fanatiquement dévoué séide. Un homme lige miraculeusement nommé au Conseil d’administration de la moribonde société nationale des hydrocarbures (SONAHYDROC). Auteur prolifique de panégyriques à la gloire de Félix Tshisekedi dont le point d’orgue reste invariablement l’insulte gratuite à Joseph Kabila.
Adolphe Lumanu. 71 ans. Lui aussi professeur d’université. Ancien ministre de l’Intérieur. L’ex-bras droit de Kabila a ainsi expliqué son choix pour le camp Tshisekedi : «Tshisekedi ne recrute pas un monsieur lambda, ordinaire. Il prend là quelqu’un qui lui amène une base et une tête». Difficile de dire si la suite des événements lui a donné raison. Entre-temps, il se battrait pour le ministère des Relations avec le Parlement. Pour ce faire, rapporte la rumeur, il ferait le pied de grue à Limete (trouvez l’endroit !) et accompagne régulièrement ses anciens collègues au Parlement. C’est que pour lui aussi, la roue continue à tourner. Et pour longtemps.
Léonard She Okitundu. 78 ans. Ancien ministre des Affaires étrangères et sénateur. Il est resté dans les annales à la suite de sa défaite face à l’opposant Kengo à la présidence de l’ancien sénat pourtant majoritairement acquis au président Kabila.
Steve Mbikayi. 60 ans. Président du Parti travailliste (PT) et ancien député FCC. Ancien ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU). Se signale ces derniers temps par une profusion de publications sur les réseaux sociaux appelant au changement de la Constitution, engageant du coup d’interminables échanges acides avec le sommet du PPRD. Ne cache pas ses préférences tribales et n’hésite pas à revendiquer son engagement en faveur d’une hégémonie kasaienne sur l’ensemble du pays. Apparemment, cela n’a pas encore convaincu les pontes de l’Union sacrée. A moins que ces derniers ne le considèrent comme un individu dangereux.
Justin Bitakwira. 63 ans. Ancien ministre du Développement rural, il serait l’initiateur en son temps du projet des forages qui ont fait tomber l’UDPS Nicolas Kazadi. Le petit-fils de sa Grand-Mère à laquelle il attribue des maximes souvent issues de sa propre imagination, il voyait plus grand en tournant le dos au Front commun pour le Congo. Il a même rejoint l’activiste Freddy Mulumba dans sa croisade contre la balkanisation du Congo généralement imputée aux Tutsi rwandais, joignant une voix tonitruante aux thèses tshise-kedistes de candidats de l’étranger lors des dernières élections. Sa verve et son autodérision sur sa taille modeste ne font plus rire les tout-puissants membres du présidium de l’USN. Peut faire mieux et patienter encore.
Claude Nyamugabo. 52 ans. Ancien ministre Kabila de l’ESU. S’est fait remarquer en arborant des chemises à l’effigie bien visible du candidat Tshisekedi lors de la campagne qu’il a menée tambour battant au Sud-Kivu. Doit se mordre les doigts, après sa défaite aux législatives à Kabare où il a été battu par l’un des fils de Bahati Lukwebo.
Célestin Tunda ya Kasende. 69 ans. Dernier ministre FCC de la Justice. Ancien VPM et ministre des Affaires étrangères et député. Secrétaire permanent adjoint du PPRD. Pour avoir usé et abusé de l’expression «Ye Mei», il est éjecté dans des conditions humiliantes du gouvernement après avoir été déconnecté de conseils des ministres sous le premier ministre Ilunga Ilunkamba qui se tenaient en distanciel à cause de la COVID 19. Malgré son adhésion à l’USN, l’avocat se fait plus que discret.
Alphonse Ngoyi Kasanji. 61 ans. Le diamantaire devenu gouverneur du Kasaï oriental de 2007 à 2019 et député national. Un moment président de SM Sanga Balende. On se souvient encore de son contentieux autour d’une villa appartenant à Gabriel Mokia avenue Tshatshi. Sa fille (à laquelle il avait cédé son siège à l’Assemblée provinciale du Kasaï Oriental) s’était alors autorisé des propos jugés outrageants à l’égard de la Première Dame. Des excuses furent présentées et acceptées. Mais rien ne garantit que les propos outranciers ont été oubliés.
«Ndeko» Basile Olongo Pongo. Président d’un sulfureux PCSD. Ancien VPM intérimaire et ministre de l’intérieur et Sécurité. Il avait sollicité du premier ministre Sama Lukonde à peine nommé deux ministères dans le 1er gouvernement USN au nom de son regroupement, le G26, qui, à ses dires, comptait entre 14 et 16 députés. Et le 8 avril 2022, il prophétisait que les élections n’auraient pas lieu en 2023.
Lisanga Bonganga. Ancien ministre en charge des Relations avec le Parlement dans le gouvernement de Bruno Tshibala (2017-2019). Il montre un talent inégalé dans la création des plateformes politiques qu’il arrime invariablement à l’UDPS dont il se réclame le plus farouche allié. Les différents gouvernements glissent pourtant sur lui comme l’eau sur les plumes du canard. Malgré tout, il ne se décourage pas. Le responsable du protocole de la paroisse saint Augustin de Lemba est une école de patience.
POUSSE A LA PORTE DE SORTIE
Modeste Bahati Lukwebo. 68 ans. Le président sortant du Sénat (et qui aspire à le redevenir) est l’un des rares hommes politiques qui ont pris la vraie mesure de la classe politique congolaise pour la bonne raison qu’il a développé une incroyable aptitude dans le jeu du retournement des vestes qui le place toujours au centre des systèmes politiques successifs.
Parvenu à arracher le poste de Questeur au bureau de l’Assemblée nationale, mais dépouillé de la CNSS au ministère du Travail où il a placé un ministre AFDC et désormais rattaché au ministère de la Santé publique de l’UDPS Kamba, Bahati apparaît comme le mal-aimé du camp tshisekediste. Il a compris que son aura gêne.
Le traitement qui lui a été réservé dans le cadre du gouvernement Suminwa n’est pas anodin. «C’est une façon de le pousser à la porte de sortie», se dit-on dans les rangs de l’aile dure de la majorité au pouvoir.
Dans l’entourage du Président de la République, on ne supporte plus les caprices du leader de l’AFDC-A. Tout est donc mis en place pour l’éloigner de la cour. Mais, c’est aussi mal connaitre Modeste Bahati Lukwebo dit «Maradona» au regard de sa dextérité à retourner une situation désastreuse en sa faveur.
Avec Vital Kamerhe, il figure sur la liste d’anciens kabilistes qui portent ombrage à un pouvoir exclusif UDPS que les Augustin Kabuya et autres appellent de tous leurs vœux.
MWIN M.F.